Ne niez pas, chers visiteurs, cinéphiles ou simples curieux, je sais que si vous vous trémoussez d’aise lorsque je publie de nouveaux articles consacrés aux plus spectaculaires « glamour girls » d’Hollywood, vous êtes plus friands encore des articles consacrés aux « seconds couteaux » de légende. Ces actrices qui au fil du siècle n’ont peut-être pas donné au cinéma ses lettres de noblesse mais ont été un gage de qualité pour les films où elles paraissaient. Et pour tout dire la garantie de notre plaisir. Ces femmes que nous avons plus aimées qu’admirées, ces actrices de première force que l’on retrouve presque par surprise mais toujours avec plaisir dans l’ombre que leur font les grandes étoiles et dont la filmographie nous laisse soudain pantois et émerveillés.
Ces femmes telles Dominique Davray, Marthe Villalonga, Kathleen Freeman, Estelle Winwood, Jane Marken, Helen Broderick et tant d’autres, ces actrices que j’ai tant de plaisir à « croquer » dans ces pages même si retracer leur parcours personnel relève du pensum. La presse s’est toujours inquiété de savoir comment Marilyn Monroe obtenait sa nuance de rouge à lèvres ou si le fauteuil en rotin de Sylvia Kristel était confortable, mais de là à interviewer Gabrielle Fontan, point trop n’en fallait demander!
Je vous invite aujourd’hui à retrouver l’une des plus extraordinaires d’entre elles: Mary Wickes
Mary Isabella Wickenhauser vient au monde le 13 Juin 1910 à Saint Louis dans le Missouri et se dépêchera de raccourcir son encombrant patronyme qui n’aurait pas tenu en entier sur un fronton de théâtre! Je reviendrai plus tard sur cette date de naissance sujette à caution.
Ses parents, Frank et Mary Isabella mère sont des immigrés irlandais très pieux et qui ne badinent pas avec l’éducation, même des filles! Notre héroïne, le futur clown du cinéma sortira diplômée de science Pô! Autant dire que si elle avait dit à papa et maman qu’elle voulait monter sur les planches elle aurait connu le bûcher ou tout du moins le cachot ou le couvent!
Elle devra donc attendre sa majorité et avoir gagné quelques sous pour tenter sa chance à Broadway et surgir sur les planches avec le jeune Henri Fonda peu décontenancé par sa taille proprement gigantesque pour son époque, handicap auquel elle n’avait pas du tout pensé! Mary était consciente de n’avoir pas la beauté ravageuse d’une Joan Crawford, ni le glamour d’une Thelma Todd ni même l’élégance un tantinet compassée d’une Norma Shearer, mais elle était bien loin d’être un épouvantail! Si ce n’était cette taille rocambolesque! Il était clair qu’elle ne serait pas Juliette, elle ne serait même pas Mary Pickford, si elle voulait briller, il allait falloir trouver autre chose que les rôles de charmantes!
Elle décida alors de faire de ce handicap une aubaine et elle accentua encore sa stature impressionnante d’une démarche rapide et masculine, d’une voix forte et de gestes brusques! Genre dans lequel elle n’avait aucune concurrence puisqu’elle créait l’emploi! Et tant qu’elle y était, elle se vieillit de six ans pour faire plus « vieille fille » Mary Wickes était née en 1916 et non 1910, mais il faudra attendre son acte de décès pour découvrir cette judicieuse petite opération marketing.
Orson Welles sera le premier intrigué, puis c’est la Warner qui ayant entendu parler de cet étrange phénomène l’invita à Hollywood rejoindre le staff du studio. Mary Wickes, cabotine dans l’âme va tout oser, même de faire le pitre dans les films hautement dramatiques de Bette Davis! Laquelle lui arrivant péniblement au genou ne fit pas de commentaires! Abbott et Costello feront moins les dégoûtés et bientôt, Doris Day, Danny Kaye et Lucille Ball vont se l’arracher!
Mary s’est fait une spécialité des personnages de grandes bringues volontiers blagueuses mais vite offusquée des plaisanteries des autres ce qui lui permet de tirer des têtes scandalisées qui font hurler le public de rire! Le principe est souvent le même: Mary fait une remarque avec un sous entendu très drôle et probablement grivois à un personnage. le personnage mis en confiance lui répond d’une autre blague à sous entendu. Mary se marre un peu car en fait elle n’ a pas compris, puis comprend enfin et tire une tête outrée devant le pauvre personnage qui ne sait plus où se mettre. La drôlerie de l’ensemble vient du fait que c’est Mary elle-même qui a incité le personnage à sortir de sa réserve polie. Elle a d’ailleurs souvent une autorité quelconque sur ce pauvre bougre ce qui rend sa situation encore plus délicate pour lui!
