Bien qu’elle soit, comme chacun sait, norvégienne, c’est à Tokyo que Liv Johanne Ullmann vient au monde le 16 Décembre 1938. Son père Viggo, ingénieur en aéronautique est alors en poste au Japon. Les choses allant bientôt se gâter et le Japon devenir l’ennemi. La famille Ullmann quittera le Japon pour le Canada alors que la petite Liv n’a que deux ans. La famille s’installe à Toronto.
Malheureusement, le malheur va frapper. Viggo Ullmann souffre d’une tumeur au cerveau, il décède en 1944 laissant son épouse et sa fille dans un désarroi complet. Janna, la mère de Liv va trouver refuge dans la religion et la prière. La mère et la fille ont une relation fusionnelle, Liv suit le même chemin et il n’est pas tout à fait surréaliste de l’imaginer dans une carrière religieuse si elle n’avait pas été tellement tiraillée par l’amour du théâtre.
Son travail d’actrice se lit d’ailleurs mieux lorsque l’on connaît la religiosité extrême de Liv Ullmann. Elle est inenvisageable en Sally Bowles dans « Cabaret », elle n’excelle que dans la soumission passive et l’introspection de longue haleine. Pas de maquillage, des lunettes hideuses, les cheveux tressés et un châle tricoté, tel est le personnage de Liv Ullmann. Elle a autant l’usage d’une rivière de diamants, d’une Cadillac rose ou d’une étole de renard blanc que du mode d’emploi d’un satellite chinois!
A 17 ans; Liv a donc l’autorisation de quitter la Norvège où sa mère est revenue s’installer à son veuvage, pour aller étudier l’art dramatique à Londres. Un jour de pluie battante où elle attend désespérément un bus avec une amie de son âge, un automobiliste s’arrête et propose de les déposer. Les deux oies blanches montent à l’arrière de la voiture et se rendent compte qu’elles sont séparées du conducteur par une vitre, que les portières ne s’ouvrent pas de l’intérieur et que l’homme roule à vive allure sans leur avoir même demandé où elles allaient.
Liv Ullmann a cette réaction tout à fait inattendue après avoir tambouriné en vain à la vitre: Elle s’agenouille dans la voiture et prie, persuadée que c’est la seule réaction intelligente à un enlèvement. Lorsque leur ravisseur entrouvre la vitre pour leur demander leur âge, elle ment en répondant « 13 et 14 ans ». Le ravisseur stoppe la voiture, les débarque au milieu de rien et leur dit en guise d’explication « J’espère que ca vous servira de leçon! » Et Liv de rentrer à sa chambrette absolument ravie d’avoir vu ses prières exaucées!
Rentrée au pays ses études terminées, Liv Ullmann va débuter au théâtre. Après un joli succès personnel dans « Maison de Poupée », elle fait ses premiers pas à l’écran, dans la figuration, en 1957 dans un film norvégien: Fjols til fjells. Pour un véritable rôle il faudra attendre 1959, pour le succès 1962. Et pour la renommée il faudra attendre 1966, année où Liv Ullmann rejoint le bataillon des égéries d’Ingmar Bergman.
Ingmar Bergman est considéré comme une sorte de dieu moderne qui aurait tout compris au théâtre au cinéma et à l’humain Il fait partie du cercle très fermés des « petits génies » entouré de muses avec Michelangelo Antonioni, Federico Fellini et Jean-Luc Godard. Souvent incompris du grand public ces messieurs trouvent toujours des producteurs et des banquiers en quête de prestige pour financer leurs prochaines œuvres où le monde sera enfin expliqué aux mécréants béats. Parfois certains films toucheront leur cible dans le sens où le public se déplacera pour les voir et le cinéma est d’abord et avant tout une entreprise commerciale.
Estampillée « Muse de grand cinéaste suédois plutôt hermétique », Liv Ullmann sera le servante d’Ingmar Bergman à l’écran de nombreuses fois même s’il convient de préciser qu’il s’agira toujours là d’un honneur partagée avec d’autres actrices telles que Bibi Andersson ou Ingrid Thulin. Bergman ayant d’ailleurs déclaré que la seule chose qui l’avait d’abord intéressé chez Liv Ullmann était sa ressemblance avec Bibi Andersson! Les actrices bergmaniennes sont nombreuse et aucune d’entre elle ne réussira à se défaire de l’étiquette pour mener une carrière véritablement populaire malgré un évident prestige. L’image de Liv Ullmann est tenace et malheureusement elle ne s’en éloigne jamais très loin lorsqu’elle se soumet à d’autres metteurs en scène.
