Si Meg Randall, quitte à passer d’un studio à l’autre ne connut pas à Hollywood la carrière dont elle rêvait, son parcours mérite néanmoins d’être conté. Ne fusse qu’ à propos de cette histoire de patronyme qui lui compliqua sans cesse la vie!
La future Meg Randall naît le 1 Août 1926 à Clinton dans l’Oklahoma. Elle sera la troisième d’une fratrie de cinq enfants et connue à l’état civil comme Geneviève Roberts. Ce patronyme fera longtemps ânonner un peu partout que Geneviève est française. Or rien n’est plus faux. Ses parents, Charles et Winnie, pour être ouvrier mécanicien et institutrice n’en ont pas moins des idées très libérales pour leur époque et…un peu fantasques! Ils ont décidé de donner à leurs enfants des patronymes d’origines différentes afin de rompre à la fois avec les traditions galloises et donner un aperçu à leurs contemporains de leur avis tranché sur le racisme!
Leur fille hérite donc d’un patronyme français et d’un frère prénommé Juarez et une soeur répondant au doux prénom de Juanita et une autre à celui de Cléo. Quant aux amis d’enfance, d’école et d’université de Geneviève, ils ne connaissent que Gene Roberts!
C’est à l’université que Geneviève se découvrira un goût certain pour le théâtre et c’est un concours de circonstances qui va l’amener à Hollywood! Sa mère a une amie qui enseigne l’art dramatique à Los Angeles et peut présenter Geneviève à quelques agents de sa connaissance. Il n’y a là aucune garantie de réussite mais Geneviève a envie de tenter sa chance avant d’entamer sa seconde année d’université en Oklahoma.
Une simple anecdote hollywoodienne a servi de déclencheur: Les plus grands studios se mordent les doigts d’avoir dans leur précipitation à engager les plus belles filles possibles signé des contrats longue durée à des greluches incapables d’aligner trois phrases ni même de savoir où se trouve la caméra! Une perfide échotière commentera même: Pour une Ava Gardner qui réussit, combien d’idiotes languissent à Hollywood? » Et en effet, les « talent scout » ont désormais pour mission d’écumer les campus plutôt que les concours de beauté.
Le studio Paramount se montra intéressé par la nouvelle venue au frais minois et à la tête bien pleine. Mais l’agent de Geneviève la présenta également à son amie Mary Pickford, cofondatrice de la United Artist et affublée du syndrome de Pygmalion! Convaincue par Geneviève, elle lui offre un contrat à 125$ par semaine, plus du double de ce qu’offre Paramount à ses débutantes. Mais Mary n’aura guère l’occasion de faire travailler sa recrue chèrement payée. Paramount sans doute sous le coup de la vexation lui fait une contre offre supérieure que Geneviève accepte. Le studio ne peut guère se permettre de payer aussi cher une inconnue à ne rien faire! On lui organise immédiatement une rencontre avec le réalisateur Clarence Brown qui a tant fait pour la gloire de Greta Garbo.
Brown est embarqué sur le tournage de « The Yearling » avec une jeune recrue MGM, Jacqueline White. Bien que miss White ait déjà tourné de nombreuses scènes, Brown n’est pas convaincu et la trouve trop jeune pour le personnage. Dès sa rencontre avec Geneviève, il est convaincu et congédie Jacqueline White en effet définitivement trop jeune pour le rôle au profit de Gene Roberts…De quatre ans la cadette de Jacqueline! Mais bon, à Hollywood on ne s’arrête guère à ces choses!
Finalement, c’est Jane Wyman, empruntée à Universal avec ses 28 ans qui tiendra le rôle tant disputé, rôle qui lui vaudra une nomination aux Oscars. Tout cet imbroglio vaudra à Gene de quitter la Paramount au profit de la MGM où on lui offre 250$ par semaine ce qui est cinq fois plus qu’une certaine Marilyn Monroe débutante à la Century fox!
Malheureusement, la MGM ne lui porte guère d’intérêt et après quelques petits rôles sans la moindre importance, elle quitte le studio pour la Century Fox où elle sera aussi bien payée et aussi mal traitée! Gene Roberts se retrouve donc dans cette sibylline situation commune à des centaines d’aspirantes actrices à Hollywood: Etre à Hollywood à végéter et à piaffer de s’en aller voir ailleurs mais un ailleurs où aucune femme n’ a le moindre espoir de gagner aussi richement sa vie quelle que soit sa carrière!
Le seul haut fait de cette époque est son mariage avec un des musiciens du studio, Robert Thorpe.
Gene fait donc comme les autres. Elle reste et attend. Et en attendant…Elle change, une fois encore, de studio. Qui sait?
Cette fois elle choisit Universal et fait bien. Deux jours plus tard elle est sur le plateau de « Criss-Cross » face à Burt Lancaster! Un tout petit rôle, certes, c’est Yvonne de Carlo la grande vedette du film, mais enfin, pour quelqu’un qui vient de passer près de trois ans à s’ennuyer près de son téléphone!
Et là commence l’affaire du pseudonyme!
Née Geneviève Roberts, déjà connue comme Gene Roberts, Devenue Geneviève Thorpe, ce que le studio Universal a traduit par Jean Thorpe, notre héroïne n’est pas au bout de sa collection d’identités! Universal n’aime pas Jean Thorpe, Gene Thorpe encore moins et Geneviève Roberts n’en parlons pas! Finalement on songe à Meg McGlure! Geneviève devint un peu la risée du studio où on la surnomme « miss X »! L’affaire s’ébruite, en quelques semaines, le studio reçoit près de 6.000 lettres proposant des patronymes à « miss X » c’est le feuilleton Universal du moment! Avant la fin du tournage de « Criss Cross » et au grand dam de Burt Lancaster que cette affaire amusait beaucoup, Geneviève Roberts devient Meg Randall!
Malheureusement pour la jeune baptisée de frais, Universal ne sera pas non plus LE studio qui lui ouvrira les portes de la gloire! Meg Randall classée parmi les « cinq plus grands espoirs 1950 d’Hollywood » ne tournera plus que quelques films dans des rôles secondaires.
Après une carrière relativement confidentielle à la télévision elle dépose les armes et se retire dès 1961.
Celine Colassin
QUE VOIR?
A ma connaissance, la filmographie de Meg Randall ci-dessous est complète
1947: Undercover Maisie: Avec Ann Sothern et Gloria Holden
1947: Stork Bites Man: Avec Jackie Cooper
1949: Ma and Pa Kettle: Avec Marjorie Main et Percy Kilbride
1949: Criss Cross: Avec Yvonne de Carlo et Burt Lancaster
1949: Abandoned: Avec Gale Storm et Marjorie Rambeau
1949: The Life of Riley: Avec Rosemary DeCamp et William Bendix
1950: Ma and Pa Kettle Go to Town: Avec Marjorie Main et Percy Kilbride
1951: Ma and Pa Kettle Back on the Farm: Avec Marjorie Main et Percy Kilbride
1952: Without Warning!: Avec Adam Williams
1957: Chain of Evidence: Avec Claudia Barrett et Bill Eliott
1957: Last of the Badmen: Avec Georges Montgomery