Jeannine Marie Lucienne Sagny naquit à Vendôme le 3 avril 1921. Cette ravissante jeune personne du Loir et Cher allait connaître une carrière de mannequin sous le pseudonyme de Praline dans l’immédiate après guerre.
Si la France manque encore de tout et carbure encore aux tickets d’alimentations, les joies de la libération après cinq années d’occupation font naître une nouvelle génération d’artistes qui se scinderont en deux clans, séparés par cette frontière naturelle qu’est… la Seine!
Il y a la rive gauche des existentialistes. Sartre, de Beauvoir, Greco, Vian, Cocteau, Simone Signoret, Madeleine Robinson et la rive droite où on ne s’exprime pas forcément en mots et en musique mais plus souvent en tissus. C’est l’explosion de New Look de Christian Dior qui fait renaître la haute couture française avec un éclat sensationnel. Dior en coupant des jupes longues dans des parachutes chinés aux surplus de l’armée fascine le monde c’est à dire en 1947 l’Amérique. Car la France de 1947 est une France américaine jusqu’au bout des ongles. Les créations Dior jettent aux poubelles du souvenir les années de frustration en jupes courtes et semelles de bois. La Française n’aura jamais été et ne sera plus jamais le symbole de l’élégance universelle que pendant cette décennie que furent les années 1947-1957.
Et même si Arletty avait débuté chez Chanel dans les années 20, c’est à partir de 1947 que pour la première fois des mannequins haute couture vont devenir des stars, des icônes! Bettina, Dovima les brunes Lisa Fonssagrives et Praline les blondes.
Praline ne travailla jamais pour Dior. Découverte par Lucien Lelong, elle devint en deux tourbillons de faille et d’organza l’égérie de Pierre Balmain. Elle sera tellement célèbre que dès 1951 elle se permettait de publier…Son autobiographie! Elle avait 30 ans!
L’année suivante,Eddie Constantine lui écrit une chanson ou plus exactement, une chanson en hommage à sa beauté son élégance et son succès. C’est Jean Sablon qui se fera un plaisir de l’interpréter
Un beau jour le chemin de la blonde la plus allurale et surtout la mieux habillée du monde croisa le chemin de celui qui allait devenir son mari, l’acteur Michel Marsay. Michel Marsay avait débuté sa carrière à l’écran en 1938 et avait continué sous l’occupation. Spécialisé dans les rôles de jeunes premiers un peu fragiles et volontiers victimes des femmes ou du destin, le cinéma d’après-guerre ne va pas tarder à lui préférer Jean Desailly ou Daniel Gélin dans l’emploi. Que Michel Marsay ait rencontré celle qui est encore Praline n’a rien d’étonnant. Le cinéma français d’après guerre est une vitrine exceptionnelle pour la haute couture nationale. Balmain habille Michèle Morgan dont le style de l’époque n’est guère éloigné de celui de Praline. Dior quant à lui crée même des costumes d’époque dans lesquels va roucouler Yvonne Printemps!
Praline est elle-même apparue « en personne » dans son rôle de mannequin dans quelques films.
Praline est peut-être le premier mannequin célèbre à se revendiquer une personnalité. « Je ne suis pas qu’un porte-manteau Balmain! » aime-elle à déclarer si d’aventure un journaliste lui demande son avis sur les derniers bibis de la saison. Avec son mari de 7 ans son aîné elle va aborder un tournant dans sa carrière. Le tournant décisif que prennent toutes celles qui connues pour leur beauté veulent l’être pour leur talent. Renonçant à son pseudonyme par trop sucré, Elle commence une carrière de comédienne.
Elle a tourné deux films en tant qu’actrice et non plus en « mannequin invité » et a glané assez de lauriers pour être invitée à une de ces grandes kermesses du cinéma comme il en existe alors. Sortes de « parade aux étoiles » ou de salon de l’auto où on exposerait non pas des voitures à vendre mais des stars à admirer. Marlène Dietrich, Ingrid Bergman, Edwige Feuillère, Martine Carol, Jean Marais, Luis Mariano s’y prêtent volontiers. Que Janine Marsay y soit invitée dans toute sa rutilance Balmain montre assez que le cinéma compte sur elle.
Mais la belle ne peut s’attarder. Elle est attendue à Lisieux pour un gala. Dans un affolement de tissus précieux elle s’éclipse et s’engouffre à l’arrière d’une voiture qui démarre sous les flashes d’une meute de photographes à qui elle fait gentiment signe « au revoir » d’une main gantée de chevreau.
Quelques minutes plus tard elle meurt tuée sur le coup dans un accident de voiture à Neuilly sur Seine. C’était le 24 juin 1952, elle avait 31 ans depuis deux mois.
Resté veuf, Michel Marsay va laisser sa carrière s’étioler et disparaîtra définitivement des écrans en 1956.
On apprendra son décès en 1986.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1949: Fantômas contre Fantômas: Avec Marcelle Chantal et Aimé Clariond
1949: Scandale aux Champs-Élysées: Avec Françoise Christophe et Pierre Renoir
1951: Signori, in carrozza!: Avec Sophie Desmarets
1951: Parigi è sempre Parigi :Avec Ave Ninchi et Marcelo Mastroianni
1951: Chacun son tour: Avec Michèle Philippe et Marthe Mercadier
1951: Paris chante toujours! Avec Georges Guétary et André Dassary
1951:Rendez-vous à Grenade: Avec Nicole Maurey et Luis Mariano