La vie de Susan Tyrrell commence comme on les aime lorsque l’on se donne pour mission de retracer le parcours des étoiles filantes du cinéma. Il y a de tout, de l’amour de la passion, de l’incompréhension du glamour et des conflits.
La jeune personne en question vient au monde le 18 mars 1945 sous le patronyme de Susan Jillian Creamer à San Francisco. La petite Susan a deux soeurs: Candace et Carol. Son père John Tyrrell est agent de comédiens à Hollywood et s’occupe essentiellement de Loretta Young, maintenant que son autre cliente phare, Carole Lombard a trouvé la mort dans un crash aérien. Sa mère, la très collet monté Gillian Tyrrell est anglaise et fait partie de la gentry. Elle a d’ailleurs vécu en Chine et aux Philippines au gré des missions diplomatiques de son père.
Le couple Creamer-Tyrrell finira par divorcer, Gillian se remariant avec un certain monsieur Hoyt. John Creamer lui aussi remarié donnera un demi frère à ses trois filles, Peter.
Madame Tyrrell Creamer Hoyt entend faire de ses filles de parfaites créatures d’une éducation sans faille et aux manières parfaites. Elle a pour elle des espérances très précises. Or, elles sont aux antipodes de la nature profonde de Susan.
La jeune fille déjà un peu rebelle sous ses apparences de collégienne on ne peut plus policée est expédiée en internat au fin fond du Connecticut. Indisciplinée à l’extrême, en révolte perpétuelle contre des usages qui lui semblent en parfait décalage avec son époque, elle finit par se faire purement et simplement renvoyer! Entre la mère et la fille commence une guerre des nerfs, une guerre d’usure!
Le père, qui voit son ex épouse se faire un sang d’encre à cause de l’infernale Susan n’aura rien de plus pressé que de lui trouver un engagement! N’est-il pas agent d’acteurs? Si Gillian ne tomba pas raide morte lorsqu’elle apprit les débuts de sa fille, il s’en fallut quand même de peu! D’ailleurs histoire sans doute de la faire bisquer un peu plus, Susan choisit le nom de jeune fille de sa mère comme pseudonyme d’actrice Susu comme l’appellent tous ses amis débute donc à Broadway et très vite fait la rencontre de « la bande à Warhol » ce qui peut certes déstabiliser lorsque l’on est une jeune fille ayant bénéficié d’une remise de peine pour mauvaise conduite dans un collège du Connecticut!
Papa agent n’en restera pas là et prend les intérêts de sa fille en mains. Il la fait mousser dans la presse, lui obtient un rôle à Hollywood après lui en avoir obtenus à la télévision avant que de mourir sottement à cause d’une piqûre d’abeille.
Orpheline de père, Susan atterrit à Hollywood pour tourner « Shoot Out » d’Henry Hathaway avec Gregory Peck. Un second rôle, certes, dans un western certes mais ce sera suffisant pour la mettre en lumière et attirer sur elle l’attention de plusieurs réalisateurs de cinéma et de télévision. Dont John Huston qui la choisit pour « Fat City ». Un premier rôle qui la propulse parmi les plus grands, c’est à dire parmi les nominés aux Oscars. C’est Eileen Heckart qui l’évincera pour « Butterflies are Free ». C’était certes une nomination en second rôle bien qu’objectivement elle tienne le premier rôle féminin du film. Mais après tout, Shelley Winters était logée à la même enseigne pour « L’Aventure de Poséidon » et Susan n’était à Hollywood que depuis un an!
Susan Tyrrell va alors mener étrangement sa barque. N’hésitant pas à proclamer haut et fort que Broadway est bien plus intéressant pour une actrice qu’Hollywood puisque là-bas on fait de l’art et ici du fric, elle disparaît parfois une année entière puis revient tenir le haut du pavé comme en 1977 où elle aligne 7 films dans un cinéma alors au plus fort de sa crise!