Son personnage, toujours secondaire varie peu d’un film à l’autre. En ces temps lointains les studios vous collaient une étiquette et s’en débarrasser relevait de l’impossible. Et puis Mary était estampillée second rôle, on ne débloquait pas des budgets sur une tête pareille! On n’avait pas encore inventé Barbra Streisand! Ses rôles sont généralement des sortes de numéros que les scénaristes ont rajouté à des scénarii un peu mièvres afin de faire pétiller à la fois l’actrice et le film comme c’est le cas dans « Mademoiselle Swing » où elle apprend à Michèle Morgan à bien se tenir!
Au milieu des années 50, la télévision étant de plus en plus populaire, Mary Wickes y sera de plus en plus présente. D’abord flanquée de Lucille Ball puis engagée par Disney qui fait d’elle un des personnages majeurs du « Mickey Mouse Club ». En 1966, elle connaît un triomphe personnel aux côtés de Rosalind Russell en religieuses pour « The Trouble with Angels ». Le film marquera les mémoires et inspirera 30 ans plus tard la série des « Sister Act ». La production partant à la recherche des bonnes sœurs survivantes du film de 1966. Bien entendu, Mary Wickes était bel et bien là, fidèle au poste! Elle reprit du service sous cornette et connut deux nouveaux triomphes personnels aux côtés cette fois de Whoopi Goldberg et Maggie Smith.
Devenue un des piliers du spectacle américain, elle passe des shows TV de Doris et Lucille aux planches de Broadway avant de revenir au cinéma, le temps ne semble pas avoir de prise sur Mary Wickes.
Elle était toujours active et venait de terminer « Little Women » avec Winona Ryder lorsque sa santé chancela. Il faut dire qu’elle avait officiellement allègrement dépassé les 80 ans, ce qui forçait l’admiration et était toujours bien trop occupée pour écouter ses signaux d’alertes physiques de plus en plus fréquents.
Mary Wickes souffrait d’un cancer du sein non diagnostiqué lorsqu’elle fut hospitalisée pour des problèmes rénaux. A peine arrivée à l’hôpital, incapable de tenir en place, elle s’était levée de son lit et s’était cassé la hanche! Elle fut emportée par sa maladie qui provoqua une hémorragie fatale quelques jours plus tard.
C’était le 22 Octobre 1995. L’impayable artiste officiellement avait 85 ans, en réalité 79 et venait de terminer « Le Bossu de Notre Dame », un dessin animé Disney où elle prêtait sa voix à une gargouille! Restée célibataire et sans enfants, Mary Wickes avait souhaité reposer auprès de ses chers parents et fut inhumée à leurs côtés dans l’Illinois. Sa voisine de palier , la vétérane Fay Wray fut dévastée de chagrin à la perte de sa fantasque voisine.
L’actrice défunte fut amèrement pleurée par ceux qui l’avaient côtoyée. Avant que l’actrice ne soit incinérée et ne rejoigne l’Illinois, un service funèbre fut organisé à Los Angeles. A la fin de celui-ci lorsque les employés des pompes funèbres reprirent le cercueil, une des poignées céda et on entendit le bruit sourd à l’intérieur du corps bousculé de l’actrice. Un dernier petit gag bien dans son style avant l’ultime tomber de rideau.
Le temps passant n’a pas altéré son souvenir contrairement à d’autres vedettes bien plus célèbres qu’elle en leur temps et l’avènement d’internet l’a faite découvrir à une nouvelle génération de fans. Ne serait-ce que par son personnage de madame Lamont, professeur de ballet classique dans l’épisode « Le Ballet » dans la série « I Love Lucy » tourné en 1952 et qui fait le buzz bien plus d’un demi siècle plus tard!
Mary était une amie très intime de Lucille Ball et de Vivian Vance alias Ethel dans la série » Love Lucy ». Vivian partit en éclaireuse en s’éteignant bien avant ses amies. Elle souffrait d’un cancer du sein qui s’était ensuite attaqué à ses os. Lucille et Mary souhaitant dire adieu à leur amie n’eurent pas le courage de la visiter une dernière fois et y allèrent ensemble. En sortant de chez Vivian, elles repartirent bras dessus bras dessous dans la rue et dès qu’elles eurent tourné le coin elles se mirent à pleurer de désespoir. Mary commenta « On braillait comme deux bœufs désespérés devant un abattoir, je suis sûre que les gens qui nous ont croisées ont cru qu’on tournait un film burlesque«
L’engouement constant autour de son art et sa personne lui valut une étoile posthume sur le « Walk of Fame », posée en 2004. Hollywood lui devait bien ça! Plus d’un demi siècle passé à nous faire rire tout en inspirant à Disney le personnage de Cruella dont elle était bien entendu la voix!