Sa plus mémorable prestation sous la houlette de Bergman sera le rôle de la fille d’Ingrid Bergman dans « Sonate d’Automne ». Mais si le public, exceptionnellement, se précipita pour voir le film c’était bien entendu la sensationnelle Ingrid Bergman que l’on venait admirer dans ce qui serait hélas sa dernière apparition au cinéma.
Liv Ullmann et son mentor formeront durant plusieurs années un couple à la ville, une relation amoureuse qui portera ses fruits en la personne de leur fille Linn Ullmann qui naît en Suède le 9 Août 1966. Que sa carrière ne soit en aucun cas une carrière commerciale ne semble avoir aucune incidence sur Liv Ullmann qui mènera toujours sa barque fidèle à sa ligne de conduite. Lorsqu’elle passera à la mise en scène, ce sera essentiellement pour porter à l’écran…Des scénarii d’Ingmar Bergman!
Toujours passionnée par le théâtre qui reste, bien avant le cinéma sa grande passion , elle connaîtra l’échec en tentant la comédie musicale à Broadway, genre où, il est vrai, elle était fort peu attendue. Quant au cinéma, malgré la faiblesse de certaines recettes, elle y sera toujours considérée et respectée comme une très grande actrice. Elle sera nommée deux fois aux Oscars, respectivement pour « Les Émigrants » en 1973 et « Face à Face » en 1977. Elle sera évincée successivement par Liza Minnelli pour « Cabaret » et par Faye Dunaway pour « Network ». S’en attrista-elle? Je ne pense pas car qu’était-ce au fond que deux Oscars dans sa quarantaine de nominations et grands prix en tout genre? D4ailleurs, à l’heure de sa nomination pour « Face à face » elle préférait parler de son film suivant « L’œuf du serpent » dont elle attendait beaucoup et de son autobiographie dont elle était très fière « Changements ». « J’y dis toute la vérité: Je suis une mère célibataire qui travaille pour vivre et qui est célibataire par choix car elle est toujours perdante en amour. Alors pourquoi insister et ne pas passer à autre chose?«
En 2007, Liv Ullmann perdait son mentor. Ingmar Bergman disparaissant au cœur de l’été suédois à 87 ans. C’est Linn Ullmann qui viendra recevoir un prix posthume pour son père, présentée par Liv au public comme « La Personne qu’Ingmar Bergman a le plus aimée dans sa vie » Ce qui est très sympathique pour les huit autres enfants du cinéaste!
Celine Colassin
QUE VOIR?
1957: Fjols til fjells: Avec Unni Bernhoft
1959: Ung Flukt: Avec Atle Merton
1962: Tonny: Avec Per Christensen
1966: Persona (D’Ingmar Bergman) Avec Bibi Andersson et Margaretha Krook
1968:L’Heure du Loup (D’Ingmar Bergman) avec Max von Sydow
1968: La Honte (D’Ingmar Bergman) Avec Max von Sydow
1969: Une Passion (D’Ingmar Bergman) Avec Max von Sydow et Bibi Andersson
1971: Les Emigrants: Avec Max von Sydow
1972: Cris et Chuchotements (D’Ingmar Bergman) : Avec Harriet Andersson et Ingrid Thulin
1972: Jeanne, Papesse du Diable: Avec Franco Nero et Jeremy Kemp
1973: 40 Carats: Avec Gene Kelly
1973: Horizons Perdus: Avec Peter Finch
1974: The Abdication: Avec Peter Finch
1977: L’Œuf du Serpent (D’Ingmar Bergman): Avec David Carradine
1977: A Bridge too Far: Avec Sean Connery et Ryan O’Neal
1978: Sonate d’Automne (D’Ingmar Bergman): Avec Ingrid Bergman
1984: La Diagonale du Fou: Avec Michel Piccoli
1985: King Kong Faust (Apparition) Avec Gisela Weilemann
1986: Speriamo che sia femmina: Avec Catherine Deneuve, Philippe Noiret et Stefania Sandrelli
1987: Adieu Moscou: Avec Daniel Olbryschki et Aurore Clément
1989: The Rose Garden: Avec Peter Fonda et Maximilian Schell
1992: The Long Shadow: Avec Michael York
2012: Zwei Leben: Avec Juliane Köhler