madeleine barbulee

Bon nombre de cinéphiles conviendront sans trop de difficultés que la grand’mère la plus symbolique du cinéma français restera à jamais Denise Grey. Normal, persiflait Arletty « Elle joue les vieilles depuis ses 25 ans c’est le physique qui veut ca! » Mais faut-il pour autant faire l’impasse sur la sensationnelle Madeleine Barbulée qui occupa le même emploi que Denise Grey. Un emploi où tout les réunissait et où tout les opposait. Car si Denise eut toujours le verbe haut et le geste plein d’emphase aimant tenir la dragée haute au reste de la distribution, Madeleine est son exact contraire. Ses personnages sont naïfs et délicats ce que Denise n’est jamais. Vite effarouchés, facilement scandalisés ce que Denise est encore moins!

Madeleine va durant plus de 60 ans de carrière tenter de « tenir l’église au milieu du village » en essayant de ne froisser personne et ne pas faire de vagues. Petite souris grise se faufilant dans les intrigues comme dans un trou de fromage. Inquiète, apeurée, terrorisée et…hilarante!

Un de ses meilleurs personnages, à mes yeux en tout cas, est celui de la gouvernante de la capricieuse Martine Carol dans « Caroline Chérie ». Nous sommes au début du film. C’est le 14 Juillet 1789 et accessoirement l’anniversaire de Caroline. Celle-ci peste car sous prétexte de son anniversaire on espère bien caser sa sœur alias « le pruneau » avec un quelconque prétendant pourvu qu’il soit fortuné.  Et donc Martine tape du pied « Sous prétexte que c’est mon anniversaire, c’est au pruneau qu’on offre une nouvelle robe! »

Et la pauvre Madeleine sert d’intermédiaire entre le père de Caroline lassé de ses criailleries et Martine que l’on empêche d’entrer au salon où le pruneau essaie sa robe.

Le père « Qu’elle cesse ce tapage immédiatement ou je ne réponds plus de rien! »

Madeleine « Oh! »

Le Père: « Allez le lui dire! »

Madeleine : »Oh! »

Le Père « Et bien, allez! »

Madeleine: « Vous entendez, mademoiselle Caroline, monsieur votre père est très mécontent! »

Caroline « Je m’en fiche! »

Madeleine « Oh! »

Caroline: Puisque c’est comme ca je n’y viendrai pas à ma fête d’anniversaire!

Madeleine: « Oh! »

De ce dialogue en soi parfaitement idiot, Madeleine fait un petit régal de comédie, presque un film dans le film. Son génie tient au fait qu’elle prend tout absolument tout au premier degré. Quand le père menace de mettre sa fille au couvent, et puis non, à la Bastille! » Elle fait encore  »Oh!’ absolument terrifiée comme si la mise à exécution de la menace ne faisait aucun doute. Alors que la propre mère de Caroline Chérie, présente durant toute la scène n’a même rien entendu, absorbée par les essayages du pruneau!

madeleine barbulée

Dans Caroline Chérie elle était donc la gouvernante dépassée par l’espièglerie juvénile de Martine Carol. Aussitôt fait, elle devient une infirmière dévouée au docteur Knock alias Louis Jouvet.

Elle est l’infirmière de la croix rouge qui prend en mains la petite Brigitte Fossey à la fin de « Jeux Interdits ». Elle est une amie de la très évaporée « Madame DE » mais aussi une cliente de la « Maison Raquin ». Après avoir cancané sur Michèle Morgan dans « Les Grandes Manœuvres », elle est à sa cour lorsque celle-ci coiffe la perruque de Marie-Antoinette. Elle est la mère de Brigitte Bardot dans « En Effeuillant la Marguerite ». Quand elle sera devenue Bordenave, la secrétaire fidèle de Gabin dans « En Cas de Malheur » elle se retrouvera face à une Brigitte nue comme un ver! Elle achète sa viande dans « Maigret tend un piège » puis retrouve Gabin dans « Les Misérables » où cette fois elle porte la cornette. Dans « Quand la Femme s’en mêle » elle est la pâtissière qui voit Alain Delon allonger deux gangsters sur le trottoir puis venir finir sa glace à la framboise comme si de rien n’était avec Sophie Daumier.

En fait, Madeleine Barbulée est partout et même si ce n’est que pour une scène, voire une ligne, un mot, qu’importe! Elle travaillera la scène et la réplique jusqu’à en faire un bijou digne des plus grands soirs de la comédie française.

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Marie-Madeleine Barbulée naît à Nancy le 2 Septembre 1910. Deux ans plus tard c’est sa petite sœur Janine qui vient au monde.

La famille Barbulée est fort convenablement installée mais l’enfance des deux fillettes n’est pas forcément drôle tous les jours. Papa est un militaire qui ne badine pas avec la discipline.  Maman une sainte femme qui ne badine ni avec la religion ni avec les bonnes manières. Et sa chère maman qui l’inspirera plus tard beaucoup pour ses rôles de vielles demoiselles effarouchées d’un rien va être bien involontairement le déclencheur de cette vocation satanique aux yeux d’une sainte famille: la vocation du théâtre.

