Ce n’est pas parce que la très belle et très talentueuse Myriam Bru a soudain abandonné sa carrière d’actrice que nous devons à notre tout lui tourner le dos dans nos souvenirs d’écrans.
Cette très belle actrice naît à Paris le 20 Avril 1930 sous le patronyme de Myriam Rosita Bruh. Elle aura quinze ans lorsque la guerre se termine et que Paris retrouve ses lumières et les théâtres des horaires normaux qui ne sont enfin plus tributaires du dernier métro. Myriam a donc quinze ans et reste subjuguée par la prestation du jeune Gérard Philipe dans « Caligula ». N’écoutant que l’effronterie de son jeune âge et son admiration sans limites pour l’homme et l’acteur, elle s’en va le féliciter dans sa loge. En ces temps où les acteurs sont également des êtres humains attentifs aux autres, Gérard la reçoit avec infiniment de gentillesse. Et devant tant d’enthousiasme et de fraîche beauté, il lui suggère de tenter elle aussi cette aventure qui lui semble si merveilleuse vue des sièges en velours rouge. Il lui conseille de s’inscrire aux cours René Simon. Elle y fera d’intéressantes rencontres et d’intéressants progrès jusqu’à rejoindre la distribution de « Rendez-Vous de Juillet » où piaffe toute une nouvelle génération d’acteurs aux dents longues et au talent exacerbé.
La jeune Myriam, ravissante comme un cœur tourne quelques petits rôles bien mineurs et profite des vacances pour courir les plages de festivals et les concours de beauté. Ne dit-on pas dans « Cinémonde » qu’ils sont d’excellents tremplins pour les jeunes actrices? Elle devint même furieusement blonde pour devenir une parfaite « pin-up ». Le vénérable René Simon ne l’entendit pas de cette oreille et fit savoir à sa jeune actrice qu’il n’estimait pas utile à sa carrière ni à l’évolution de son talent ces exhibitions bikinaires…auxquelles elle renonça aussitôt. Mais les bikinis avaient, si j’ose dire, porté leurs fruits. Ils étaient arrivés en double page couleurs des magazines de cinéma sur les bureaux de quelques producteurs italiens toujours avides de « bamboles » qui convoquèrent Myriam sous leurs sunlights.
Il était temps. Elle n’avait joué que les pin-up et jolies potiches pour le cinéma français qui ne lui avait offert qu’un seul rôle intéressant. Celui qu’elle tient dans « Ouvert contre X » de Richard Pottier.
S’en suivi une ribambelle de films qui firent honte à son intelligence, son talent et l’idée qu’elle se faisait du cinéma. Elle enchaîna les mélos larmoyants, se demandant à chaque fois comment son personnage pouvait être assez idiot pour se retrouver dans des situations pareilles! Myriam pataugeait dans le mélo et sous les applaudissements jusqu’à ce qu’elle obtienne, enfin, un rôle qui l’intéressât. Non qu’il fut plus réaliste que les autres qu’elle avait tenu jusque là, mais enfin, il s’agissait cette fois de jouer face à Anna Magnani. Et quand on est actrice, jouer devant LA Magnani c’est comme pour un curé de village dire la messe devant le pape! »LA » Magnani en question la trouva « vraiment très bien ». La messe était dite, les tapis rouges pouvaient se dérouler devant le pied gracieux de Myriam, à ceci près que ce film fut…Le dernier qu’elle tournât.
Elle avait été distribuée avant de tourner « L’Enfer dans la Ville » dans un film Allemand face au James Dean teuton Horst Bucholz dont Romy Schneider avait été follement amoureuse en son temps. Myriam fut moins convaincue, à la fois par le film qu’elle trouvait d’une idiotie sans nom et par Horst qu’elle trouvait futile, fantasque et immature.
