Susan Denberg fut sans doute plus un mimi phénomène de société qu’une actrice, emploi où elle se révéla particulièrement médiocre. Ce qui n’empêcha pas la planète cinéma de tourner autour d’elle un court laps de temps.
Elle naît en Pologne, à Bad Polzin le 2 Août 1944, elle est alors Zechner Ortrun Dietlinde pour l’état civil, si tant est qu’il y ait toujours une administration polonaise ou Autrichienne en ces temps de fureur et de dévastation. La famille émigrera d’ailleurs vers l’Autriche et s’installera définitivement à Klagenfurt en 1945, profitant de la paix retrouvée pour donner à cette grande fille deux petits frères.
A dix-huit ans, soit en 1962, notre future étoile filante mène en Autriche une vie saine entre le collège, les cours de théâtre et son entraînement sportif et obtient d’aller en Angleterre y travailler comme jeune fille au pair. Elle fera la rencontre, alors qu’elle grignote paraît-il sagement son sandwich sur le banc d’un parc de l’une des filles de la troupe des Bluebell Girls, laquelle, fascinée par cette jeune beauté correspondant aux critères très stricts du bataillon des Bluebell l’incite à passer une audition.
Susan intégrera effectivement la troupe, la plus prestigieuses du monde, et s’en ira dans un écrin de strass et de plumes d’autruches conquérir le monde en levant haut la jambe. Elle fait avec les Bluebell Girls la saison 65-66 à Las Vegas et fait la rencontre de Tony Scotti qui s’apprête à jouer dans « The Valley of the Dolls ». Entre Tony et la blonde Polonaise le coup de foudre est instantané et après avoir mené une joyeuse farandole de fêtes baignées de lumière au néon et de champagne, le tout en guise de fiançailles (dont Elvis fut le témoin privilégié), le couple se marie le 6 Octobre 1965 à Minuit pile.
Le mariage ne dura pas plus que les flonflons de la fête et après six mois le joyeux couple était déjà divorcé.
La jeune mariée s’était suffisamment faite remarquer pour intéresser un studio et c’est une actrice sous contrat qui retrouva sa liberté. La première chose que fit le studio en question fut d’organiser un concours national pour trouver un pseudonyme prononçable à la nouvelle recrue. C’est ainsi qu’elle devint Susan Denberg. Hollywood remettait au goût du jour une idée antédiluvienne, car c’est par le biais d’un concours identique que Lucille le Sueur devint Joan Crawford. Susan Denberg, nouvellement baptisée, dans l’euphorie qu’était sa vie depuis qu’elle avait posé le pied sur le sol américain, souhaita brûler les étapes et devint une reine de l’auto-publicité comme l’était Jayne Mansfield.
Elle posa tant pour Playboy que l’on crut qu’elle habitait entre deux pages du magazine. Elle collectionna les aventures à grand spectacle et fortes sensations, ébouriffant l’Amérique profonde en plaquant Stuart Whitman pour l’acteur noir Sammy Davis Jr. Hollywood, complètement entiché d’elle la considérait comme la nouvelle Marilyn, la blonde qui sauverait Hollywood d’on ne sait quoi. (car Hollywood était toujours à sauver quand un contrat était signé par une blonde un tant soi peu tapageuse)
Se plaignant que Lee Marvin repousse ses avances, elle offre à Frank Sinatra pour son anniversaire un strip-tease sur le plongeoir de sa piscine devant ses invités, sa femme et sa mère! La Warner l’expédie en Angleterre tourner « Et Frankenstein Créa la Femme », espérant sans doute que le froid brouillard londonien calmerait quelque peu ses ardeurs. Il n’en fut rien et on lui préféra au dernier moment Marianne Faithfull pour affoler les sens d’Alain Delon dans « La Fille à la Motocyclette ». Rentrée à Hollywood, elle se jeta dans le lit de Charles Bronson, le temps de prendre son élan pour sauter dans celui de l’acteur noir Jim Brown.
C’est à cette époque que la spirale de sa vie va brusquement l’emporter et qu’elle va perdre le contrôle définitif des choses.
Elle a suivi Jim Brown en Sardaigne où il tourne un film bien que l’acteur l’ait avertie qu’il ne voulait pas d’elle sur l’île. C’est au cours de ce voyage qu’elle découvrit les drogues de l’époque: hash et L.S.D. Son visa ne fut pas renouvelé pour les USA. Elle rentra à Londres, en quelques semaines elle avait sombré dans la dépendance complète. Son père suivant à distance sa déchéance par la presse où son nouveau nom et son visage s’étalaient tous les jours en première page lui tendit un piège secourable. Invitée à Klagenfurt pour une fête familiale, elle se retrouva en institut psychiatrique et subit une première série d’électrochocs.
Nullement calmée, elle organisa une conférence de presse pour révéler au monde que son comportement anarchique et destructeur était la conséquence de l’inceste que son père lui avait fait subir durant toute son enfance! Quinze jours plus tard, dans une crise de rage spectaculaire, elle se bagarre avec sa mère et tente de l’étrangler. La fille emmenée au poste, la mère porta plainte pour coups, blessures et tentative d’homicide. Cette joyeuse ribambelle de gais viveurs se retrouva au tribunal. Susan agita ses faux cils et son coûteux avocat, se trémoussa à la barre et fut acquittée devant sa mère qui outrée refusa d’adresser la parole à la cour!
Lorsque je dis acquittée ce n’est pas tout à fait vrai. Les charges contre elle ne furent pas retenues, mais le fourgon cellulaire qui l’avait amenée l’embarqua directement à l’asile! Asile dont elle ne sortirait que lorsque les médecins l’estimeraient entièrement normale. Dix jours plus tard elle était dehors et attaquait tous les journaux qui l’avaient montrée sous un mauvais jour dans toute cette affaire!
Nous étions en 1968. en 1969 on apprenait sa mort.
Jamais les rotatives n’avaient été si bon train depuis les fins tragiques de Dean, Monroe et Mansfield. On fustigea Hollywood de l’avoir détruite ce fut à nouveau le « drame de ces filles trop belles », le « Too Much Too Soon », la libération de la femme, la drogue, la liberté sexuelle, la violence au cinéma, Lolita, tout fit farine au moulin, tout le monde savait ce qui avait « vraiment » tué Susan Denberg dont on faisait une nouvelle martyre du cinéma.
A ceci près que la belle était bien vivante, toujours à Klagenfurt, réconciliée avec sa famille et ayant annoncé sa mort pour avoir la paix.
On aura de ses tristes nouvelles en 1972. reprise par ses démons, Susan Denberg travaillait comme serveuse topless dans des bars minables. un mois plus tard elle piquait la caisse pour se fournir en drogue!
Susan, maman de deux enfants passera le reste de sa vie entre déchéance et enfermement. On avait de ses nouvelles pour la dernière fois en 1976, une fois de plus les portes d’un institut psychiatrique se refermaient sur elle.
Celine Colassin.
QUE VOIR?
1966: A American Dream (See You in Hell, Darling!): Avec Stuart Whitman, Janet Leigh et Eleanor Parker
1967: Et Frankenstein créa la Femme