C’est un véritable plaisir pour moi, que dis-je? Un régal, que de pouvoir rétablir la vérité sur une actrice de l’âge d’or d’Hollywood! Une actrice certes bien oubliée, puisque la belle Louise Henry choisit de son propre chef de ne pas renouveler son contrat hollywoodien en 1939 et tira un trait net et définitif sur ses heures de gloire filmée. Mais est-ce une raison pour s’obstiner partout sur le web à la faire disparaître dès ses 55 ans en 1967?
Alors que Louise n’en déplaise, souffla ses cent bougies avant de s’éteindre paisiblement dans son sommeil!
Jessie Louise Hieman naît à Syracuse dans l’état de New-York le 14 Juin 1911. C’est toujours à Syracuse que grandit Jessie. Mais après le crash de 1929 la situation ne va cesser de s’empirer et en 1933 la jeune femme comme le reste de sa famille est sans ressources. C’est alors qu’elle va tenter le tout pour le tout et avec son dernier argent gagner la Californie ou plus exactement Hollywood. Devenir une actrice de cinéma lui semble être le seul espoir pour se sauver de la misère et peut-être même en sauver les siens.
Evidemment on imagine bien que le Hollywood des années 30 n’attend pas après Louise Henry, aussi magnifique soit-elle pour tourner des films! Jamais le cinéma n’a été aussi prolifique et aussi prestigieux et il débarque à Hollywood chaque jour et par tonnes les plus belles filles du monde. C’est donc déjà un petit miracle en soi que la jolie blonde de Syracuse ait décroché un contrat à la MGM.
Et il va y avoir un second miracle. Parce qu’elle est simple, douce, drôle et gentille, Louise va se lier d’amitié avec Maureen O’Sullivan qui la prend sous son aile et lui donne même des cours d’art dramatique privés, bénévoles et amicaux. Maureen lui apprend tout! A se tenir, marcher, sourire, ne pas laisser transparaître son trac ou sa nervosité, bref à être une star! Et la chance de Louise ne s’arrête pas là! Elle rencontre Joan Crawford qui sait se montrer on ne peut plus charmante et bonne camarade dans le travail. Joan qui elle s’atèle à lui apprendre à parler la voix bien placée. En quelques mois, grâce à ses amies dont Constance Bennett vient grossir les rangs, Louise devient une actrice accomplie et peut briller dans le moindre plan, dire magnifiquement la phrase la plus banale.
Elle débute dans un rôle minuscule dans « Paris-Interlude » en 1934 entre Madge Evans et Robert Young.
Encore une fois sa simplicité et sa camaraderie font mouche! Bientôt Robert Montgomery va la recommander à tous ses metteurs en scène et à la cantine on la voit déjeuner avec Jean Harlow, Clark Gable ou…on ne la voit pas parce qu’elle déjeune avec Greta Garbo dans la discrétion de sa loge de divine. On sait qu’à la MGM, la direction se réunissait quatre fois par an pour décider si oui ou non on prolongeait les contrats « court terme ». Louise fut chaque fois reconduite pour une nouvelle période même si elle n’avait rien tourné de palpitant durant la période précédente. Elle s’en demanda souvent la raison. Elle était peut-être bien simple. Les plus grandes stars du studio n’auraient pas permis qu’on chasse leur amie. Et quitte, dès lors, à ce qu’on la fourgue au fin fond d’un générique « Charlie Chan ».
Louise était donc une actrice et une femme heureuse, adorant la MGM comme s’il s’agissait d’une authentique succursale du paradis. Un petit paradis dont elle était devenue un ange puisque Adrian, le styliste que tout le monde s’arrachait avouait adorer l’habiller!
Mais Louise était une jeune femme restée très proche de son église qui ne manqua jamais la messe du dimanche matin. Et puis elle ne perdit jamais de vue malgré la griserie du moment les raisons qui l’avaient amenée à Hollywood: fuir la misère. On ne vit jamais Louise Henry chez les joailliers, les fourreurs ou chez Cadillac. L’actrice économisa le moindre centime gagné. Ne plus craindre les lendemains était bien plus précieux pour elle que tous les bijoux de Paulette Goddard réunis!
