Il semble presque surnaturel qu’un actrice ayant été aussi célèbre en son temps soit aussi désespérément oubliée aujourd’hui. Ceci tout en ayant aligné bon nombre de chefs d’oeuvres ou tout du moins autant de films mémorables que ses consœurs confortablement passées à la postérité. Elle fut également bien plus belle que nombre d’icônes fantasmagoriques qui titillent encore avec chaleur les imaginations contemporaines! Est-ce une fois encore la discrétion de l’actrice qui la précipite à bas de nos souvenirs noirs et blancs?
Le 6 Mars 1916, cette charmante demoiselle vient au monde à Oklahoma city.
Elle apparaîtra très tôt au cinéma, en 1930, entourant déjà la période de ses gracieux débuts d’un épais mystère. Rochelle est couronnée WAMPAS baby star en 1931 après quelques courts métrages, comme le furent avant elle Colleen Moore, Clara Bow; Mary Astor, Joan Crawford, Dolorès del Rio et tant d’autres! Les Wampas sont sélectionnées par un jury extérieur au studio, ce qui donne tout l’intérêt de la chose, les « élues » sont donc très vite phagocytées par un des studios en question. Pour Rochelle ce sera Fox players puis Paramount. Il faut également souligner qu’à l’époque, les WAMPAS sont un véritable phénomène de mode, et on attend chaque année de découvrir les nouveaux minois prometteurs comme on attend le palmarès des Oscars.
Rochelle comme les autres fut précipitée sur des kilomètres de pellicule sans avoir le temps de reprendre son souffle, ni parfois même, de comprendre exactement ce qui se passait. Lorsqu’un studio vous menottait d’un contrat, vous lui apparteniez comme une poule ou un vase jusqu’à ce qu’enfin vous soyez rentable et que l’on consente alors à vous dire bonjour et vous offrir une chaise et un café. On pouvait durant cette période descendre le matin un grand escalier, vêtue en reine et acclamée par une foule de figurants en délire et après l’heure du déjeuner se faire jeter en pâture aux lions ou se faire scalper par des indiens, indiens sous les plumes desquels on retrouvait toute étonnée le beau prince qui avait tenu vos doigts délicats en descendant les marches de votre palais du matin!
Cette attitude fut d’ailleurs une des grandes erreurs des studios qui voyaient les artistes qui auraient vendu leur âme au diable pour être admis dans un des temples du film ne plus songer ensuite qu’à s’en évader à l’heure de la gloire venue et…payée trop cher!
Pour Rochelle Hudson elle tourna dès son arrivée au studio des films sans parfois même en connaître le titre ni l’intrigue, et si elle n’est pas nommée au générique c’est parce qu’on montage on ne leur a pas encore communiqué son nom! Le travail d’actrice se résume souvent à: « Bon, tu te mets là et quand je dis action, tu fous une claque à ce type! »
Rochelle Hudson sera une anonyme machine à films durant trois ans avant de connaître enfin sa vraie chance, et par delà, le respect et les dollars qui en découlent. Elle aura eu une première chance lors de ses débuts: celle d’associer sa voix à un personnage de dessin animé, ce qui impliquera qu’elle soit ménagée un peu plus que les autres débutants sur les plateaux (On ne la jette pas dans des torrents glacés, elle ne gambade pas demi-nue sur les marchés d’esclaves, elle pourrait s’enrouer!)
Si elle n’était personne en 1930, elle était un espoir en 31, en 1935 elle devait avoir une cinquantaine de films à son actif. Incapable elle-même de les nommer tous et de les ranger en ordre dans sa mémoire! Mais ce pénible cheminement lui permet de donner la réplique en cette année 1935 à la reine absolue du box office dans « Boucles d’Or », la petite Shirley Temple qui a détrôné Gary Cooper lui-même! Avant celà Rochelle avait déjà eu affaire à Mae West dans « Lady Lou ».
Autant dire que notre vedette atteint les sommets!
Lorsque l’Amérique entrera en guerre, Rochelle sera une star Paramount et récemment mariée avec un scénariste attaché aux tout nouveaux studios Disney. Harold Thompson qu’elle épouse en 1939. Rochelle Hudson avait déjà été mariée brièvement à un certain Brust Charles qu’elle égara dans les méandres de sa mémoire oublieuse avec quelques films de ses débuts!
