Il n’y a pas qu’à Hollywood que de jeunes actrices belles à couper le souffle ou jolies comme des cœurs et promises aux pinacles de la gloire s’effacent soudain et se laissent emporter dans le côté sombre de l’existence. Créatures fragiles malmenées par la vie et dont on apprend un jour la mort survenue bien trop tôt, éveillant aussitôt, mais trop tard, toute une foule de « Pourquoi ? »
Muriel Baptiste naît sous le coquet prénom d’Yvette le 11 Juillet 1943 à Lyon. Ses parents, Mireille et Roger divorceront alors qu’elle n’a que huit ans. La petite fille sera placée en pension après avoir été confiée un certain temps à une de ses tantes. La jeune Yvette à l’enfance déjà abîmée se réfugie, comme souvent, dans la danse. Elle travaille avec un acharnement inouï. Comme si à force de travail, des ailes allaient lui pousser et l’emmener loin de tout. Loin du mortel ennui solitaire de l’enfance. Mais ces choses là n’arrivent pas. Si à dix ans, elle entre, le cœur prêt à exploser comme petit rat au Châtelet, à treize elle fait une vilaine chute de ski qui compromet à tout jamais sa destinée sur pointes. Sa maman de son côté s’est remariée. Elle lui a donné un petit demi-frère, Jérôme, auquel la jeune Yvette va s’attacher avec passion. Comme s’il symbolisait pour elle à la fois la preuve d’une famille retrouvée et le symbole de tout l’amour qu’elle aussi peut donner et recevoir.
Devant faire ses adieux à la danse, la jeune demoiselle devra choisir une autre orientation professionnelle. Elle penchera pour le journalisme. Mais ce métier, commencé chez Paris Match la déçoit. Elle joue alors pour un temps les mannequins, essentiellement pour le magazine « Marie-Claire ».
Et comme dans toute histoire romanesque qui se respecte, le coup du sort, pour une fois bénéfique, intervient. Un des clichés d’Yvette attire l’attention d’un producteur italien qui la contacte et veut la faire débuter dans son prochain film. Film qui ne se fera pas. Mais ce court rêve d’une carrière d’actrice a fait renaître en elle les espoirs de la petite fille qui se rêvait danseuse. Yvette Baptiste deviendra Muriel Baptiste, elle ne dansera pas, elle jouera.
Elle débutera en scène en 1964 dans « Gigi » au théâtre du Palais Royal. Elle succède à Audrey Hepburn et Danièle Delorme dans le légendaire personnage de Colette. Des débuts sur scène entre Paul Guers, Renée Saint Cyr et Alice Tissot. On a connu pire comme débuts.
Plus tard elle affrontera en scène Pierre Brasseur soi-même. L’année suivante elle débute au cinéma et la télévision prend le relais. Muriel Baptise a fêté ses vingt ans et sa vie commence. Bientôt elle sera à l’affiche de films de prestige, côtoyant de grands noms dont ceux de Gina Lollobrigida, Annie Girardot Jacques Brel, Philippe Noiret ou Louis Jourdan. Le succès semble couronner ses entreprises et le public répond présent à l’appel de cette nouvelle jeune première comme on les aime tant en France depuis toujours.
La télévision achève d’asseoir sa popularité et on la verra dans quelques programmes aujourd’hui mythiques dont « Les Chevaliers du Ciel » qui marqueront une des périodes les plus heureuses de la vie de Muriel. Elle mène en dehors des plateaux une tendre romance avec son beau partenaire Jacques Santi et se fait un ami pour la vie de son autre partenaire Christian Marin qui ne l’oubliera jamais.
Et surtout il y aura »Les Rois Maudits » qui fait d’elle une véritable reine des écrans télévisés en 1972.
Qui pourrait imaginer que la belle et si touchante Muriel Baptiste est déjà à l’apogée de sa carrière et que le déclin, inexorablement s’annonce. On ne la reverra pas au cinéma. Elle tournera encore pour la télévision mais dès 1974, soit deux ans après son grand triomphe populaire, elle s’efface à jamais.
Déjà ses dernières images la montrent bouffie, fatiguée, malade.
Muriel Baptiste s’enfuit dans l’anonymat comme d’autres se réfugient sur une île déserte. Parfois certains anciens amis la croisent dans Paris, grossie, vieillie, fuyante. Annie Sinigalia la croise un jour. Celle qui fut sa meilleure amie regarde cette femme en face d’elle qui lui rappelle vaguement quelqu’un puis soudain reconnaît Muriel grâce à sa paire de bottes. Mais l’actrice abîmée fuit avant qu’elles ne se parlent.
Muriel est malade. Sa maladie la défigure. Certains parlent d’une femme croisée dans la rue, des lunettes noires sur le nez qui aurait pris au moins trente kilos. Elle est fatiguée, s’occupe un temps d’une agence de publicité, à peine quelques mois et sans jamais ôter ses lunettes noires de son nez. L’actrice déchue des génériques bientôt s’oublie. Le public passe à autre chose mais Muriel continue sa chute inexorable tout au fond de la spirale infernale qu’est sa vie.
Ses ressources s’épuisent. Elle quitte son bel appartement pour un logement bien plus modeste, mais le destin s’acharne. Son demi frère adoré, son cher Jérôme qui n’a jamais pu s’adapter à la vie et était resté un éternel adolescent à problèmes meurt le 13 Octobre 1991.
Muriel s’enfonce alors dans l’alcool, vit une liaison avec un homme qui pourrait être son père, Charles Delberghe qui est né en 1919, il a 34 ans de plus que Muriel.
Est-ce lui qui la retrouva sans vie dans son appartement, quatre jours après sa fin solitaire et sordide?
Muriel Baptise s’était endormie pour toujours tout au fond de sa détresse le 7 Septembre 1995. Le monde fut sous le choc.
Comment la si belle Marguerite de Bourgogne, encore si vive dans toutes les mémoires avait elle pu mourir? On parla longtemps d’un suicide. Les proches de l’actrice le démentent. Bien qu’elle ait subi une autopsie puisqu’il était dit que rien jamais ne lui serait épargné, les causes exactes de sa mort ne furent pas divulguées.
Muriel Baptiste venait de fêter ses 52 ans, deux mois avant sa mort. Si tant est qu’elle ait encore fêté quelque chose ici bas.
Repose en paix jolie princesse, il existe certainement un ailleurs plus propice aux petites filles rêveuses et trop fragiles.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1965: Déclic et des Claques: Avec Annie Girardot, Renée Saint Cyr et Mike Marshall
1966: Les Sultans: Avec Gina Lollobrigida, Corinne Marchand, Philippe Noiret et Louis Jourdan
1967: Les Risques du Métier: Avec Jacques Brel et Emmanuelle Riva
1968: Le Mois le Plus Beau: Avec Georges Géret et Michel Galabru
1971: La Cavale: Avec Juliet Berto (Le rôle de Muriel est coupé au montage)