J’aurais aimé, avant d’épingler Olga Tschechowa parmi mes étoiles filantes, avoir l’occasion de parcourir ses mémoires. Je n’ai malheureusement pas eu cette opportunité. Je devrai donc me contenter de survoler des faits établis sans me lancer dans un quelconque « décorticage » d’énigme sulfureuse. Car qui fut l’étrange Olga dont la destinée croisa autant de noms essentiels du XXème siècle que de boules de noël sur un sapin? Déjà ses débuts dans la vie sont assez spectaculaires, mais néanmoins compliqués pour qui n’est guère féru en histoire de géographie politique.
Elle naît Olga Konstantinovna Knipper le 14 Avril 1897 à Alexandropol, ville de la Russie des tsars, anciennement Gyumri. Aujourd’hui, la ville est rattachée à l’Arménie sous le nom retrouvé de Gyumri après avoir été pour un temps… Leninakan. Autant dire qu’il ne faut pas trop compter sur des archives nationales pour nous éclairer sur les premiers jours d’Olga. Sachons qu’elle évolua d’emblée dans l’entourage de célébrités, puisque si son père Konstantin Knipper est ingénieur des chemins de fer, sa mère est la belle soeur d’Anton Tchekhov. Olga Tchekhov, l’épouse d’Anton est donc la tante de la petite Olga, d’ailleurs baptisée Olga en son honneur. La petite fille fera d’intéressantes études mais restera un jour complètement subjuguée après avoir applaudi Eleonora Duse alors en tournée à Moscou.
Piquée à son tour par le démon du théâtre, la jeune Olga sera autorisée à non seulement prendre de très sérieux cours d’art dramatique, mais elle pourra également rester à Moscou chez les Tchekhov. C’est là, en 1915 qu’elle tombera follement amoureuse de l’un de ses cousins, Michael Tchekhov qu’elle épousa la même année, deux ans avant que leur monde privilégié ne s’efface à jamais dans le chaos qui ferait de la sainte Russie la rouge URSS. C’est d’ailleurs en pleine révolution que naîtra leur petite fille Ada. En 1919, le couple Tchekhov divorça.
Olga réussit à négocier un passeport pour l’Ouest avec les nouvelles autorités gouvernementales, probablement d’ailleurs en échange d’une étroite collaboration.
Elle franchit donc la nouvelle frontière dans un train pour Vienne et…Flanquée d’un garde chiourme qui ne la quittait pas d’une semelle. Il convient ici de dire que la belle Olga donna une première version des faits en inventant une fuite éperdue sur le dos d’un mulet déguisée en paysanne avec ses diamants dans la bouche. Contredite dans les faits, elle évoquera alors cette collaboration et le voyage en train vers Vienne et sous surveillance. On sait depuis peu que le surveillant, s’il s’agissait bel et bien d’un officier de l’armée Russe, était également son second mari, Friedrich Jaroshi.
J’ignore comment Olga réussit à le semer, mais un an plus tard, elle était à Berlin et débutait au cinéma sous la direction de l’illustre Murnau. Après Tchekhov, Murnau, avouons que notre héroïne commence très fort son carnet d’autographes! De Murnau, elle passa à Max Reinhardt, reconnaissons que l’on ne peut déjà plus guère la concurrencer. Pour la petite histoire, elle accepta malgré sa notoriété déjà très grande, d’être dirigée par un petit cinéaste débutant qui tâtait un peu à tous les modes d’expression sans briller dans aucun mais qui lui sera reconnaissant pour toujours de cette confiance accordée: un certain Adolph Hitler.
Elle deviendra pour toute une décennie une des étoiles les plus en vue du cinéma Allemand et sera dirigée par le jeune Alfred Hitchcock soi-même, passant du muet au parlant avec un réel soulagement! Considérée comme une des très grandes dames de la UFA, elle s’enticha d’une petite actrice néerlandaise, gagnante d’un concours de beauté: Truus van Aalten qu’elle idolâtra littéralement, lui apprenant les aspects sérieux du métier et l’incitant surtout à « perdre du poids et faire ses exercices »!
Elle vit monter le nazisme comme elle avait vu monter la fureur populaire dans sa Russie natale et ne donna pas cher du pauvre monde.
Le jeune chancelier Adolph Hitler tint un jour à lui faire savoir toute son admiration jamais démentie depuis qu’il l’avait dirigée dans les années vingt, et Olga fut bien souvent conviées aux fanfaronnades du parti. Ce qui lui permit, entre autre, de venir au secours de son amie Truus rentrée en Hollande et refusant tous les films que Goebbels tentait de lui imposer! Un outrage sans nom de la part d’une actrice non aryenne, ressortissante d’un pays envahi!
Dans la foulée, Goebbels en personne se tétanisa de passion pour Olga, voulant faire de l’actrice l’égérie absolue du nouveau Reich. Herman Goering se jeta à son tour à ses pieds! Olga fut sacrée « actrice d’état », obtint la nationalité Allemande, et personne parmi les hauts dignitaires du troisième Reich n’aurait eu le culot d’oublier son anniversaire ou son petit Noël! Sa gloire aux yeux du Reich dépassait de beaucoup en prestige, celles de Marika Rokk, Lillian Harvey la traîtresse ou Zarah Léander réunies!
En 1936, elle se remariait pour la troisième fois avec un richissime industriel belge, Marcel Robyns. La veille du mariage on dansa sur les tables dans sa somptueuse villa et Hitler ne fut pas le dernier à lever la gambette. L’instant émouvant de la soirée fut celui ou le petit moustachu vindicatif autorisa Olga a garder sa nationalité allemande malgré ce mari belge!