En 1942, Rochelle disparaît subitement des écrans car elle a d’autres chats à fouetter et joue maintenant dans sa vraie vie un scénario bien plus palpitant que tous ceux que la Paramount puisse jamais lui proposer. Rochelle et son mari Harold s’offrent enfin leur lune de miel sans cesse repoussée pour raisons professionnelles et s’en vont au Mexique jouer les touristes amoureux. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’espionnage à la solde de l’Armée Américaine qui craint,(a juste titre, d’ailleurs) l’implantation d’installations ennemies profitant de la neutralité mexicaine pour s’approcher stratégiquement des frontières US. Le couple réussira merveilleusement sa mission et réduira à néant l’espoir d’Adolph d’assiéger un continent de plus en se basant au Mexique! Avec la fin de la guerre prit également fin la belle aventure patriotique, et rendu à ses activités coutumières, le couple s’ennuya et finit par divorcer.
Rochelle ne retrouvera plus cette passion qui la dévorait pour le métier d’actrice. Elle ne reviendra aux écrans qu’en 1947 après son divorce.
Elle n’est plus la petite débutante qui remerciait chaleureusement un metteur en scène pour avoir été étranglée dans une ruelle et filmée de dos. Elle se contentera dorénavant d’un ou deux films par an, ce qui ne l’empêchera pas d’être la mère de Natalie Wood dans « La Fureur de Vivre ».
Rochelle Hudson se remariera encore deux fois. Après une courte union d’à peine deux ans avec Dick Hyland Irving, elle restera mariée de 1963 à 1971 à Robert Mindell.
L’intérêt pour son métier s’émoussant de plus en plus, elle renonce définitivement à sa carrière en 1967 après l’indispensable film d’épouvante crépusculaire de série B qui convient aux adieux des grandes stars, de Bette Davis à Joan Crawford en passant par Dorothy Lamour, Joan Fontaine ou Joan Bennett . Elle se retire alors dans une petite maison sans prétention où elle vivra avec sa chère maman et se recyclera dans l’immobilier jusqu’à ce qu’une pneumonie l’emporte le 17 Janvier 1972.
Rochelle Hudson n’avait que 55 ans et se savait condamnée par une maladie du foie, sa pneumonie n’ayant que précipité une mort annoncée. Sa fin, déjà, laissa le monde du cinéma complètement indifférent.
Quel injuste dommage.
Celine Colassin.
QUE VOIR?
1930: Sinkin’in a Bathtub: Rochelle débute en doublant un personnage de dessin animé, première apparition de Jessica Rabbit (face à Bugs Bunny comme on s’en doute, elle restera attachée au personnage plusieurs années)
1931: The Public Defender: Avec Richard Dix, Boris Karloff et Shirley Grey (Rochelle est la demoiselle du standard téléphonique)
1931: Laugh and Get Rich: Avec Edna May Oliver et Hugh Herbert
1932: Girl Crazy: Avec Bert Wheeler, Mitzi Green et Dorothy Lee
1932: Derrière les Rocheuses: Avec Tom Keene
1932: Pinguin Pool Murder: Avec Edna May Oliver, Mae Clarke et Robert Armstrong
1932: Secrets of the French Police: Avec Frank Morgan et Gwili André
1933: Lady Lou: Avec Mae West et Cary Grant
1933: Walls of Gold: Avec Sally Eilers et Norman Foster
1933: Le Passé de Mary Holmes: Avec Jean Arthur, Helen MacKellar et Eric Linden
1933: Notorious but Nice: Avec Marian Marsh, Betty Compson et Don Dillaway
1934: Judge Priest: Avec Will Rogers et Anita Louise.
1934: Imitation of Life: Avec Claudette Colbert
1935: La Vie Commence à 40 ans: Avec Will Rogers
1935: Boucles d’Or: Avec Shirley Temple et John Boles
1935: Les Misérables: Avec Fredric March et Charles Laughton (elle est Cosette)
1936: The Music Goes Round: Avec Harry Richman
1937: Woman Wise: Avec Michael Whalen
1938: Mr Moto Take a Chance: Avec Peter Lorre.
1939: Konga, l’Etalon Sauvage: Avec Fred Stone.
1940: Girls Under 21: Avec Bruce Cabot
1947: Bush Pilot: Avec Jack La Rue
1953: La Fureur de Vivre: Avec Natalie Wood et James Dean.