Michèle Philippe la très belle naît le 17 janvier 1926 à Paris. Tenaillée d’une vocation de danseuse inébranlable, la jeune fille sera enfin prête à débuter sur scène au début des années 40, c’est à dire lorsque les Allemands auront l’idée saugrenue d’envahir la France et d’occuper Paris! Les débuts de Michèle Philippe ne changèrent pas la face de la guerre, mais soyons justes, la guerre n’ébranla pas la confiance de Michèle Philippe. Elle débuta donc, connut les tournées en province où le plus grand souci après celui de savoir si on arriverait vivants à la prochaine étape était celui de savoir comment on allait pouvoir se déplacer puisque les trains étaient aussi rares que l’essence et tout aussi réquisitionnés!
Michèle revint, intacte et aguerrie, et surtout suffisamment belle pour intégrer la troupe du Lido de Paris. Ce qui situe immédiatement une jeune demoiselle, ne fût-ce que sur le plan physique! Mais les années de guerre ont laissé des traces. La santé de Michèle, affaiblie par les années de privations ne lui permet plus de tenir le rythme effréné des représentations du Lido. Michèle, mortifiée doit renoncer.
Evidemment, le cinéma toujours avide de créatures somptueuses ne pouvait que s’intéresser à Michèle soudain oisive. D’autant que la cohorte de « créatures somptueuses » piaffant aux portes des studios en ces années encore noires était moins fournie qu’à l’accoutumée. Entre les héroïnes, les exils et les déportations, l’affolante parisienne se faisait rare! Lorsque Paris se libère, Michèle est sur les écrans, dans les bras du beau Georges Marchal et de Georges Guétary, autrement dit à l’affiche avec ce qui se fait de mieux en matière de jeunes premiers à succès sur la place de Paris.
Belle, racée et jamais vulgaire, grâce à ce maintient qu’elle doit à la danse, Michèle va très vite devenir une « vedette de cinéma ». Elle enchaîne les tournages, et si certaines années elle ne tourne qu’un film, d’autres fois elle en enchaîne quatre ou cinq! Elle atteint des sommets de popularité en tournant « L’Aiguille Rouge » avec Michel Auclair. Les journalistes se sont même fendus d’un aller retour jusqu’à l’aiguille rouge en question (dans les Alpes) pour y surprendre « la nouvelle grande vedette » française sur le tournage. Mais Michèle n’étant ni Jayne Mansfield ni Martine Carol, ces messieurs eurent le droit de la photographier promenant son caniche dans les verts alpages, picorer son omelette dans une riante auberge et…Ce fut tout! pas de révélations, pas de scandales, pas de confidences, pas de porte jarretelles, rien! Et c’était déjà bien assez!
Cette ligne de conduite très digne, presque collet monté de la belle Michèle allait jouer en sa défaveur. Ayant toujours l’ai de sortir de chez Dior avec une élégance un tantinet blasée, elle semblait aller tourner des films comme d’autres vont au bureau. Toujours juste, toujours rigoureuse, Michèle reste à l’écran l’élégante bourgeoise qu’elle est dans la vie. Elle construit son jeu et ses émotions avec sobriété. C’est à dire sans tapage, sans clinquant sans performance. Non Michèle Philippe ne se met pas à hurler, à s’arracher des cheveux ni à se rouler par terre pour impressionner public et pellicule. Michèle Philippe est de ces actrices dont on dit « Elle est très bien ».
Des Alpes, Michèle en profita pour aller faire un petit tour en Italie y tâter du cinéma local. Elle en revint relativement peu convaincue et reprit son rythme de tournage propre à faire plus d’une envieuse. D’autant qu’elle donna la réplique à quelques monstres sacrés dont Raimu, Jean Gabin, Bourvil, Charles Boyer Eddie Constantine, Jules Berry et Georges Guétary et à quelques acteurs en vogue qui faisaient se pâmer la midinette à foison dont Michel Auclair et Raf Vallone.
Le physique et l’allure de Michèle évoquent furieusement Michèle Morgan et il est plus qu’évident que certains films qu’elle tourne étaient prévus pour Michèle Morgan. L’arme est à double tranchant. Les films que l’on propose à Michèle Morgan sont parmi les plus prestigieux et Michèle Philippe n’aurait peut-être pas eu accès à certains génériques sans le coup de pouce involontaire de l’autre Michèle. Mais le danger pour Michèle Philippe est d’être considérée comme une Morgan de second choix et ce prénom partagé n’aide pas. Elle est « l’autre Michèle ». Il aurait fallu pour tirer parti de cette situation, voire inverser le cours des choses que dans ses prestations, Michèle Philippe en « fasse plus » que Michèle Morgan. Ce n’était d’ailleurs pas bien difficile. Michèle Morgan travaillant avec une économie de moyens légendaire. Mais ce n’était pas dans la nature de Michèle Philippe qui en faisait moins encore.
Les gazettes de l’époque parlent beaucoup d’une folle passion partagée avec Robert Lamoureux, mais c’est avec Claude Sainlouis qu’elle convole très officiellement en 1959. La femme mariée devint maman de deux enfants, une fille et un garçon. Le couple ouvrit un restaurant à l’instar de Claudine Dupuis et Michèle la si belle tira un trait définitif et sans appel sur sa carrière d’actrice.
Cette joyeuse époque de bonheur simple fut hélas écourtée par la maladie. Emportée par une leucémie foudroyante, Michèle Philippe ferme ses beaux yeux à jamais le 23 Septembre 1972. Elle n’avait que 46 ans.
Car hélas oui, les femmes heureuses meurent aussi.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1945: Blondine: Avec Georges Marchal et Nicole Maurey
1945: Le Cavalier Noir: Avec Georges Guetary et Mila Parely
1947: La Grande Maguet: Avec Madeleine Robinson
1948: Carrefour du Crime: Avec Claude Génia, Françoise Christophe, Jean Valmy et Louis Salou
1948: Par la Fenêtre: Avec Bourvil et Suzy Delair
1949: Tête Blonde: Avec Jules Berry
1949: Le Bal des Pompiers: Avec Claude Dauphin
1951: L’Aiguille Rouge: Avec Michel Auclair et Jean Marchat
1951: Chacun son Tour: Avec Robert Lamoureux et Marthe Mercadier
1952: Les Aventures de Mandrin: Avec Silvana Pampanini et Raf Vallone
1953: Belle Mentalité: Avec Jean Richard et Roger Pierre
1953: Le Portrait de son Père: Avec Brigitte Bardot et Jean Richard
1954: French Cancan: Avec Maria Félix, Françoise Arnoul et Jean Gabin
1954: Scènes de Ménage: Avec Marie Daems, François Périer, Sophie Desmarets et Bernard Blier
1954: Les Clandestines: Avec Nicole Courcel, Maria Mauban et Philippe Lemaire
1955: Les Clandestines: Avec Yoko Tani et Colette Ricard
1955: Les Pépées font la Loi: Avec Claudine Dupuis, Louise Carletti et Dominique Wilms
1956: L’Homme et l’Enfant: Avec Eddie Constantine et Juliette Greco.
1959: Les Heures Chaudes: Avec Liliane Brousse et Françoise Deldick