Qui pouvait imaginer qu’ils se marieraient à Londres en Décembre 1958. Dès la cérémonie terminée, Horst devait filer à Broadway où l’attendait le rôle de « Chéri ». Il était clair que si ces deux-là voulaient que leur mariage fonctionne et dure, l’un des deux devrait mettre la pédale douce à sa carrière. Ce fut Myriam. Elle déclarait à ce propos au lendemain même de son mariage: « Je n’ai aimé aucun des films que j’ai tournés à part « Résurrection » alors ca ne m’a rien coûté de rompre mon contrat de quatre films par an en Italie. Cela ne m’empêchera pas dans l’avenir de dire « oui » s’il se présente une proposition vraiment très intéressante où je ne devrai pas me demander tout le long du tournage pourquoi mon personnage s’obstine à se fourrer dans des situations complètement débiles. Mais il ne faudra pas que cette décision empiète sur ma sérénité ou sur ma vie de couple! »
Et de s’en retourner vaquer à la décoration de leur appartement conjugal tout neuf rond point des Champs Elysées. Le couple avait choisi Paris pour y vivre, Horst Bucholz déclarant à ce propos: « Je suis Berlinois et j’adore ma ville natale, mais Myriam est parisienne. Elle a déjà sacrifié sa carrière pour moi je ne vais pas en plus faire d’elle une exilée, ca serait complet! » Il avait également renoncé à sa flamboyante Mercedes sport. Myriam Bru ne pouvant y faire tenir toutes ses valises lors de leurs voyages, Horst Bucholz avait alors opté pour la plus vaste des Cadillac!
En 1960 c’est en qualité de madame Bucholz qu’elle débarque à Hollywood où son mari est attendu pour son premier film américain « Les 7 Samouraïs » L’actrice reçoit hors des écrans le traitement le plus glamour qui soit. La production leur a loué une villa somptueuse avec deux domestiques, une cuisinière de haut vol et même un chien, Bibo qui est in fine le seul vrai locataire des lieux. Il y a aussi une très élégante Chrysler c’est bien le moins! Ils prendront quatre kilos chacun avant le début du tournage du film!
Ils restèrent mari et femme durant 45 ans, jusqu’à la mort de Horst Bucholz qui la laissait veuve en 2003. Le couple eut deux enfants, une fille et un garçon. La presse s’enticha de leur image de famille artistico-intellectuelle parfaite, n’étaient-ils pas tellement beaux tous les deux?
On eut donc souvent des nouvelles de Myriam, toujours dans l’ombre, il est vrai, d’Horst Bucholz, même s’ils finirent par vivre dans des villes différentes.
Myriam Bru ne revint jamais devant les caméras mais ouvrit son agence de comédiens à Paris et découvrit quelques grands noms de l’écran d’aujourd’hui, même s’ils n’eurent pas forcément tous sa classe, sa beauté ou son talent.
Gérard Philipe, René Simon, Anna Magnani , Horst Bucholz et tant d’autres n’étaient plus, une certaine exigence était morte avec eux.
Celine Colassin.
QUE VOIR?
1952: L’Enquête est Ouverte (Ouvert contre X): Avec Madeleine Barbulée, Marcel André et Elina Labourdette
1953: Gli Uomini Che Mascalzoni: Avec Antonella Lualdi, alter Chiari et Julien Carette
1953: Ti Ho Sempre Amato: Avec Amedeo Nazzari, Jacques Sernas et Marisa Merlini
1953: Une Fille dans le Soleil:Avec Jacques Morel et Henri Genès
1953: Puccini: Avec Marta Toren Nadia Gray et Gabriele Ferzetti
1954: Casa Ricordi: Avec Danièle Delorme, Nadia Gray, Marcello Mastroianni et Micheline Presle.
1954: Le Due Orfanelle: Avec Milly Vitale, Franco Interlinghi et André Luguet
1954: Appassionatamente: Avec Amedeo Nazzari
1955: Gli Amori di Manon Lescaut: Avec Franco Interlinghi
1956: Questa é la Vita: Avec Toto, Walter Chiari et Lucia Bose
1956: Cent Ans d’Amour: Avec Franco Interlenghi, Vittorio de Sica et Nadia Gray
1957: Vacanze a Ischia: Avec Isabelle Corey et Vittorio de Sica
1958: Auferstehung: Avec Horst Bucholz et Léa Massari
1959: L’Enfer dans la ville: Avec Anna Magnani