La mère de Madeleine adore le théâtre et lorsque sa fille voudra en faire en amateur, elle ne trouvera rien à redire puisque les bénéfices doivent servir à la réfaction de l’église. Prise au jeu, Madeleine aura la permission de s’adonner à sa passion à condition que ses études ne s’en ressentent pas. Inutile de dire qu’elles seront on ne peut plus brillantes!

Elle sera ensuite reçue au conservatoire de Nancy d’où elle sortira avec un premier prix de comédie et de diction puis travaillera avec la troupe des « Comédiens-Routiers » alors très renommée. Outre son excellente réputation, la troupe est aussi une excellente école. Si pas de la vie, au moins du métier. Tout le monde y prête la main à tout. Bientôt, l’encollage des décors, le maquillage, la coiffure, le costume et la vente des billets n’auront plus de secrets pour Madeleine. Elle saura tout faire et tout jouer.

Elle s’est également découvert une autre passion, celle du théâtre pour enfants. Elle s’y consacrera toute sa vie en parallèle de sa carrière de comédienne « pour adultes ». Elle écrira des pièces, les mettra en scène, adaptera pour le théâtre des contes pour enfants, faisant au passage découvrir aux petits français ce qui restera son éléphant de bataille: Babar.

Madeleine qui avait grandi au bruit du canon puisqu’elle avait fraîchement fêté ses huit ans à l’armistice de 1918 voit le monde s’embraser à nouveau. Elle passe en zone libre et jouera durant toute l’occupation. Ce qui ne l’empêche pas de s’offrir quelques émotions fortes en faisant la liaison entre différents maquis!

Après la guerre, sa réputation de grande dame du théâtre n’est plus à faire et elle sert les plus grands auteurs. Par contre, au cinéma où elle ne paraît qu’à 38 ans bien sonnés et se vieillissant d’emblée de 20 ans elle va faire un autre choix de carrière. Les grands films destinés à devenir des classiques du septième art sont peu nombreux dans sa filmographie. Elle préfère nettement miser sur des films qui ont toutes les chances de drainer un public le plus large possible. On la retrouve donc plus souvent qu’à son tour dans un cinéma de série B, donnant avec un plaisir évident la réplique à Jean Tissier ou Louis de Funès. Les films de prestige où elle paraît sont eux aussi destinés d’abord et avant tout à remplir les caisses. Madeleine Barbulée tourne avec Martine Carol, Jean Gabin, Danielle Darrieux, Brigitte Bardot, Michèle Morgan, Gérard Philipe, lequel lui voue d’ailleurs un véritable culte. Ceci pour ne citer que les valeurs les plus sûres et les plus récurrentes parmi ses partenaires même s’il convient d’y ajouter à peut près tout l’annuaire du cinéma français des années 50 et 60.

Et avec l’avènement de cette nouvelle décennie, Madeleine Barbulée va littéralement déferler sur le petit écran en plus du grand et de toutes les scènes de France.

De sa vie privée on ne sait rien ou si peu. A-elle eu le temps d’en avoir une?

On sait qu’elle vit avec sa sœur et sa mère à Paris. Que sa sœur Janine est une pianiste virtuose qui sera renommée en son temps comme la plus grande spécialiste des œuvres de Sébastien Bach.

Madeleine Barbulée qui n’avait jamais souhaité être la première en rien fera une exception à sa règle de conduite. Elle est la première comédienne française à décéder au XXIème siècle puisqu’elle s’éteint le 1 Janvier 2001 à l’âge de 90 ans.

Elle repose avec sa mère et sa sœur Janine dans un petit village du Calvados qu’elle aimait et où elle avait ses habitudes. Elle en avait même fait réhabiliter la petite église de ses propres deniers. Jolie fidélité à la petite fille de Nancy.

Celine Colassin

madeleine barbulée

QUE VOIR?

