J’ai toujours trouvé à la ravissante Mala Powers, dont l’étrange prénom est le diminutif de Mary Ellen, son prénom de baptême, de faux airs à la fois de Deanna Durbin et de Susan Hayward!
Cette charmante demoiselle vient au monde à San Francisco le 20 Décembre 1931 sous le patronyme comme on l’a vu, de Mary Ellen Powers. Ses parents sont des intellectuels fortunés. Son père est journaliste et c’est à la faveur du travail ce dernier que la famille Powers quittera San Francisco pour la mégapole voisine de Los Angeles. Monsieur Powers va prendre en mains les destinées de la United Press.
Mary Ellen que tout le monde a rebaptisée « Mala » depuis sa naissance débarque donc à l’âge de 8 ans, nous sommes l’été 1940; dans cette nouvelle ville où elle ne connaît strictement personne et qui de plus est au début des vacances. Elle s’y ennuie donc fermement et s’inscrit pour passer le temps à un stage de théâtre « junior » organisé par l’école Max Reinhardt. Elle avouera plus tard: « Tous les stages d’équitation étaient complets! ». Mais si elle y vint par hasard et par désœuvrement, elle en sortit complètement éblouie et sûre d’avoir trouvé sa voie! Prise d’une véritable passion pour le travail d’actrice, encore grisée des applaudissements qui avaient salué sa prestation au spectacle de fin de stage, elle va suivre tous les stages possibles et participer à toutes les auditions pour acteurs teenagers.
C’est comme cela qu’elle fit ses débuts à 11 ans dans « Tough as They Come » dans l’ombre d’Helen Parrish. Des débuts très fugaces qui ne la firent remarquer par personne mais qui suffirent largement à la convaincre de sa vocation. Mais à la convaincre aussi que pour être une actrice valable, la bonne volonté ne suffit pas. Mala Powers se mit à travailler avec acharnement, et si dès 1947, à l’âge de 16 ans, elle travaillait régulièrement à la radio, il faudra attendre 1950 pour la revoir à l’écran. Et bien malin qui reconnaîtrait dans cette jeune beauté 1950, la petite gamine débutante timide de 1942!
C’est l’actrice Ida Lupino qui la désignera et lui offrira d’emblée un premier rôle dans le film qu’elle met en scène « Outrage ». Mala apprendra plus tard qu’Ida l’avait prise comme pis-aller car son actrice préférée Sally Forrest étant empêchée, avait dû décliner le rôle. Le film ne connut pas de réel succès malgré son titre accrocheur. Dans l’Amérique des années 50, une femme réalisatrice était encore quelque chose d’incongru, et que cette femme soit Ida Lupino, la « Bette Davis de secours » de la Warner, faisait passer son travail à la mise en scène comme une sorte de caprice un peu ridicule d’actrice voulant se faire remarquer!
Sans doute Mala Powers était-elle née sous une bonne étoile, car dans la foulée elle fut choisie par le producteur Stanley Kramer pour être la Roxane de son « Cyrano de Bergerac ». Un choix qui n’alla pas de soi. Kramer fit « tester » cent comédiennes et Mala resta son deuxième choix. Heureusement pour elle, l’heureuse élue était sous contrat dans un autre studio qui voulait négocier à son compte la vente des droits du film à la télévision. Mala obtint donc le rôle et déclara « C’est le rôle de ma vie! J’ai toujours adoré le rôle de Roxanne et celui de Portia dans « Le Marchand de Venise ». Mais il est hors de question que je devienne blonde! Roxanne sera brune! Il faut un début à tout! » Le succès du film rejaillit sur la charmante Mala qui se vit nommée aux Golden Globes 1951 en qualité de jeune actrice la plus prometteuse pour son rôle de très brune Roxanne!