En 1939, à la stupéfaction générale, elle ne renouvela pas son contrat. Sa fortune était faite, le monde entrait en guerre, elle rentrait chez elle à Syracuse. Elle s’offrit un sublime appartement dans le quartier le plus chic de la ville. Son seul luxe dans sa vie. Elle le choisit suffisamment vaste pour y savourer de nombreux moments entre amis ou en famille bien qu’elle ne se mariât jamais et n’eut jamais d’enfants. Il fallait également qu’il fût suffisamment spacieux pour qu’elle puisse y accueillir ses élèves car dès 1941 elle devint professeur d’art dramatique!
Les cours de Louise Henry seront aussi suivis que réputés car elle dispensait l’enseignement qu’elle-même avait reçu des plus inoubliables stars de l’histoire du film. C’était donc un enseignement pratique. Un enseignement efficace qui apprenait aux aspirants comédiens les bases de leur métier sans se soucier des états d’âme de Corneille quand il avait écrit « Le Cid ». Là n’était pas son propos.
Le temps passant, Louise Henry avait vu se désacraliser le cinéma. Plus de glamour, plus de stars divines plus de robes d’Adrian et finalement plus de MGM.
La mort ensuite la priva peu à peu de sa famille et de ses amis de Syracuse. C’est avec un chagrin inouï qu’elle apprenait les décès de ceux qui avaient été ses merveilleux amis d’Hollywood et qui lui manquaient si cruellement bien qu’elle ait gardé le contact avec tous. Ils s’appelaient Joan Crawford, Greta Garbo, Clark Gable, James Stewart (dont elle fut la première partenaire), Constance Bennett, Maureen O »Sullivan, Robert Young et Robert Montgomery.
Louise Henry ne devint jamais une vielle dame solitaire et acrimonieuse ressassant une gloire oubliée.
Avisée économe restée très à l’abri du besoin dans son magnifique appartement, elle avait fêté ses 100 ans avec le couple de compagnie qui veillait à ses soins et qu’elle considérait comme sa véritable famille, la seule qui lui restât désormais. Nullement recluse elle donnait volontiers des interviews au téléphone et répondait avec une voix signée Crawford à jamais. Difficile à l’entendre d’imaginer une vieille dame au bout du fil. On croyait avoir affaire à la blonde sublime qu’elle avait été durant ses années MGM et tous ceux qui l’appelèrent finirent par raccrocher à contre cœur, devenus un peu amoureux de son image éternelle.
Le lundi 12 Décembre 2011, Louise Henri ne se réveilla pas, elle avait doucement glissé dans son sommeil vers le royaume des ombres éternelles. Elle avait 100 ans et six mois, près du double de l’âge qu’on veut bien lui concéder sur le net!
Celine Colassin
QUE VOIR?
1934: Paris Interlude: Avec Madge Evans et Robert Young
1934: Hide-Out: Avec Maureen O ‘Sullivan et Robert Montgomery
1934:Forsaking All Others: Avec Joan Crawford, Clark Gable et Robert Montgomery
1935: Calm Yourself: Avec Madge Evans et Robert Young
1935: The Casino Murder Case: Avec Alison Skipworth et Paul Lukas
1935: Society Director: Avec Virginia Bruce, Robert Taylor et Chester Morris
1935: One New-York Night: Avec Una Merkel , Franchot Tone et Conrad Nagel
1935: Reckless: Avec Jean Harlow, William Powell et Franchot Tone
1935: No More Ladies: Avec Joan Crawford et Robert Montgomery
1935: Remember Last Night? Avec Constance Cummings et Robert Young
1936: End of the Trail: Avec Jack Holt
1937: Three Goes the Groom: Avec Ann Sothern et Burgess Meredith
1937: The Hit Parade: Avec Frances Langford
1937: Charlie Chan on Broadway: Avec Warner Oland et Joan Marsh
1939: Charlie Chan in Reno: Avec Sidney Toler et Phyllis Brooks
1939: The Gaunt Stranger: Avec Sonnie Hale, Patricia Roc et Wilfrid Lawson