Nul n’a oublié cette séquence de « A Star is Born » où James Mason, alias Norman Maine, star de cinéma demande au serveur d’une boîte de nuit: « Qui est cette jolie fille en robe verte? » Ce à quoi il lui est répondu: « Laissez tomber, ce n’est pas pour vous, c’est la haute société, regardez plutôt cette jolie fille, une petite nouvelle de chez Paramount! » Et Norman-James de tourner le dos à la fille en vert, sans demander son reste et se le tenant pour dit! Car oui, quelque soit l’admiration qu’on leur porte, il y eut toujours pour les stars de cinéma un certain clivage entre elles et la » haute société ». Ce qui n’empêcha pas quelques élégantes de venir pirouetter quelque peu devant les caméras, telles Sarah Churchill ou Macha Méril, née princesse Gargarina.
Pénélope Dudley Ward fit partie de cette haute engeance qui daigna tâter du cinéma et ce faisant, » frayer » avec des artistes et même des techniciens!
Cette londonienne naît Penelope Anne Rachel Dudley Ward le 4 Août 1914 dons un monde on ne peut plus troublé puisqu’il entre en guerre. Et si son père n’est « que » le très honorable William Ward Dudley, sa mère, Winifred May Birkin de Casa Maury, marquise de son état, est une des plus grandes beautés aristocratiques de son siècle. Aïeule de Jane Birkin, elle fut également longtemps la maîtresse du futur roi d’Angleterre Edouard VIII avant de le refiler à Wallys Simpson avec qui elle était et resta d’ailleurs très liée! Les parents de Pénélope s’étaient mariés un an avant sa naissance. Ils eurent une autre petite fille, Angela, avant de divorcer en 1931, Pénélope avait 17 ans. La liaison de Winifred et du prince de Galles débuta, dura et finit pendant ce mariage puisqu’ils se fréquentèrent assidûment de 1918 à 1923.
Pénélope bien entendu fréquenta la jeunesse oisive, fortunée et fantasque des années 30, devenant une intime de Cecil Beaton et de sa soeur, fréquentant eux-mêmes de ces artistes qui peu à peu obtenaient à la faveur de ces « années folles » leurs entrées dans le grand monde, comme le dramaturge Noël Coward. C’est dans cette mouvance follement curieuse de tout, avide d’art, de plaisirs et d’expériences que la belle Pénélope se laissa fléchir et tâta du cinéma dès 1935.
Elle débuta en 1935 face à Harry Baur dans « Les Nuits Moscovites » et revient , parcimonieusement, certes, honorer les écrans de sa grâce incroyable et de son élégance à couper le souffle jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale. Elle s’était mariée juste avant l’explosion du deuxième conflit du siècle avec l’acteur Anthony Pelissier, père de sa fille Tracy, née sous les bombardements de 1942 à Londres. Ce couple qui s’était marié en 1939 sous le vacarme des premières alertes divorça dans celui des feux d’artifices de la paix revenue en 1944.
C’est au cœur du conflit que Penelope tourna le film qui aurait pu faire d’elle une authentique star: Dans « Demi Paradise » elle est la fille terriblement « british » d’un industriel qui s’amourache d’un ingénieur russe venu faire fabriquer une hélice révolutionnaire chez papa. Pénélope est subtile, brillante, raffinée sans ostentation. Sa beauté pour n’être pas tout à fait classique est tout simplement rayonnante. Malheureusement le rôle de l’ingénieur russe est confié à Laurence Olivier, acteur on ne peut plus « british » lui aussi. Trop célèbre pour le rôle on ne croit pas à sa « russitude » épouvantablement fabriquée et caricaturale. S’exprimant avec un accent pseudo slave invraisemblable il se tient avec des allures de paysan demeuré endimanché dans un salon mondain. La chose vire au grotesque et ferait rire si Olivier n’était pas, de surcroît terriblement ennuyeux. En fait il a l’air d’un imposteur tout du long. Ce qu’objectivement…il est! Que Pénélope Dudley Ward ait été brillante face à cette enclume pseudo soviétique relève de l’exploit voire du prodige!
En 1948, le 21 Janvier, Pénélope se remariait avec le cinéaste Carol Reed et leur fils viendrait au monde la même année, le 14 Septembre. Sa demi soeur étant née le 21 Septembre 1942, les deux enfants fêtaient leur anniversaire le même mois, festivités assombries par la rentrée des classes!
Carol Reed sera anobli par la reine d’Angleterre en 1953 en reconnaissance de son talent et du prestige qui était le sien, rejaillissant sur la nation entière. Tracy adora son beau père et choisit d’adopter son partonyme pour entamer à son tour une carrière de comédienne sous le nom de Tracy Reed. Pénélope et Carol Reed resteront unis jusqu’à ce que la mort les sépare en 1976. Une crise cardiaque emportait en quelques instants Carol Reed le 25 Avril.
Penelope le suivit dans la tombe le 22 Janvier 1982 après avoir perdu sa lutte contre une tumeur au cerveau qui eut raison d’elle. Elle avait 67 ans.
Celine Colassin.
QUE VOIR?
1935: Moscow Nights: Avec Harry Baur et Laurence Olivier
1935: Escape Me Never: Avec Elisabeth Bergner et Hugh Sinclair.
1938: La Citadelle: Avec Rosalind Russell et Robert Donat.
1941: Major Barbara: Avec Wendy Hiller, Deborah Kerr et Rex Harrison.
1942: In Wich we Serve: Avec Noël Coward Celia Johnson et Michael Wilding
1943: The Demi-Paradise: Avec Laurence Olivier
1949: Dangerous Command (Court Métrage) Avec Frank Lawton et Ian Fleming