Tout sourit donc à la charmante Mala. Mais l’enchantement des débuts ne va guère durer. En 1951 alors qu’elle participe à une tournée des spectacles aux armées qui la mène en Corée, à la suite d’une banale écorchure, Mala contracte une infection du sang qui manque de lui être fatale. Rapatriée dans un état jugé catastrophique, un seul produit peut venir à bout de l’infection fatale: la Chloromycétine. Le produit est encore à l’essai. Si ses résultats en laboratoires sont inespérés, on ignore encore que cet antibiotique ultra puissant à spectre large qui peut venir à bout de toutes les pires infections, peut également venir à bout de la moelle osseuse du patient. C’est ce qui arriva à la pauvre Mala Powers qui faillit être emportée par le traitement après avoir failli être emportée par la maladie.
Mala Powers survécut pourtant.
Et comme c’est souvent le cas en pareilles circonstances, d’avoir piétiné si longtemps aux portes de la mort lui donna une inextinguible soif de vivre et une énergie décuplée pour profiter pleinement de son existence. Mala guérit, se maria, avec Monte Vanton en 1954 et dont elle aura un fils, Toren.
A peine remise sur pieds elle eut un autre accident spectaculaire: Alors qu’elle tournait dans le désert californien un de ses innombrables westerns, elle disparut soudain aux yeux de ses partenaires! Le sol s’était dérobé sous ses pas et elle faisait une chute de huit mètres au fond d’un vieux puit de mine désaffecté. Heureusement que Mala disposait d’un Tarzan sur place en la personne de Lex Barker qui descendit la chercher au fond du trou!
Malheureusement, à Hollywood les choses vont vite et les assurances des studios ne tiennent pas trop à couvrir des miraculées quelconques. Mala Powers tournera encore, certes et même beaucoup, mais ne trouvera plus jamais de rôles aussi jolis que celui de Roxane. On la verra plus souvent qu’à son tour dans de bons costauds westerns de série B, sans surprises ni intérêt. L’actrice n’en a cure. La vanité ne fait plus partie de son monde. D’autant que la télévision la sollicite presque avec acharnement et la belle histoire d’amour entre Mala Powers et le petit écran durera « A la vie à la mort ».
Remariée en 1970 à l’éditeur Hugues Miller qui la laissera veuve en 1989, Mala en profita pour écrire de nombreux contes pour enfants qui lui apportèrent de nouvelles joies comme une nouvelle notoriété. Mala Powers avait une autre grande et belle passion qui la dévorait littéralement: l’oeuvre d’Anton Tchekhov. Elle créera une fondation pour garantir la pérennité de son oeuvre, finira par devenir une intime des descendants de l’auteur et héritera de certains de ses écrits et de ses travaux, notamment sur le travail de l’acteur.
Lorsqu’elle produira un documentaire consacré à Tchekhov, elle sollicitera son ami Gregory Peck pour la voix off.
Cette femme heureuse, forte, passionnée, belle et comblée au delà de toutes ses espérances fut néanmoins vaincue le 11 Juin 2007 par une leucémie qui était sans doute une lugubre prolongation de la « malédiction coréenne ».
Mala Powers avait 75 ans, elle avait tourné jusqu’en 2005 et s’était montrée devenue une vieille dame pleine de charme et d’élégance.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1942: Tough As They Come: Avec Helen Parrish et Billy Halop.
1950: Outrage.
1950: Cyrano: Avec José Ferrer
1952: Rose of Cimarron: Avec Bill Williams.
1955: Rage at Dawn: Avec Randolph Scott
1955: Bengazi: Avec Richard Conte et Victor MacLaglen
1957: The Storm Rider: Avec Scott Brady
1957: The Unknown Terror: Avec John Howard.
1957: Tammy and the Bachelor: Avec Debbie Reynolds
1957: Man of the Prowl: Avec James Best
1958: Sierra Baron: Avec Rita Gam et Brian Keith
1961: Fear No More: Avec Jacques Bergerac
1968: Rogue’s Gallery: Avec Farley Granger, Brian Donlevy et Jackie Coogan
1972: Doomsday Machine: Avec Bobby Van et Ruta Lee
2002: Hitters: Avec Frank Stallone