Elle est une authentique star même si elle n’est pas la star de monsieur tout le monde! Il n’y a que deux choses à Hollywood qui peuvent vous sacraliser outre une nomination aux Oscars: Tourner pour un metteur en scène français « nouvelle vague » ou un maître italien. Susan tournera pour Lelouch et pour Ferreri! Ca calme!
Evidemment, on n’est pas une intime de Warhol sans dommage. Susan que l’on avait connue sous l’apparence de la parfaite petite étudiante du Connecticut va se griser des looks les plus décalés, des tenues les plus improbables et des rôles les plus déjantés, devenant une sorte d’icône du Happening! Jamais à l’abri d’une contradiction, elle lance à la tête de son agent les scénarii par trop conventionnels quitte à froisser de grands noms du cinéma et s’en va tourner un épisode de Kojak ou Starsky et Hutch!
Comédienne redoutable, de celles qui embarquent le public d’une seule réplique, elle acquiert une réputation d’actrice difficile. Difficile à comprendre, difficile à distribuer. Pour Hollywood, la bande à Warhol c’est à peu près pareil que la tribu de Manson!
Sa carrière restera aussi prospère dans les années 80 que dans les années 70 même si l’épidémie des Dallas-Dynasty et autres Flamingo Road la laisse d’une indifférence abyssale! Et réciproquement!
Si son activité se ralentit dans les années 90 et 2000, Susan Tyrrell ne raccroche pas ses artifices psychédéliques pour autant et se complaît dans des attitudes de junkie ayant goûté à tout. Un genre qu’elle se donne.
Même si elle tourne avec jubilation pour Tim Burton, Susan Tyrrell ralentit son activité artistique car elle souffre d’une maladie rare. Une maladie qui lui occasionne des souffrances atroces et qui aura raison d’elle. La très rare thrombocytopénie essentielle. Un trouble de la circulation sanguine ayant entre autres effets celui de bloquer la circulation du sang en formant des caillots.
Susan Tyrrell souffrant le martyre devra subir l’amputation des deux jambes sous les genoux.
Elle travaillera encore, fera des voix off, des courts métrages et tiendra son dernier rôle dans « Kid-Thing » qui sortira de manière posthume pour Susan. Elle s’était retirée au Texas chez une de ses nièces lorsque sa maladie l’invalida trop que pour continuer de vivre seule. Eloignée mais nullement retraitée elle aura même la crânerie de poser dans son fauteuil roulant, ses jambes amputées bien visible et affublée de chapeaux invraisemblables.
Susan Tyrrell décède le 12 juin 2012 au Texas. Sa mère avec qui elle s’était réconciliée ne lui survit pas et décède à 99 ans.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1971: Shoot Out: Avec Patricia Quinn et Gregory Peck
1971: Been Down So Long It Looks Like Up to Me: Avec Barry Primus
1971: The Steagle: Avec Cloris Leachman
1972: Fat City: Avec Jeff Bridges
1974: To Kill the King: Avec Patrick O’Neal
1977: I Never Promised You a Rose Garden: Avec Bibi Andersson et Kathleen Quinlan
1977: Un autre homme, une autre chance: Avec Geneviève Bujold et James Caan
1977: September 30, 1955 : Avec Richard Thomas et Dennis Quaid
1977: Islands in the Stream: Avec Georges C Scott
1978: Loose Shoes: Avec Lewis Arquette
1981: Storie di ordinaria follia: Avec Ornella Muti et Ben Gazzara
1982: Liar’s Moon: Avec Cindy Fischer et Matt Dillon
1985: Flesh+Blood: Avec Jennifer Jason Leigh
1986: The Christmas Star: Avec Edward Azner
1988: Big Top Pee-wee: Avec Paul Reubens et Penelope Ann Miller
1990: Cry-Baby : Avec Johnny Depp et Traci Lord
1992: Susan Tyrrell: My Rotten Life, a Bitter Operetta
1997: Pink as the Day She Was Born : Avec Nicole Eggert et Alanna Ubach
1998: Relax… It’s Just Sex: Avec Jennifer Tilly
2012: Kid-Thing: Avec Sydney Aguirre