Verna Felton est une de ces actrices dont le nom ne dit rien à personne et qui sont connues de tous. Essentiellement sans doute parce qu’un certain Walt Disney l’idolâtrait et lui confiait le doublage de nombreux de ses personnages dont la maman de Dumbo, la reine de cœur d’Alice au pays des Merveilles ou la bonne fée de Cendrillon et de la belle au bois dormant.
Parce que Verna n’était certes pas un premier prix de beauté, ce dont elle se fichait éperdument mais elle était…une voix. Une voix qui aux oreilles américaines était au moins aussi familière que celle de Judy Garland ou Frank Sinatra.
Verna Felton vient au monde le 20 juillet 1890 à Salinas en Californie. Nous sommes dans une aimable famille bourgeoise à laquelle le destin va jouer un tour bien pendable. Le père de Verna, médecin de son état meurt subitement en 1897. Le monde de Verna s’écroule mais elle ne sait pas encore à quel point. Non seulement son père n’a rien laissé mais il ne reste plus un sou vaillant dans la maison et ce malgré une excellente patientèle. En fait, ce brave homme qui gagnait largement sa vie avait fait un don, le plus large possible aux victimes de l’ouragan qui avait presque rayé la ville de Galveston de la carte. Aujourd’hui encore, cet ouragan reste le plus meurtrier qu’ait connu l’Amérique. Le nombre des victimes est estimé à 8000 morts même si le chiffre de 12.000 fut avancé à l’époque. Le bilan fatal reste incertain . N’écoutant que son bon cœur, le docteur Felton avait bourse déliée jusqu’au dernier cent. Pouvait-il imaginer que lui-même allait s’éteindre, laissant sa famille sans un sou vaillant.
Avant ce drame, la petite Verna qui ne songeait qu’à chanter et à danser avait attiré l’attention d’un directeur de troupe de théâtre itinérant. Devant le dénuement et le désarroi complet de la famille, il propose à la maman de Verna d’emmener sa fille avec la troupe. Les enfants sont au début du siècle les artistes les plus demandés et une certaine Mae West ne débutera pas autrement.
N’étant pas en mesure de refuser, la maman de Verna laissa sa petite fille adorée s’en aller, perdant son enfant après son mari.
Si Verna fut à n’en pas douter complètement dévastée par la perte de son papa, elle ne se fit quand même pas prier deux fois pour embarquer avec la troupe à la conquête de l’Amérique ! Partie en 1897, elle a son nom à l’affiche dès 1900 comme « The Fabulous baby Verna ». En 1907 elle est une star des planches et triomphe dans des rôles plus matures en commençant par celui de la fille un tantinet snobinarde de « Stella Dallas ». Plus tard elle interprétera…Stella !
A la fin des années 20, Verna est une célébrité. Elle a épousé en 1923 un de ses partenaires de jeu, Lee Carson Millar qui restera le seul homme de sa vie et accessoirement le père de leur fils unique.
A partir des années 30, la radio devient le vecteur médiatique le plus puissant du monde et ses stars, voix sans visages, sont littéralement déifiées. Verna s’y est engouffrée et est devenue une des voix les plus reconnaissables et les plus adorées de toutes. C’est sa gloire radiophonique qui l’amènera en droite ligne à Hollywood où les stars de radio sont intensément courtisées par le cinéma. Mais ce qui était allé de soi pour la sublime Dorothy Lamour fut moins simple pour Verna. Parce que quand-même…Avec cette tête-là !
On voudrait que ce soit Walt Disney qui ait le premier fait travailler Verna au cinéma…et encore…Fait travailler sa voix.
Rien n’est plus faux ! Verna avait surgi dès 1917 au cœur d’un cinéma qui, amusant paradoxe était parfaitement muet. Alors même si ses prestations filmées furent plutôt rares, il faudrait plus de vingt ans avant de la revoir, ce n’était pas une débutante qui vint un beau matin de 1941 faire parler la maman de Dumbo et faire couler des torrents de larmes jusqu’à plus soif.
On voudrait également que Verna n’ait fait que prêter sa voix aux personnages Disney. C’est méconnaître honteusement le travail de tonton Walt et son équipe. Tous les longs métrages sont intégralement joués par des acteurs en costume sur fond neutre. Ensuite seulement on peint la pellicule pour en faire un « dessin animé ». Ainsi donc, lorsqu’on savoure les bonnes fées ou les méchantes reines, ce sont bel et bien les gestes, les mouvements et les expressions de l’intrépide Verna qui reconnaîtra s’être amusée comme une folle malgré un travail harassant…Que personne ne verrait jamais vraiment.
Ceci n’étant valable, faut-il le préciser, que pour les personnages plus ou moins humains. Verna n’a joué ni son premier rôle pour Disney ni son dernier puisqu’il s’agissait d’éléphants. Véritable égérie de Disney, elle tournera quand même quelques « vrais rôles » au cinéma dont le plus mémorable restera probablement « Picnic » avec William Holden, Kim Novak et une Rosalind Russell déchaînée.
Et puis, fi de la radio, du cinéma et du dessin animé, Verna se découvre une véritable passion pour la télévision où elle sera aussi adorée dans les années 50 qu’elle l’était à la radio dans les années 30. Elle sera impérissable au souvenir américain pour avoir été la voix de l’infernale belle-maman dans « Les Flinstone ». Sous ses allures de vieille dame un tantinet bonasses mais confondantes de gentillesse, elle fait preuve d’un réel abattage qui fait des étincelles même au côté d’une Lucille Ball en grande forme !
Verna est partout, elle fait tout, elle excelle même si son physique la cantonne définitivement dans les rôles de gentilles grand’mères adorées. Et puis, après avoir repris les chemins du studio Disney pour « Le livre de la jungle » où elle mène la patrouille des éléphants, Verna s’écroule chez elle à Hollywood, victime d’un accident cérébral majeur. C’était le 14 décembre 1966.
Verna Felton avait 76 ans et le lendemain son fidèle Walt Disney la suivait dans la mort.
Son mari l’avait laissée veuve en 1941 et c’est pour sortir de son chagrin qu’elle avait accepté l’offre Disney pour Dumbo.
Celine Colassin
QUE VOIR ?
1917 : The Chosen Prince, or The Friendship of David and Jonathan
1940 : Northwest Passage : Avec Spencer Tracy
1940 : If I Had My Way : Avec Gloria Jean et Bing Crosby
1941 : Dumbo (Mrs Dumbo)
1950 : The Gunfighter : Avec Helen Wescott et Gregory Peck
1950 : Buccaneer’s Girl : Avec Yvonne de Carlo
1950 : Cinderella (La marraine de Cendrillon)
1951 : Alice au pays des merveilles (la reine de cœur)
1952 : Don’t Bother to Knock : Avec Marilyn Monroe et Richard Widmark
1955 : Lady and the Tramp (tante Sarah)
1955 : Picnic : Avec Rosalind Russell, Kim Novak et William Holden
1959 : La Belle au bois Dormant (La reine et la fée Flora)
1965 : The Man from Button Willow : Avec Dale Robertson
1967 : Le livre de la Jungle (L’éléphante)