Avec la fabuleusement belle Senta Berger, faisons un retour sur une affreuse maldonne dont Hollywood et Cinecitta sont les grandes coupables. L’actrice, certes très belle mais aussi doté d’un talent de comédienne honorable est réputée comme une des meilleures actrices de langue germanique par ses pairs.
Peut-être. Mais elle fut vendue à vil prix par Hollywood comme une Raquel Welch de substitution dans des films souvent coûteux mais bâclés. Une Raquel Welch du pauvre qui connut elle aussi, succession oblige les affres du bikini préhistorique en fourrure dans un film dont le titre très classieux n’est autre que « Quand les femmes avaient une Queue » ! On a rarement fait plus distingué, reconnaissons-le ! Et si le film était italien, c’est bien Hollywood qui avait donné de Senta Berger une image un peu veule aux antipodes de ce que l’actrice était et surtout…méritait !
Le 13 Mai 1941, Senta Berger naît à Vienne. Et malgré l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne hitlérienne, c’est le printemps, les oiseaux chantent, les filles dansent, Vienne sera toujours Vienne, et d’ailleurs papa Josef est musicien. Dès son plus jeune âge, la petite Senta voudra danser, danser et encore danser. Ses parents n’ont rien contre et très vite elle suivra des cours de danse classique, rêvant d’intégrer au plus vite un corps de ballet quelconque. Mais si Senta naît en 1941, dans les années 50 elle devient une jeune fille. C’est la grande époque du cinéma Allemand. Le pays tente d’effacer le souvenir de ses outrances guerrières derrière les flonflons d’une flopée de comédies musicales aux budgets colossaux.
C’est un cinéma plein de princesses, de lilas embaumant les décors de bals. Les intrigues sont particulièrement profondes et subtiles : Le muguet ne sera pas fleuri pour le premier mai, la princesse déguisée en soubrette a raté son autobus ! chantons dansons, l’heure est grave !
C’est aussi la grande époque des « journaux de cinéma » Ciné-revue, cinémonde, ciné-miroir, ciné-révélation, Bravo. Senta les dévore tous et se sent peu à peu, elle aussi, gagnée par la cupidonesque flèche du cinéma ! Heureusement sa sagesse personnelle et sa rigueur de danseuse la firent s’inscrire à la très sérieuse école d’art dramatique Max Reinhardt. Elle savait que l’art est un travail et que l’on ne devient pas une star en retroussant ses jupes (ou si on n’est pas la fille de Magda Schneider). Son apprentissage d’actrice en la prestigieuse maison ne durera que peu de temps: Comme Ingrid Bergman avant elle, Senta accepte un rôle au cinéma sans l’autorisation de l’école. Comme Ingrid elle claqua la porte!
En 1955 déjà, Senta Berger pointe son frais minois dans un film! « Du bist die Richtige ». Une figuration, certes, mais qui lui permet de voir « en vrai » l’incontestable numéro un du cinéma Allemand Curd Jürgens qui se prépare d’ailleurs à gagner Saint Tropez pour y entrer dans la légende avec la Brigitte Bardot dans »Et Dieu Créa la Femme ».
Senta n’avait pas grand-chose à faire dans le film à part être là où on lui disait d’être! Elle en profita pour mettre son nez partout en essayant de tout voir et surtout, tout comprendre. Une habitude qui ne cessera que lorsqu’elle en saurant autant sinon plus que toute l’équipe technique du film réunie et qui en ces temps où l’équipe technique en question était 100% masculine en a exaspéré plus d’un.
Senta avait déjà fait une figuration dans un film, déjà dans l’ombre de la très à la mode Antje Weisgerber. Elle était alors une petite fille, elle n’avait que neuf ans et n’en avait pas gardé un souvenir inouï.
Senta va aligner quelques tournages où elle s’instruit de tout mais où ses rôles n’ont que peu d’intérêt et consistent soit à valser en crinoline parmi les invités anonymes d’un bal quelconque soit de dire quelques lignes vite fait bien fait. Mais elle est quand même une starlette qui monte. Même si les films où elle se produit ne valent guère mieux que ceux de Romy Schneider à la même époque, Senta fait son petit bonhomme de chemin, d’ailleurs sans doute mieux qu’il n’y paraît.
