Quelle frustration pour moi de n’avoir pas pu trouver plus de choses pertinentes relatives à la vie et à la carrière de Rosine Deréan.
Cette gracieuse personne vint au monde sous le patronyme de Rosine, Jeanne Schlotterbech le 23 Février 1910 à Paris. Une naissance fort peu souhaitée par sa mère Yane Exiane. Cet ancien mannequin de chez Poiret née Camille Berthe Schlotterbech qui a envahi les planches des Capucines et le grand escalier des folies bergères n’attendait qu’une chose: Etre débarrassée de ce fardeau, souvenir encombrant d’un maladroit quelconque, Yane n’étant pas sûre de qui était ledit maladroit. Son encombrant souvenir passera son enfance de nourrice en nourrice puis de pensionnat en pensionnat.
En 1931, se rêvant elle aussi actrice elle choisit comme nom de bataille celui de l’héroïne des « Malheurs de Sophie ».
Elle fera ses débuts dans un film maudit entre tous, « Les Cinq Gentlemans Maudits » dont la production sortira ruinée et Harry Baur veuf. Nous étions en 1931, Rosine débutait à l’écran, elle avait 21 ans et la beauté délicate un rien souffreteuse qui plaisait à l’époque comme le prouve assez les succès de Madeleine Ozeray et Madeleine Renaud, les deux championnes du genre. Mais comme on l’a vu, Rosine n’aura pas de chance avec son premier film qui marqué du sceau de la fatalité brûla avant d’être interdit pour …Plagiat!
Sa grande consécration filmée viendra en 1933 où elle fera couler des torrents de larmes avec la complicité de Renée Saint Cyr dans « Les Deux Orphelines »
Devenue une star de premier plan réputée à la fois pour son talent, sa beauté et son élégance, il ne manquait plus à Rosine qu’un prince charmant pour compléter cet idyllique tableau. Ce fut chose faite lorsqu’elle rencontra le très en vogue Claude Dauphin qui devint son mari. Dauphin est alors la coqueluche des cinémas et des théâtres parisiens. En ces années 30, n’importe quel acteur se damnerait pour donner ne fût-ce qu’une réplique dans une pièce d’Henri Bernstein alors considéré comme le nec le plus absolu des auteurs. Or, Bernstein a un contrat avec Claude Dauphin qui s’engage à créer toutes ses pièces. Ce qui finira par exaspérer Guitry soi-même qui ne peut donc pas distribuer Dauphin dans les siennes autant qu’il le voudrait! Claude et Rosine vont donc former un couple très en vue du tout Paris et le public n’aime rien tant que de les voir jongler avec des répliques assassines dans des pièces de boulevard! Guitry est un véritable fan à la fois du couple et de leur alchimie professionnelle, faisant appel à eux pour « Les Perles de la Couronne ». Tout le monde jubile, tout le monde est heureux. Le couple vedette s’offre, il en a les moyens, un château à Genillé en Indre et Loire. C’est là que Rosine met au monde son fils André Dauphin
Rosine Deréan ignore encore que les heures joyeuses de sa vie se terminent avec le film de Guitry. Le « Maître » l’avait également choisie pour « Le Roman d’un Tricheur » où sa beauté blonde souffrait la comparaison avec la beauté brune de Jacqueline Delubac.
Claude Dauphin, tout artiste prolifique qu’il fut, observe depuis longtemps déjà la montée du nazisme en Allemagne et deviendra un ennemi du Reich bien avant la déclaration de la guerre. Les exploits de l’acteur occultant ceux de son épouse en ces années, je ne pourrai que constater une seule chose: Claude Dauphin dut s’enfuir pour l’Angleterre à bord d’un sous-marin, Rosine Deréan fut déportée à Ravensbrück. Elle aussi entrée en résistance abrite des parachutistes alliés dans son château. Dénoncée elle est déportée en 1942.
La guerre terminée, Rosine fut de ceux qui revinrent. Elle tourna même un film en 1946 avec Albert Préjean et Jacqueline Gauthier, mais son nom avait dégringolé aux tréfonds du générique. Quant à l’histoire d’amour avec Claude Dauphin le héros, elle était bien finie. L’acteur allait bientôt épouser la très belle Maria Mauban, fraîchement émoulue d’une courte romance avec Gabin.
Rosine ne retrouva plus ses succès d’avant la déportation, elle traversa, fantomatique, « l’Agence Matrimoniale » que tournèrent en 1952 Bernard Blier et Michèle Alfa puis se fondit dans l’anonymat le plus absolu.
On fut fort étonnés d’apprendre sa mort le 14 Mars 2001, elle avait 91 ans depuis deux semaines. L’oubli s’était fait sur son nom et ce qui étonna fût que l’actrice était encore de ce monde alors qu’on la croyait morte depuis si longtemps déjà. Elle vivait toujours en son château d’Indre et Loire même si elle y vivait sans fortune
Celine Colassin.
QUE VOIR?
1931: Les Cinq Gentlemen Maudits: Avec Harry Baur
1932: Ce Cochon de Morin: Avec Pauline Carton et Raymond Cordy
1932: La Belle Marinière: Avec Madeleine Renaud, Jean Gabin et Pierre Blanchar
1932: Maquillage: Avec Saint Granier
1933: Un Certain Monsieur Grant: Avec Jean Murat
1933: Les Deux Orphelines: Avec Renée Saint Cyr.
1934: L’Auberge du Petit Dragon: Avec Albert Préjean, Paulette Dubost et Arlette Marchal
1934: Lac aux Dames: Avec Simone Simon et Jean-Pierre Aumont
1936: Le Roman d’un Tricheur: Avec Sacha Guitry et Jacqueline Delubac
1937: Arsène Lupin contre Arsène Lupin: Avec Suzy Prim, Mady Berry et Gabriel Signoret.