« Mary Wickes est une vraie superstar, car même si personne ne connaît son nom, tout le monde connaît sa tête! » Doris Day.
Doris n’aurait pu mieux dire, car non seulement Mary côtoya durant sa carrière un demi siècle de grandes vedettes de premier plan, depuis Bette Davis, Lucille Ball, Jane Wyman, Glenn Ford, Spencer Tracy, Olivia de Havilland, Rosalind Russell, Doris Day, Shirley MacLaine, Jennifer Jones, Jack Lemmon, Maggie Smith et Roger Moore jusqu’à Susan Sarandon, Jodie Foster, Meryl Streep, Michael Douglas, Whoopi Goldberg, Diane Lane et Claire Danes!
Elle fut une grande et fidèle amie des plus puissantes stars de son époque et il était inconcevable qu’elles ne fassent pas appel à ses services lors de leurs shows télévisés, qu’il s’agisse de Lucille Ball ou Doris Day, les plus fidèles d’entre les fidèles mais aussi de Red Skelton, Dinah Shore, Angela Lansbury, Shirley Temple, Bob Hope, Donna Reed, Debbie Reynolds ou James Stewart!
Je crois sincèrement que personne ne peut dire mieux!
Celine Colassin
QUE VOIR?
1938: Too Much Johnson (court métrage) Avec Joseph Cotten et Orson Welles
1936: Seeing Red (court métrage): Avec Red Skelton
1942: Now Voyager: Avec Bette Davis et Paul Henreid
1942: Who Done It? Avec Bud Abbott et Lou Costello
1942: The Man Who Came to Dinner: Avec Bette Davis, Ann Sheridan et Billie Burke
1943: How’s About It?: Avec les Andrews Sisters
1948: June Bride: Avec Bette Davis et Robert Montgomery
1949: Anna Lucastra: Avec Paulette Goddard
1950: The Petty Girl: Avec Joan Caulfield et Elsa Lanchester
1951: I’ll See You in My Dreams: Avec Doris Day et Patrice Wymore
1951: On Moonlight Bay: Avec Doris Day et Gordon MacRae
1952: The Story of Will Rogers: Avec Will Rogers jr. et Jane Wyman
1952:Young Man with Ideas: Avec Ruth Roman, Denise Darcel et Glenn Ford
1953: By the Light of the Silvery Moon: Avec Doris Day
1953: The Actress: Avec Jran Simmons, Teresa Wright et Spencer Tracy
1954: Destry: Avec Audie Murphy et Mari Blanchard
1954: White Christmas; Avec Vera Ellen, Bing Crosby, Danny Kaye et Rosemary Clooney
1954: Pa et Ma Kettle at Home: Avec Marjorie Main et Percy Kilbride
1955: Good Morning, Miss Dove: Avec Jennifer Jones et Robert Stack
1958: The Proud Rebel: Avec Olivia de Havilland et Alan Ladd
1961: The Sins of Rachel Cade: Avec Angie Dickinson et Roger Moore
1962: The Music Man: Avec Shirley Jones et Robert Preston
1964: Fate is the Hunter: Avec Nancy Kwan et Glenn Ford
1965: How to Murder your Wife: Avec Virna Lisi, Jack Lemmon et Claire Trevor
1966: The Trouble with Angels: Avec Rosalind Russell
1967: The Spirit is Willing: Avec Vera Miles et Cid Caesar
1972: Napoléon and Samantha: Avec Jodie Foster et Michael Douglas
1972: Snowball Express: Avec Nancy Olson et Dean Jones
1978: The Great Brain: Avec Jimmy Osmond
1980: Touched by Love: Avec Diane Lane et Deborah Raffin
1990: Poscards from the Edge: Avec Meryl Streep et Shirley MacLaine
1992: Sister Act: Avec Whoopi Goldberg et Maggie Smith
1993: Sister Act II: Avec Whoopi Goldberg et Maggie Smith
1994: Little Women: Avec Winona Ryder, Susan Sarandon et Claire Danes