En 1959, une production américaine débarque en Autriche. Pour donner la réplique à la star Richard Widmark, l’actrice Sonia Ziemann est déjà choisie mais il reste d’autres rôles à distribuer dont celui de la jeune Elsa. Dieu sait comment, Widmark a vu des images de Senta Berger et la veut pour le rôle. Le célébrissime acteur se déplacera jusque chez elle pour discuter avec ses parents car Senta est encore mineure et son contrat finira par se signer sur la table de la cuisine familiale. Evidemment, après l’épisode du film américain, même s’il s’était tourné en Autriche, la cote de Senta Berger explosa et elle croula sous les propositions de film, toutes venues d’Allemagne où le cinéma était bien plus prolifique qu’en Autriche. Toute à sa joie au demeurant fort compréhensible, la jeune fille ne vit pas tout de suite qu’on lui refilait les vieux scénarii que Romy Schneider avait piétinés avant de fuir la médiocrité nationale en France et qu’on ne voyait guère en elle qu’une Maria Perschy ou une Heidi Brühl de plus.
Dès qu’une offre lui parvint de l’étranger, elle fit comme lesdites Romy Schneider et Maria Perschy avant elle, elle s’y précipita, ce fut Hollywood. Hollywood ne réussira pas particulièrement à la belle Senta. Elle qui détestait plus que tout au monde la guerre et les mauvaises manières, elle se retrouvait embarquée sur des tournages de westerns où on ne la considérait pas avec beaucoup plus de respect que l’une des vaches du troupeau dont il était question dans le film. La viennoise raffinée se retrouvait confrontée à John Wayne qui se conduisait en ville comme dans ses films. Et puis il y avait ceux qui confondaient allègrement Allemagne et Autriche, Allemande et nazie et l’insultaient comme si elle était personnellement responsable de la deuxième guerre mondiale. Le mal du pays était cuisant pour la belle immigrée. Heureusement pour elle, c’est dans cette période, en 1966, qu’elle devint l’épouse du réalisateur Michael Verhoeven.
De nationalité Allemande, l’homme est antimilitariste convaincu. A son contact, le mépris que Senta Berger éprouvait pour la guerre du Vietnam se fit plus fort. Elle n’accepta plus désormais d’être jugée par des Américains comme une sorte de criminelle de guerre alors qu’eux-mêmes massacraient sans vergogne d’autres populations !
En 1969, le monde change. L’Amérique en particulier est complètement bouleversée. Les jeunes se politisent, ils se laissent pousser les cheveux, consomment du LSD alors en vente libre, pratiquent l’amour libre et foulent aux pieds les valeurs établies. L’actrice Sharon Tate est assassinée avec une violence encore jamais vue. Un monde bascule et les années 60 meurent avec Sharon
Senta Berger se sent un peu écartelée. Son instinct et ses convictions lui font partager les idées de cette génération montante mais l’escalade dans la violence et la débauche sexuelle ne sont pas sa tasse de thé, et puis après tout, elle n’est pas américaine. L’Italie lui faisait les yeux doux depuis un moment. Finalement le couple Verhoeven quitte Los Angeles pour Rome. Senta était d’ailleurs déjà venue en France pour « Diaboliquement Vôtre » de Julien Duvivier avec Alain Delon et en Italie pour « Casanova, un Adolescent à Venise » de Comencini.
Mais en Italie, à l’aube des années 70, c’est une autre révolution qui gagne le pays et son cinéma en particulier. Là aussi la liberté sexuelle gagne mais elle ne se veut pas crue et revendicatrice, elle se veut ludique et polissonne. Le seul prétexte des films est de déshabiller les actrices dans d’aimables satires gaudriolantes qui ne volent pas plus haut que des blagues de potaches ! Le sexe est roi, le sexe est rigolo, le cinéma, à de très rares exceptions près est aussi bête que déshabillé. Le principe étant que l’acteur, laid de préférence joue les débiles profonds face à l’actrice obligatoirement belle et obligatoirement nue ! Dorénavant les stars s’appellent Ursula Andress, Marisa Mell, Barbara Bouchet ou Edwige Fenech.
Senta va étrangement se sentir parfaitement à l’aise dans cette Italie soudain friponne et va longtemps affoler les populations de sa somptueuse plastique. Son film le plus emblématique de l’époque étant comme je l’ai dit le très trash « Quand les Femmes Avaient une Queue » de Fresta Campanile. Certes la star tournera au cours de cette décennie pour Wim Wenders mais l’essentiel de son oeuvre reste cantonnée dans un cinéma « pop-corn pour adultes » fait d’érotisme, d’espionnage, de gaudriole et de quelques petits films horibilo-gores sans grand intérêt. A la fin de la décennie, le cinéma Européen qui s’était, il faut bien le dire, enlisé de manière générale dans une médiocre facilité entre en agonie. Si la France lutte, l’Italie dépose carrément les armes.
Senta rentre alors chez elle: L’Autriche d’abord et l’Allemagne ensuite. Elle crée avec son mari sa propre maison de production à Munich où ils décident de défendre un cinéma d’auteur et de qualité face à la mièvrerie américaine qui maintenant déferle sur écrans géants, menée par Stallone, Willis et autres bodybuildés.