Il semble aujourd’hui certain que la belle Olga Tschechowa se prêta de moyen gré aux manipulations goebbelsiennes mais qu’elle régala surtout sa chère Russie d’informations pertinentes sur l’évolution des choses à l’Ouest.
Lorsque la guerre se déclara, Olga était une véritable égérie de l’Allemagne nazie. Elle vécut sous la double surveillance des Allemands et des Russes. Elle-même protégeait sa fille de la fureur antisémite puisque son ex mari père de son enfant, Michael Tchekhov était juif et son frère avait été déporté suite à un attentat manqué contre Hitler.
Himmler finit par avoir de sérieux soupçons sur l’intégrité de la belle actrice et un matin, la villa de la star fut encerclée par un bataillon nazi venu l’arrêter. Elle appela la chancellerie, exigea qu’on la laisse terminer son petit déjeuner avant de s’adonner à cette arrestation ridicule! Lorsque Himmler fit voler la porte d’entrée d’un violent coup de botte et arme au poing, il se trouva nez à nez avec son Führer adoré qui l’attendait de pied ferme dans le hall de la star et qui lui savonna les oreilles en le traitant d’imbécile!
Lorsque Berlin capitulera devant l’armée rouge, on retrouva Olga terrée dans un abri anti atomique et elle fut rapatriée en Russie avec tous les égards dus à une héroïne de guerre, même si rien n’était moins certain. On mena une enquête serrée, faudrait-il la couvrir de lauriers ou l’envoyer au peloton d’exécution? Ce ne fut ni l’un ni l’autre et l’actrice se vit offrir une maison restée intacte à Berlin, mais qui allait se retrouver du côté soviétique!
La star reprit bientôt son métier et fut même conviée à Hollywood. Si le cinéma américain ne lui réussit guère à cause d’un accent bien trop germanique et peu populaire en ces temps encore troublés, la belle Olga, la guerre terminée et le travail des comités d’épuration enfin achevé, ne fut plus inquiétée par personne et aucun soupçon ne plana sur son intégrité.
Elle réussira encore à passer le rideau de fer et s’installera à Munich où elle dirigera longtemps une société de cosmétiques. On la reverra encore souvent au cinéma car elle était une gloire nationale et sa présence au générique d’un film lui ajoutait bien du prestige.
Elle s’éteignit de sa belle mort le 3 Mars 1980, quelques jours avant de fêter son 83eme anniversaire.
La mémoire d’Olga Tschechowa s’estompe peu à peu au gré du temps qui passe mais elle demeure respectée en Russie, en Allemagne et en Amérique. Ses correspondances ont été publiées après sa mort mais n’ont que peu révélé de ses implications réelles durant les conflits qui bouleversèrent le monde. La belle Olga était prudente. Les enjeux étaient cruciaux, elle ne laissait pas de traces.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1922: Der Kampf ums Ich: Avec Ernst Deutsch
1924: Soll und Haben: Avec Hans Brauswetter
1925 Soll Man Heiraten?: Avec Vilma Banky
1926: Trude, Meurent Sechzehnjährige: Avec Max Landa, Anny Ondra et Paul Morgan
1927: Die Selige Exzellenz: Avec Malcolm Todd, Willy Fritsch et Truus an Aalten
1928: Un chapeau de paille d’Italie: Avec Alice Tissot et Alex Bondireff
1929: Die Liebe der Brüder Rott: Avec Jean Dax et Charles Vanel
1929: § 173 St.G.B. Blutschande: Avec Walter Rilla et Erna Morena
1930: Le Chemin du Paradis: Avec Lilian Harvey et Henri Garat
1931: Panik in Chicago: Avec Hans Rehmann
1933: Un Certain Monsieur Grant: Avec Rosine Derean et Jean Murat
1933: L’Amour qu’il faut aux Femmes: Avec Gina Manès, Germaine Haussey et Mila Parely.
1934: Mascarade: Avec Paula Wessley et Anton Walbrock
1934: Der Polizeibericht Meldet: Avec Paul Otto
1934: Abenteuer eines jungen Herrn in Polen: Avec Gustav Fröhlich et Maria Andergast
1935: Liebesträume: Avec Franz Hesterich
1935: Lockspitzel Asew: Avec Fritz Rasp
1936: Manja Valewska: Avec Maria Andergast et Peter Petersen
1936: Seine Tochter is der Pierre: Avec Karl Ludwig Diehl et Maria Andergast
1937: Die gelbe Flagge: Avec Hans Albers et Lissy Arna
1938: Der Trichter (Court métrage): Avec Hans Albers
1939: Die Unheimlichen Wünsche: Avec Hans Holt
1939: Bel Ami: Avec Willi Forst et Ilse Werner
1942: Andreas Schlüter: Avec Valy Arnheim
1950: Ein Nacht Im Separee: Avec Kurt Seifert et Sonia Ziemann
1950: Maharadscha Wider Willen: Avec Kurt Seifert et Sonja Ziemann
1951: Ein Frau Mit Herz: Avec Gustav Knuth
1955: Ich War Ein Häbliches Mädchen: Avec Sonia Ziemann: et Karlheinz Böhm
1963: Jack und Jenny: Avec Senta Berger et Brett Halsey
1973: Die Zwillinge vom Immenhof: Avec Heidi Brühl