Une fois n’est pas coutume, mon « éphémère » n’est non seulement pas une beauté fracassante hollywoodienne mais n’est pas éphémère du tout!
Mildred Natwick pour qui j’ai une véritable passion naît le 19 Juin 1905 à Baltimore dans le Maryland où elle grandira et poursuivra toutes ses études avant de se lancer dans la vie hasardeuse des artistes de troupes en tournées. Cette femme qui fera son fief des rôles de ladies anglaises au théâtre et au cinéma a en réalité des origines norvégiennes de par son grand père paternel. Il fut enregistré comme le premier immigrant de cette nationalité en Amérique en 1847…Lui et ses onze enfants présents et à venir dont le père de Mildred. Avec un tel lignage, il était inévitable qu’elle recroise des « cousins » tout du long de sa carrière dont Myron Grim Natwick, créateur de Betty Boop et dont les diseneyphiles savent que Blanche Neige lui doit toute sa carrière.
Mildred finira par poser ses valises d’actrice itinérante à Broadway comme le font Joan Crawford et Ginger Rogers et de rôle en rôle ira de succès en succès. C’est que voyez-vous, l’avisée comédienne sait faire de la plus stupide réplique un véritable numéro de haute voltige et bien entendu toujours hilarant! Le comble du tout, lorsque le public est au paroxysme du rire, au moment précis où cela devient douloureux, Mildred, toute à l’action de la pièce, a pourtant une subtile expression dans le regard qui signifie clairement: « Mais pourquoi rient-ils donc tous? Ce que je vis dans cette pièce est gravissime! » Et les rires repartent de plus belle! Le miracle sera que cette technique passera parfaitement le cap de la caméra. Là où l’art consommé d’une Tallulah Bankhead s’éteint, celui de Mildred s’illumine encore! Cette femme fait de la caméra sa complice.
Mildred Natwick passera de Broadway à Hollywood où elle débute face à John Wayne en 1940 de la manière la plus naturelle du monde, et si elle s’était fait un ami pour la vie de Joshua Logan au temps de Broadway, elle sera vénérée par Hitchcock ou John Ford à Hollywood. Lequel John Ford l’avait d’ailleurs faite débuter à l’écran.
Bien sûr le physique de Mildred Natwick ne lui permettra jamais de jouer « Camille » ou « Les Hommes Préfèrent les Blondes », mais qu’importe. Si toutes les stars doivent s’étriper pour obtenir un rôle convoité comme celui de Scarlett, Cléopâtre ou de Rebecca, Mildred n’a tout simplement aucune rivale pouvant lui ravir ceux où elle peut briller. Elle sera tout à fait jubilatoire en vieille fille coincée mais bousculée par ses sens dans le chef d’oeuvre d’Hitchcock « Mais qui a Tué Harry » où elle n’a aucun mal à éclipser Shirley MacLaine (Il en faut pourtant beaucoup!) Elle sera la veuve richissime et convoitée par Victor MacLaglen dans le magnifique « L’Homme Tranquille ». La même année elle est kidnappée par des pirates, et il faut la voir cacher un pistolet sous ses jupons, épouvantée autant par l’objet qu’à l’idée d’Errol Flynn louchant sur ses dentelles!
Plus tard elle sera la mère de Jane Fonda dans « Pieds Nus dans le Parc », ce qui lui vaudra une nomination aux Oscars. Sans doute pour ce magistral gadin aussi spectaculaire qu’inattendu et que n’auraient pas osé envisager Buster Keaton ou Laurel et Hardy! (Il faut voir le film, on ne raconte pas une chute, fût-ce celle de Mildred qui déboule tous les escaliers avec son sac à main, son chapeau et son vison après avoir déclaré « Ce n’est pas la peine de me raccompagner, ce n’est pas du tout glissant« .
la star sera très présente à la télévision où elle est au moins aussi réclamée qu’Agnès Moorhead et tournera avec allégresse une multitude de films pour le grand et le petit écran entre ses prestations théâtrales auxquelles elle ne renoncera que rarement et faute de temps.
Le cancer dut s’y prendre par surprise pour nous l’arracher après lui avoir laissé fêter ses 89 ans. C’était le 25 Octobre 1994.
Mildred Natwick s’éteignait emportée par la puissance du mal sur un corps âgé qu’elle n’avait jamais ménagé un seul jour de sa vie. Elle venait d’être Madame de Rosmonde dans les « Liaisons Dangereuses » de Christopher Hampton où elle avait donné la réplique à Glenn Close, John Malkovich, Michèle Pfeiffer et Uma Truman.
CELINE COLASSIN.
QUE VOIR?
1940: The Long Way Home: Avec John Wayne
1945: The Enchanted Cottage: Avec Dorothy McGuire et Robert Young
1947: The Late George Apley: Avec Vanessa Brown et Ronald Colman
1948: A Woman’s Vengeance: Avec Charles Boyer, Ann Blyth et Jessica Tandy
1948: The Kissing Bandit: Avec Frank Sinatra, Kathryn Grayson, Cyd Charisse et Ann Miller
1950: Cheaper by the Dozen: Avec Myrna Loy, Jeanne Crain et Clifton Webb
1952: Against All Flags: Avec Errol Flynn et Maureen O’Hara.
1952: L’Homme Tranquille: Avec John Wayne, Maureen O’Hara et Victor MacLaglen
1955: Mais Qui a Tué Harry?: Avec Shirley MacLaine et John Forsythe.
1955: Le Bouffon du Roi: Avec Danny Kaye, Angela Lansbury et Glynis Johns
1956: Teenage Rebel: Avec Ginger Rogers et Michael Rennie
1957: Tammy and the Bachelor: Avec Debbie Reynolds, Leslie Nielsen, Fay Wray et Mala Powers.
1967: Pieds Nus dans le Parc: Avec Jane Fonda et Robert Redford.
1969: Mardi, C’est donc la Belgique: Avec Suzanne Pleshette et Ian MacShane
1969: The Maltese Bippy: Avec Carol Lynley et Dan Rowan
1974: Daisy Miller: Avec Sybill Shepherd
1982: Kiss Me Good Bye: Avec Sally Field, Claire Trevor et James Caan
1988: Les Liaisons Dangereuses: Avec Glenn Close, John Malkovitch et Michèle Pfeiffer