Elle a alors la grande surprise et la grande joie de s’apercevoir que chez elle, elle est une star de toute première grandeur. Les Allemands sont fiers du parcours de la belle Senta qu’ils ont suivie par-delà tous les cinémas qu’elle a abordés.
En 1988 elle tourne le pilote d’une série télévisée dont elle devrait être la vedette « Gertie à plein gaz ». La série connaîtra 14 longues années d’un succès ininterrompu, de 1989 à 2003, faisant de la star Senta Berger une actrice aussi populaire pour les téléspectateurs que Véronique Genest avec sa poussive et monochrome »Julie Lescaut »
Jeune première des années 50, vedette hollywoodienne des années 60, star italienne des années 70, diva Allemande depuis les années 80, Senta Berger, sublime de beauté aborde les 80 ans. Elle est toujours heureusement mariée à Michael Verhoeven et leurs deux enfants Luca et Simon sont eux aussi comédiens. En 2012, Senta Berger a tourné quatre films pour le cinéma et un pour la télévision. Et si sa série fétiche s’est arrêtée en 2003, c’est qu’en 2002, elle en avait commencé une autre « Unter Verdacht » qui s’est arrêtée en 2011. Elle n’était plus chauffeur de taxi mais médecin.
Que dire encore d’autre que « waouh ! » après tout cela ?
Celine Colassin.
QUE VOIR?
1950: Das doppelte Lottchen: Avec Antje Weisgerber et Peter Mosbacher
1955: Du bist die Richtige: Ance Antje Weisgerber et Curd Jurgens
1957: Die Lindenwirtin vom Donaustrand: Avec Marianne Hold
1960: Ich heirate Herrn Direktor: Avec Heidelinde Weis
1961: Adieu, Lebewohl, Goodbye: Avec Bibi Johns
1961: The Secret Way: Avec Sonia Ziemann et Richard Widmark
1961: Eine hübscher als die andere: Avec Heidi Bruhl
1961: Das Wunder des Malachias: Avec Christiane Nielsen
1961: Es muß nicht immer Kaviar sein: Avec O.W. Fischer et Eva Bartok
1961: Diesmal muß es Kaviar sein: Avec O.W. Fischer et Eva Bartok
1962: Das Testament des Dr. Mabuse: Avec Gert Fröbes
1963: Kali Yug et le Mystère du Temple Indou: Avec Lex Barker , Claudine Auger et Paul Guers
1963: Kali Yug, la dea della vendetta: Avec Paul Guers et Lex Barker
1963: Jack und Jenny: Avec Brett Halsey et Marion Michaël
1964: …E la Donna Creo l’Uomo: Avec Alexandra Stewart, Gino Cervi et Thomas Fritsch
1965: Major Dundee: Avec Charlton Heston et Richard Harris
1965: Schüsse im Dreivierteltakt: Avec Daliah Lavi, Terrence Hill et Pierre Brice
1966: Operazione San Gennaro: Avec Nino Manfredi, Toto et Claudine Auger
1966:Poppies Are Also Flowers: Avec Stephen Boyd, Nadja Tiller, Angie Dickinson et Yul Brynner
1967: Diaboliquement Vôtre: Avec Alain Delon
1969: Mardi? C’est donc la Belgique: Avec suzanne Pleshette et Mildred Natwick
1969: Infanzia, vocazione e prime esperienze di Giacomo Casanova, veneziano: Avec Leonard Withing
1969: de Sade: Avec Keir Dullea et Sonja Ziemann
1971: Wer im Glashaus liebt… Avec: Hartmut Becker
1971: Roma Bene: Avec Virna Lisi et Michèle Mercier
1971: Un’anguilla da 300 milioni: Avec Gabriele Ferzetti
1971 : Le Saut de l’Ange : Avec Jean Yanne
1972: Quando le donne persero la coda: Avec Frank Wolff
1973: Reigen: Avec Helmut Berger, Maria Schneider et Sydne Rome
1973: Bistouri, la Mafia Bianca: Avec Gabriele Ferzetti
1974: Di mamma non ce n’è una sola: Avec Lino Capolicchio et Lionel Stander
1976: Brogliaccio d’amore: Avec Enrico Maria Salerno
1976: The Swiss Conspiracy: Avec John Ierland, Ray Milland, Elke Sommer et John Saxon
1977: Cross of Iron: Avec James Coburn et James Mason
1984: Fatto su misura: Avec Ricky Tognazzi , Ugo Tognazzi et Laura Wendel
1987: Animali metropolitani: Avec Donald Pleasence
1998: Bin ich schön? Avec Marie Zielcke
2009: Ob ihr wollt oder nicht! Avec Katharina M Schubert
2012: Zettl: Avec ichael Herbig