La belle Nancy Kwan naît à Hong Kong le 19 mai 1939 d’un père architecte riche et renommé, Wing Hong Kwan, et d’une mère mannequin haute couture d’origine écossaise: Marquita Scott. Nancy est alors Ka Shin Kwan pour l’état civil. Le couple divorcera lorsque la petite fille n’a que deux ans et sa mère préfèrera la laisser à la garde de son père, homme richissime et bon, qui assurera à l’enfant une existence dorée et choyée. On vit sur un très grand pied chez les Kwan.
Tout ce bel univers va hélas voler en éclats avec la guerre que le Japon déclare le jour de Noël 1941. Il s’agit pour monsieur Kwan de fuir au plus tôt pour protéger sa vie et celle des siens. Ce sera alors l’exil aux confins de la Chine jusqu’à ce que la paix revienne. Les Kwan reviendront donc à Hong-Kong, s’installeront dans une villa sublime dessinée par Wing Hong en personne. l’éducation de la petite fille est menée dans les institutions catholiques les plus sélect et elle peut s’adonner tout à loisir à sa grande passion qu’est la danse classique où là aussi, ce sont les meilleures instances qui veillent à son apprentissage.
Devenue une très belle et très distinguée jeune fille, elle deviendra à son tour professeur de danse, et pas n’importe où: à Covent Garden! C’est donc à Londres qu’elle sera « découverte » par Ray Stark qui prépare son prochain film « Le petit Monde de Suzie Wong » pour lequel William Holden a déjà signé.
Nous sommes en 1960 et les rôles d’étrangères ou de métisses sont encore tenus à Hollywood par des acteurs grimés. On n’en est plus au temps d’Al Jolson, mais la dernière eurasienne avec qui Holden a tourné n’était quand même nulle autre que Jennifer Jones! Elizabeth Taylor et Yvonne de Carlo furent des métisses à l’écran, Maria Montez, et Maureen O’hara y furent arabes et Sophia Loren y fut même noire, ne l’oublions pas. Et pour l’anecdote, il est amusant de souligner que Nancy elle-même sera « chinoisée » à l’écran, sa beauté n’étant pas assez connotée « chinoise ».
Nancy passa des tests, ne crut pas en sa chance mais se piqua très vite au jeu. Finalement elle resta en lice bien que la production ait testé plus de 500 comédiennes eurasiennes professionnelles célèbres dans leur pays. Elle resta en lice mais elle n’était pas le seule: France Nuyen était également pressentie, et puisque France triomphait déjà à Broadway en Suzie Wong, c’est elle qui finalement obtint le rôle.
En guise de consolation, on proposa à Nancy de lui succéder sur scène lorsque débuterait le tournage. On imagine bien la déception de la jeune fille de 20 ans. Elle était donc très dépitée lorsque la production la rappela dare-dare. Contre toute attente, presque par miracle, France renonçait à être Suzie à l’écran. Nancy tourna donc ce film magnifique avec William Holden. Le couple qu’ils forment à l’écran est tout simplement magique. Mais en dehors des prises de vues, Nancy préférait jouer avec les enfants de l’acteur qu’il avait amenés avec lui à Hong-Kong pour les vacances que de succomber à ses charmes. Le film était d’ailleurs une affaire de famille puisque les studios où il se tournait avaient été bâtis par…le père de Nancy!
Lequel, tout traditionnel qu’il fût, s’était remarié, avait donné à Nancy cinq nouveaux petits frères et soeurs et estima que sa fille s’était tenue avec honneur et dignité à l’écran. Et ce, bien que miss Suzie Wong soit une prostituée! L’avis paternel rejoignait d’ailleurs celui de la critique unanime qui considéra que le talent, la beauté et les 20 ans de la nouvelle venue aux manières distinguées avaient non seulement conquis tout le monde mais fait passer pas mal de choses dont les relations amoureuses inter raciales qui avaient de quoi scandaliser le public de l’époque. Le succès fut colossal et Nancy devint une star planétaire en un seul film. Mieux encore, on ne parlait que d’elle, elle faisait la UNE de tous les plus prestigieux magazines du monde alors même que le tournage n’était pas terminé. Les médias se divisèrent en deux clans comme au bon vieux temps de l’affaire Dreyfuss, mais d’une manière plus ludique, il est vrai.
D’un côté ceux qui considéraient Nancy Kwan comme la nouvelle Brigitte Bardot, et de l’autre ceux qui voyaient en elle la nouvelle Audrey Hepburn! La reine d’Angleterre elle-même tint à la recevoir et à la féliciter. Et comme de bien entendu, plus jamais Nancy ne pairerait quoi que ce soit au restaurant chinois!
