On ne compte plus les petites filles pauvres de Brooklyn ou du Wisconsin qui débarquèrent à Hollywood attirées tant par le miroir aux alouettes du cinéma que poussées par la faim et le spectre d’un destin sordide. On a écrit des kilomètres de lignes (et moi la première) sur les enfances misérables et les débuts difficiles d’Ava Gardner, Greta Garbo, Susan Hayward, Joan Crawford et tant d’autres. Mais qu’est-ce qui poussa donc devant les caméras hollywoodiennes la baronne Sarah Churchill, fille de Winston Churchill, prénommée Sarah en hommage à son ancêtre la duchesse de Gainsborough?
Le 7 Octobre 1914 naît dans un monde qui entre en guerre la petite baronne Sarah Millicent Hermione Tuchet-Jesson Audley née Churchill. Sarah a déjà une grande soeur, Diana, née en 1909 et un frère, Randolph née en 1911. A la naissance de son troisième enfant, Clémentine, l’épouse de Winston depuis 1908 est seule à Londres. Winston est à Anvers, la Belgique menace de capituler devant la première avancée teutonne du siècle. Un quatrième enfant viendra compléter la famille Churchill. La petite Frances qui naîtra 4 jours après l’armistice de 1918. Née avec la paix nouvelle comme un symbole de liberté retrouvée , elle ne vivra, sombre présage, que deux ans et demi. La dernière fille du couple, Mary, naîtra en 1922.
On ne présente plus Winston Churchill, ancêtre direct de feu lady Diana Spencer qui dirigera l’empire britannique durant la seconde guerre mondiale et sera le tout premier ministre de la jeune reine Elizabeth. Mais nous ne faisons pas ici la biographie du héros de guerre, ni de l’homme politique, mais celle de sa troisième fille la très distinguée Sarah.
La jeune fille, née comme on s’en doute avec sa cuillère de platine et de diamants à la bouche grandit heureuse, assombrie seulement par l’éternelle absence de son père et par la mort de sa petite soeur. Elle a aussi une passion qui l’a tenaillée dès ses premiers pas, celle de la danse.
Devenue une altière jeune fille aux manières si distinguées qu’elle ferait passer Norma Shearer pour une fille de ferme, Sarah va se distinguer par un premier mariage peu orthodoxe en épousant un animateur de radio de 16 ans son aîné. Et qui de plus est un animateur comique ! Winston Churchill va vouer immédiatement une haine inextinguible à son beau fils et aura même un mot célèbre « J’admire Mussolini pour avoir tiré sur son beau fils! Ca c’est un homme! » Ce bon mot fusa à table devant le beau fils en question et cent autres convives!
En 1936, elle devenait donc madame Victor Olivier von Samek plus connu du public sous son patronyme artistique de Vic Olivier. L’année suivante, Vic tourna un film « Qui est votre Amie? » avec Frances Day et…fit débuter son épouse à son côté! Petite vengeance personnelle sans doute, vis à vis d’un beau père si peu affable! L’épouse en question se piqua immédiatement au jeu!
La guerre, une fois encore viendra perturber gravement les choses. Vic Olivier est Juif, il est sur la liste noire d’Hitler en compagnie de Marlène Dietrich. Quant à Sarah, en digne fille de Winston Churchill, elle n’a pas compté jusqu’à trois avant de rejoindre l’armée anglaise. Elle aurait volontiers affronté l’ennemi toute seule si on n’avait pas calmé ses ardeurs juste à temps! Elle sera une des grandes héroïnes féminines de la seconde guerre mondiale et fera de l’avis unanime un travail aussi spectaculaire que remarquable. Bon sang ne saurait mentir!
Lorsque la paix revint, une fois encore, sur un monde où l’Allemagne était, une fois encore, vaincue au prix d’un effroyable bain de sang, Vic et Sarah étaient saints et saufs. Mais ils se demandaient bien pourquoi ils s’étaient un jour mariés, Le monde avait changé, et eux avec lui. Ils divorcèrent et Winston dansa une gigue endiablée malgré son célèbre embonpoint!
Sarah avait porté haut les couleurs de la nation, elle était héroïne de guerre mais elle avait aussi eu le temps de tourner deux films! Ne fallait-il pas également penser aux distractions du soldat et du citoyen? Elle avait aussi eu le temps de rencontrer un jeune photographe de mode, Anthony Beauchamp, alors affecté aux armées et en était tombée amoureuse. Winston ne dansa pas la gigue longtemps, Sarah et Anthony se marièrent en 1949. Il détesta ce gendre là encore plus que l’autre! Le couple choisit de quitter Londres et de s’installer à Hollywood au début des années 50. Anthony Beauchamp entrera dans la postérité pour avoir beaucoup photographié les jeunes Marilyn Monroe et Audrey Hepburn, mais il laissera Sarah veuve en 1957.
L’arrivée de l’élégante Baronne Churchill-Beauchamp intrigua comme on s’en doute les studios hollywoodiens. Lorsque l’on sut que non seulement elle avait joué dans des films mais qu’elle avait une solide formation de danseuse, la MGM se précipita et lui signa un contrat. Sarah fut propulsée dans un écrin digne à la fois du studio et de son prestige personnel: « Royal Wedding » avec Fred Astaire!
Sans rester confidentielle, la carrière d’actrice de Sarah Churchill de décolla jamais vers des sommets inouïs de notoriété. Elle faisait un peu double emploi physiquement avec Lauren Bacall, mais elle était plus guindée, moins sensuelle et surtout beaucoup moins belle. Lorsqu’Anthony la laissera veuve, Sarah n’aura pas le coeur de rester à Hollywood. Elle regagnera Londres, tourna encore un ultime film en 1959. Puis elle épousera en 1962 un de ses cousins directs, Henry Tuchet-Jesson, Baron Audley. Avouons que le carton d’invitation aux cérémonies ne devait pas manquer de cachet puisque monsieur Tuchet Jesson et madame Tuchet-Jesson avaient l’honneur de vous convier à leurs noces!
Hélas, un an plus tard, Sarah était veuve pour la seconde fois, Henry mourait à 50 ans.
Après ce second veuvage, Sarah Churchill rentra dans le rang, ou devrais-je dire son rang et s’effaça à jamais de la vie artistique. L’actrice avait pourtant connu son heure de véritable popularité, principalement à la télévision et avait même eu son propre show télévisé, le « Salon Sarah Churchill ».
On apprenait son décès à l’âge de 67 ans le 24 Septembre 1982, elle aurait fêté ses 68 ans deux semaines plus tard.
Celine Colassin.
QUE VOIR?
1949: All Over the Town: Avec Norman Wooland et Stanley Baker
1951: Royal Wedding: Avec Fred Astaire et Jane Powell
1959: Serious Charge: Avec Anthony Quayle et Cliff Richard