En choisissant de m’intéresser au sort des « éphémères » du cinéma ou à ces dames qui malgré de brillantes carrières ne devinrent jamais des étoiles de premier plan, il était inévitable que je tombe de ci de là sur un « cas » exceptionnel tel celui de Patricia Laffan.
Patricia ne fut jamais une « grande vedette » mais elle est devenue le temps passant, une véritable icône, une référence incontestable pour un public de connaisseurs, un public fait de fans invétérés…dont je suis. On a vu qu’il ne fallait pas toujours forcément une personnalité inouïe pour réussir aux écran, mais miss Laffan symbolise peut-être le phénomène inverse: la sienne débordait! Trop sans doute!
Notre héroïne naît à Londres le 19 Mars 1919, d’un père français, Arthur, et d’une mère anglaise: Elvira. La jeune demoiselle étudiera d’abord en langue anglaise dans un collège de Folkestone puis terminera ses études en français sur le continent. Lorsque le monde en eut fini avec la seconde guerre mondiale du XXème siècle, Patricia, revenue sur son île natale, offrit ses services et son physique bien peu commun au cinéma. Et si elle ne fut même pas créditée au générique de son premier film, elle creva tant l’écran qu’elle enchaîna immédiatement avec un rôle de vedette dès le film suivant!
Cette comédienne étrange fascina, troubla, émerveilla ou fit peur suivant les circonstances et les tempéraments, mais une chose était sûre: jamais on ne pourrait la distribuer dans un rôle de sage ménagère invitant ses voisines à prendre le thé avant que les enfants ne rentrent de l’école!
Bientôt, Hollywood soi-même et la MGM en particulier lui fera un pont d’or sur lequel se déroule un tapis rouge pour rejoindre la fastueuse distribution de « Quo Vadis ». Sophia Loren fut jetée sur les gradins du cirque pendant que l’on jetait Elizabeth Taylor et d’autres figurants aux lions. Patricia quant à elle trôna en haut de l’affiche et fit, disons-le tout net, le spectacle et le succès du film à elle toute seule! Avec son léopard, ses robes drapées, ses colliers d’or dégoulinants et son chignon de science fiction, Patricia Laffan est tout simplement sidérante (et reste pour moi le seul intérêt du film!) Le cinéma de science fiction ne s’y trompa d’ailleurs pas un seul instant et Patricia devint la « Devil Girl from Mars » dès 1955! Il y a peu de pages dans sa filmographie, mais ce sont des pages d’anthologie!
« The Devil Girl from Mars » reste un grand moment pour les amateurs du genre, même s’il est tout compte fait assez intimiste, l’essentiel de l’action se déroulant dans une auberge de campagne où Patricia toute de vinyle vêtue entre et sort comme juchée sur une planche à roulettes dissimulée sous sa fantomatique cape batmanienne. C’était également la première fois que l’on utilisait un véritable robot téléguidé dans un film, lequel tomba en panne tout le temps!
La « Devil Girl from Mars » trouvait encore le temps de s’échapper du plateau pour rejoindre Van Johnson et Vera Miles sur le plateau de « 23 Paces to Baker Street » où Henry Hathaway s’essayait au thriller hitchcockien. Nul doute, donc, que le cinéma avait mis la main sur un personnage hors norme. D’autant que l’étrangeté de l’actrice était encore sublimée par l’ignorance complète que l’on avait de sa vie privée. A côté de Patricia Laffan, Garbo soi-même fait figure de pipelette invétérée et Buster Keaton de moulin à paroles!
Et puis, le plus étrange de tout arriva. Patricia tira un trait net et définitif sur sa carrière au milieu des années 60! Rien ni personne ne put la faire changer d’avis, qu’il s’agisse de soucoupe volante en or ou de jeter toutes les autres actrices aux lions pour de bon, elle ne voulut rien savoir!
On fut d’autant plus étonné lorsqu’elle sortit de sa sacro sainte retraite pour commenter une série de documentaires en 2008!
Miss Laffan devint une alerte nonagénaire qui semblait avoir terrorisé la grande faucheuse soi-même! Elle avait très largement fêté ses 94 ans avant que déclarer forfait pour de bon le 10 mars 2014. Dix jours plus tard elle aurait soufflé 95 bougies!
Celine Colassin
QUE VOIR?
1946: Caravan: Avec Jean Kent et Stewart Granger
1948: Who Kill Van Loon?: Avec Kay Bannerman et Raymond Lovell
1951: Quo Vadis: Avec Peter Ustinov, Deborah Kerr et Leo Genn
1955: The Devil Girl from Mars: Avec Hazel Court, Adrienne Corri et Hugh McDermott
1956: 23 Paces to Baker Street: Avec Van Johnson
1959: Hidden Homicide: Avec Griffith Jones
1964: Crooks in Cloisters: Avec Barbara Windsor