Son film suivant connut plus de succès encore! Sa nouvelle coupe de cheveux imaginée par Vidal Sassoon provoqua un tsunami dans les salons de coiffure du monde entier et même les beautés africaines se surmontèrent d’une perruque « à la Kwan ». L’actrice était « lancée », ses cachets aussitôt rivalisèrent avec ceux des plus grandes stars hollywoodiennes. Vidal Sassoon se souvint longtemps de Nancy, et pour cause, l’actrice arriva au salon avec un staff de 171 personnes. Déjà impressionné, le coiffeur se rendit compte que non seulement la belle Nancy avait des cheveux sublimes, incroyablement épais et solides, mais qu’ils étaient visiblement précieux à ses yeux et avaient pour la jolie eurasienne une importance autre qu’esthétique. Sassoon tremblotait déjà au bout de ses ciseaux lorsqu’un assistant déplia un jeu d’échecs et se mit à jouer avec la star qui n’adressa ni un mot ni un regard au pauvre coiffeur. Le scalpage terminé, Nancy s’observa plus d’une minute dans un miroir sans rien dire puis remercia son coiffeur d’un sourire et s’en fut. elle avait gagné sa partie d’échecs. Le look emblématique des années 60 venait de naître.
Sa gloire connaîtra pourtant un certain ralentissement pour causes sentimentales, matrimoniales et familiales.
Nancy tomba amoureuse de son beau moniteur de ski autrichien, Peter Pock, qui ignorait superbement qu’une certaine Nancy Kwan était une star de cinéma adulée lorsqu’ils se rencontrèrent, tout perdu dans ses sommets et ignorant du monde qu’il était. Le couple se maria, Nancy devint maman d’un petit Bernhard qui hérita de la blondeur de son père et de la beauté délicate de sa mère. Le jeune couple choisit d’ouvrir leur propre station de ski dans le petit village de montagne qui avait vu naître leurs amours. Hélas pour le beau moniteur peu au courant des us et coutumes au pays des stars, sa belle épouse partageait son temps entre Londres, New-York, Paris, Hollywood et Hong-Kong.. L’union fut brève, le couple divorça, Nancy garda avec elle son fils adoré.
Le mariage bouleversa la planète des commères car lorsque Nancy et son beau Peter convolèrent on en était encore aux spéculations matrimoniales entre Nancy et Maximilian Schell. Ces deux-là menaient une liaison dont on parlait beaucoup, Schell clamant sur tous les toits aimer Nancy au moins autant qu’il ne détestait le mariage. Nancy se faisait forte de devenir un jour prochain madame Schell. Elle en fut pour ses frais!
La belle actrice tournera encore beaucoup, deviendra une productrice de renom à Hong-Kong où elle est littéralement déifiée, surnommée par ses compatriotes. »Le cadeau que nous fîmes aux Américains ». Revenue chez elle en 1970 lorsque son père adoré entra en agonie, elle y restera une décade entière.
Cette véritable lady « made in Hong-Kong » sera bouleversée jusqu’au plus profond de son âme lorsque le sida lui enlèvera son fils adoré en 1996. Bernhard Pock n’avait que 33 ans.
Toujours aussi délicieusement belle, la star reprit peu à peu ses activités professionnelles nombreuses et reste aujourd’hui encore active et puissante dans l’univers culturel de son pays.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1960: Le Petit Monde de Suzie Wong: Avec William Holden
1961: Flower Drum Song: Avec James Shigeta
1962: The main attraction: Avec Pat Boone et Mai Zetterling
1963: The Wild Affair: Avec Victor Spinetti
1963: Tamahine: Avec Dennis Price et John Fraser
1964: Fate is the Hunter: Avec Glenn Ford, Suzanne Pleshette et Dorothy Malone.
1966: Arrivederci Baby: Avec Rossana Schiaffino, Tony Curtis et Zsa-Zsa Gabor
1967: The Corrupt Ones: Avec Elke Sommer, Robert Stack et Christian Marquand
1967: Lieutenant Robinson Crusoé: Avec Dick Van Dyke. (Ceci est l’ultime film de Walt Disney)
1968: The Wrecking Crew: Avec Elke Sommer, Sharon Tate et Dean Martin
1971: Karioka Etchos de America: (Film Philippin)
1975: That Lady From Peking: Avec Karl Betz
1979: Streets of Hong-Kong: Avec Gary Collins
1988: Keys to Freedom: Avec Jane Seymour et Omar Sharif
1993: Dragon, The Bruce Lee Story: Avec Jason Scott Lee et Robert Wagner
1995: Rebellious: Avec Sergeï Goncharoff
2005: Murder on the Yellow Brick Road: Avec Mark Atha