1948: Métier de Fous: Avec Gaby Sylvia et Lisette Lanvin

1948: Les Casse-Pieds: Avec Noël-Noël, Bernard Blier et Jean Tissier

1949: La Cage aux Filles: Avec Danièle Delorme et Suzanne Flon

1949: Pattes Blanches: Avec Suzy Delair et Fernand Ledoux

1949: Millionnaires d’un Jour: Avec Gaby Morlay et Ginette Leclerc

1949: Retour à la Vie: Avec Cécile Didier et Serge Reggiani

1950: Rome Express: Avec Hélène Perdrière, Denise Grey et Philippe Clay

1950: Prélude à la Gloire: Avec Jean Debucourt et Louise Conte

1950: Méfiez-Vous des Blondes: Avec Martine Carol et Claude Farrell

1950: Le Tampon du Capiston: Avec Pauline Carton et Jean Tissier

1950: Le gang des tractions arrière: Avec Jules Berry

1951: Le Voyage en Amérique: Avec Yvonne Printemps et Pierre Fresnay

1951: L’étrange Madame X: Avec Michèle Morgan et Henri Vidal

1951: Caroline Chérie: Avec Martine Carol

1951: Knock avec Louis Jouvet

1951: La plus belle fille du monde: Avec Françoise Arnoul et Nadine Alari

1952: La Jeune Folle: Avec Danièle Delorme et Henri Vidal

1952: Les Belles de Nuit: Avec Gérard Philipe

1952: Les Sept péchés Capitaux: Avec Jacqueline Plessis et Noël-Noël

1952: Jeux Interdits: Avec Brigitte Fossey

1952: Monsieur Taxi: Avec Michel Simon

1952: L’Enquête est Ouverte (Ouvert contre X) Avec Elina Labourdette et Marthe Mercadier

1952: Mon Mari est Merveilleux: Avec Sophie Desmarets et Elina Labourdette

1952: Agence Matrimoniale: Avec Yolande Laffon et Bernard Blier

1953: Madame De…: Avec Danielle Darrieux

1953: Thérèse Raquin: Avec Simone Signoret et Sylvie.

1954: Papa, Maman, la Bonne et Moi: Avec Gaby Morlay et Robert Lamoureux

1954: Zoé: Avec Barbara Laage et Michel Auclair

1955: Casse-cou, Mademoiselle! Avec Marthe Mercadier et Raymond Buissières

1955: Papa, Maman, Ma Femme et Moi: Avec Fernand Ledoux

1955: Frou-Frou: Avec Dany Robin et Louis de Funès

1955: Les Grandes Manœuvres: Avec Michèle Morgan et Jacqueline Maillan

1955: Les Carnets du Major Thompson: Avec Martine Carol et Noël-Noël

1955: Treize à Table: Avec Micheline Presle et Fernand Gravey

1955: Les Aristocrates: Avec Brigitte Auber et Pierre Fresnay

1956: La Bande à Papa: Avec Fernand Raynaud et Noël Roquevert

1956: Mannequins de Paris: Avec Madeleine Robinson et Ivan Desny

1956: Marie-Antoinette, Reine de France: Avec Michèle Morgan et Jacques Morel

1956: En Effeuillant la Marguerite: Avec Brigitte Bardot et Jacques Dumesnil

1956: Notre Dame de Paris: Avec Gina Lollobrigida et Anthony Quinn

1956: Je Reviendrai à Kandara: Avec Bella Darvi et Daniel Gélin

1957: C’est une Fille de Paname: Avec Danielle Godet, Lise Bourdin et Philippe Lemaire

1957: Les Collégiennes: Avec Gaby Morlay

1957: Sénéchal le Magnifique: Avec Fernandel et Nadia Gray

1957: Quand la Femme s’en Mêle: Avec Sophie Daumier et Alain Delon

1958: Maigret tend un Piège: Avec Jean Gabin et Paulette Dubost

1958: Les Misérables: Avec Jean Gabin

1958: En Cas de Malheur: Avec Jean Gabin et Brigitte Bardot

1958: Ni Vu ni Connu: Avec Louis de Funès et Noëlle Adam

1959: La Bête à L’Affût: Avec Françoise Arnoul, Gaby Sylvia, Henri Vidal et Michel Piccoli

1959: Guinguette: Avec Zizi Jeanmaire et Jean-Claude Pascal

1959: Détournement de Mineures: Avec Frank Villard

1959: Soupe au lait: Avec Geneviève Kervine et Jean Bretonnière

1960: Meurtre en 45 Tours: Avec Danielle Darrieux

1960: La Brune que Voilà: Avec Michèle Mercier, Françoise Fabian et Robert Lamoureux

1962: Un Chien dans un Jeu de Quilles: Avec Elke Sommer, Sophie Daumier et Christian Marquand

1962: Les Mystères de Paris: Avec Dany Robin et Jean Marais

1965: Cent Briques et des Tuiles: Avec Marie Laforêt, Sophie Daumier et Jean-Claude Brialy

1967: Le Dimanche de la Vie: Avec Danielle Darrieux

1970: La Maison des Bories: Avec Marie Dubois et Mathieu Carrière

1973: L’Evènement le Plus Important Depuis que l’Homme a Marché sur la Lune: Avec Catherine Deneuve

1974: Le cri du coeur: Avec Stéphane Audran, Delphine Seyrig et Maurice Ronet.

1975: L’Incorrigible: Avec Jean-Paul Belmondo

1980: L’Avare: Avec Louis de Funès et Claude Gensac

1980: Les Séducteurs: Avec Robert Webber

1983: Banzaï: Avec Coluche et Valérie Mairesse

1983: Vous habitez chez vos parents? Avec Michel Galabru et Claire Maurier

1984: La 7ème Cible: Avec Lino Ventura

1990: La Messe en SI Mineur: Avec Margaux Hemingway et Stéphane Audran

1993: Roulez Jeunesse: Avec Blanchette Brunoy et Daniel Gélin

 

 

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