Mireille Perrey n’occupe pas la place qui devrait être la sienne dans la mémoire du cinéma français. Sans doute parce que son personnage était trop proche de celui de Françoise Rosay, Plus glorieuse et d’ailleurs mieux servie qu’elle en rôles inoubliables.
Pourtant, Mireille Perrey qui excelle dans les rôles de bourgeoises despotiques est loin d’avoir démérité face à Françoise. Abonnée à ces dames souvent provinciales assises sur leur réputation et plus encore sur leur compte épargne. Elle est en général femme de maire, de commissaire, de notaire ou de préfet, fourrant allègrement son nez dans les paperasses conjugales. La langue dans les commérages de quartier et l’œil dans les amours de ses rejetons qu’elle entend bien contrôler « dans l’intérêt de la famille » Comprenez les siens. Mais comme toute grande dame qui se respecte elle saura s’éloigner de son répertoire de prédilection comme pour devenir la gentille tante Elise moribonde des « Parapluies de Cherbourg ».
Un rôle inattendu et déjà crépusculaire pour Mireille Perrey qui avait surgi sur les écrans dès 1931 pour y tenir les premiers rôles jusqu’au milieu de la décennie! Qui peut imaginer aujourd’hui qu’elle fut même une ensorcelante Gitane dans « Juanita » face à…Alfred Rode?
Elle ponctuera une carrière surtout consacrée au théâtre de quelques apparitions d’anthologie à l’écran. Elle est la patronne de l’hôtel qui s’enrichit grâce au douteux docteur Knock. Elle est la fidèle servante de Danielle Darrieux dans l’impérissable « Madame De… » ou la mère de Jeanne Moreau dans « Meurtres ». Elle est la mère de Miquette dans le « Miquette et sa Mère » de Clouzot.
Son abattage faisait merveille face à des acteurs de haute volée et elle sera souvent confrontée pour leur plus grand plaisir à Louis Jouvet, Fernandel, Elvire Popesco ou…Bourvil! Quant à ses metteurs en scène, elle préférera les trier sur le haut du volet et se mettre au service des plus grands! Elle tournera pour Jean Boyer, Duvivier, Berthomieu, Guitry, Ophüls, Moguy, Clouzot, Autan-Lara, Demy, Deray.
Hélas pour nous amateurs de souvenirs personnels qui égrènent habituellement ces pages, Mireille Perrey ne fut pas de celles qui jugèrent jamais utile de se confier par le menu détail à la presse. Elle n’était d’ailleurs pas de celles dont les décolletés rebondis font les délices des badauds en couverture de « CINEMONDE » ou « FROUFROU ». Même si, il faut le dire, Mireille fut très belle, eut la gambette réputée et n’avait toujours pas à rougir lorsqu’en 1950, Clouzot lui fait faire le même strip-tease belle époque qu’à Danièle Delorme.
Mireille Camille Perret naît à Bordeaux le 3 Février 1904. C’est là qu’elle étudiera le violon au conservatoire puis changera de direction pour se jeter à passion perdue à la fois dans Paris et dans l’art dramatique! Elle sortira du conservatoire nantie d’un premier prix de comédie en 1926. Elle n’est peut être pas d’une beauté sensationnelle à nos yeux mais son physique est très « dans le vent » de son époque! Mireille évoque Mistinguett en personne! Elle entrera à la comédie française en 1942 au plus fort de l’occupation et y restera jusqu’en 1947 considérant que les choses étaient enfin rentrées dans l’ordre et qu’elle pouvait renoncer à ses fonctions de « bouche trou » !
Elle a fêté ses 87 ans trois mois plus tôt lorsqu’elle décède à Fontainebleau le 8 Mai 1991.
Mireille Perrey avait quitté le cinéma dès 1964 après le triomphe planétaire des « Parapluies de Cherbourg » mais seulement âgée de 60 ans. Elle se consacrera encore à la télévision qu’elle découvre la même année. On l’y verra régulièrement durant près d’une décennie supplémentaire.
Elle donnera son baroud d’honneur au cinéma en acceptant un petit rôle dans « Un Peu de Soleil dans l’eau Froide » pour faire plaisir à Jacques Deray. Et bien qu’à la retraite complète depuis 1973 après avoir été madame Cunier dans la série « Lucien Leuwen », elle ne résiste pas à un ultime téléfilm en 1980: « L’enterrement de Monsieur Bouvet ».
Sa mort après 10 années d’une retraite complète capitonnée de silence absolu passa très inaperçue, le monde assistait à la fin du communisme. Qu’importait la fin de tante Elise.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1931: Je Serai Seule Après Minuit: Avec Pierre Bertin
1933: Le Chasseur de chez Maxim’s: Avec Suzy Vernon et Tramel
1934: L’Ecole des Contribuables: Avec Armand Bernard
1934: Dédé: Avec Danielle Darrieux et Albert Préjean
1935: Juanita: Avec Alfred Rode
1936: L’Amant de Madame Vidal: Avec Elvire Popesco et Victor Boucher
1937: Mon Député et sa Femme: Avec Pauline Carton et Tramel
1937: La Fessée: Avec Albert Préjean et Claude Dauphin
1938: Education de Prince: Avec Elvire Popesco, Josette Day et Louis Jouvet
1943: Jeannou: Avec Michèle Alfa et Saturnin Fabre
1949: Toâ: Avec Lana Marconi et Sacha Guitry
1950: Le Rosier de Madame Husson: Avec Jacqueline Pagnol et Bourvil
1950: Miquette et sa Mère: Avec Danièle Delorme, Bourvil et Louis Jouvet
1950: Meurtres: Avec Jeanne Moreau et Fernandel
1951: Knock: Avec Louis Jouvet
1951: Les maîtres-nageurs: Avec Jules Berry
1952: L’Amour, Madame: Avec Arletty et François Perier
1953: Madame De…Avec Danielle Darrieux et Charles Boyer
1955: La villa sans souci: Avec Geneviève Kervine et Jean Bretonnière
1957: L’Homme à l’Imperméable: Avec Fernandel et Bernard Blier
1957: Donnez-Moi ma Chance: Avec Michèle Mercier, Danick Patisson et Nadine Tallier
1958: Prison de Femmes: Avec Danièle Delorme et Jacques Duby
1959: La Jument Verte: Avec Bourvil et Francis Blanche
1960: Les Mains d’Orlac: Avec Dany Carrel, Christopher Lee et Mel Ferrer
1961:Le tracassin ou Les plaisirs de la ville: Avec Bourvil et Armand Mestral
1964: Les Parapluies de Cherbourg: Avec Nino Castelnuovo
1971: Un Peu de Soleil dans l’eau Froide: Avec Claudine Auger et Marc Porel