Lise Bourdin naît le 30 Novembre 1925 dans l’Allier, à Néris les bains très exactement. Son père y dirige son hôtel, l’hôtel Albert premier.
La famille Bourdin, Lise a un frère, Roland, déménage ensuite vers Vichy. Lise se retrouve à L’institution Sainte Jeanne Darc où la discipline des « vieilles biques acariâtres » lui est insupportable. Elle y passera l’essentiel de son temps en heures de colle. Incapable de se taire lorsqu’elle les trouve stupides ou injustes ou qu’elle trouve leur enseignement complètement inintéressant. Elle paiera son franc parler au prix fort.
Sage étudiante au lycée de Vichy, un jour le directeur la convoque dans son bureau pour lui signifier qu’elle est envoyée séance tenante. Elle affole tant les garçons que c’est toute l’organisation de l’établissement qui s’en trouve chamboulée. Rentrée chez elle complètement effarée, Lise se regarde dans la grande glace de l’armoire. Un pull, une jupe, des chaussettes, des talons plats et les cheveux tirés. Qu’est-ce qui leur prend? C’est la guerre, le lycée n’est plus chauffé, il fait parfois moins cinq degrés dans les classes. Elle a des engelures le nez rouge, le regard fiévreux et commence à souffrir de rhumatismes.
Virée du lycée, Lise prend en accéléré des cours de sténodactylo et se dégote un boulot à la maison de la radio à Paris. Elle a 16 ans et c’est Bye-bye Vichy. A peine débarquée un gandin aristocrate la demande en mariage. Elle l’envoie sur les roses. Sidéré, il lui écrira des lettres enflammées vingt ans durant.
A la libération de Paris, Lise est seconde vendeuse chez Balmain. Un jour, en sortant du métro station étoile, un jeune homme l’aborde. Elle lui répond qu’elle je ne parle pas aux gens qu’elle ne connais pas. Il lui explique qu’il est le frère de la propriétaire du magazine Claudine et lui demande d’appeler un photographe de sa part pour faire la couverture dudit magazine. Se disant qu’elle ne risque rien à part faire les frais d’une blague idiote ou gagner quelques sous de plus, elle prend rendez-vous. Sa photo en couverture de Claudine paraît presque aussitôt.
Elle commence une carrière de mannequin dans le Paris fraîchement libéré des années guerre, le Paris de 1946. Après Claudine, ELLE, après ELLE le très prestigieux Harper’s Bazaar. Comme pour Lauren Bacall, son frais minois en couverture des magazines attirera l’attention des producteurs hollywoodiens qui l’invitent à venir tenter sa chance au cinéma. Mais la mode a été plus rapide que le cinéma. Lise est déjà en route pour une tournée publicitaire vers le Brésil. Bientôt mademoiselle Carven créera toute une collection en hommage à sa grande beauté et à sa distinction naturelle. LIFE magazine en fait un édito spécial de plusieurs pages. C’est la première fois qu’une française a cet honneur. Il n’y en aura que deux autres. Brigitte Bardot et Jeanne Moreau.
La presse mondiale s’ébouriffera lorsqu’on apprendra que Lise est le mannequin le plus cher du monde. La belle ne sort pas de son lit à moins de…25$ la journée! Où va-on si on se met à verser de telles sommes aux cover-girls?
Lise est une véritable locomotive. Elle a parfois plusieurs « events » dans une seule journée et Maurice Chevalier lui-même lui fera savoir qu’il considèrerait comme un honneur le fait de l’escorter dans les soirées du tout Paris. En fait notre vénérable « Momo » est amoureux comme un collégien mais saura se tenir. Comme pour Martine Carol et Leslie Caron il saura rester un gentleman et apporter une protection discrète mais efficace à ses « petites chéries ». La belle Lise Bourdin a également fait une tournée publicitaire dans toute l’Amérique où elle représentait ni plus ni moins que…La France dans son ensemble et toutes disciplines confondues!
En 1952, Lise que ses obligations ont amenée jusqu’au Caire fait un soir de bal à l’opéra la connaissance du prince Ali Khan alors en plein divorce d’avec la star Rita Hayworth. C’est le début d’une romanesque et très médiatisée liaison. Lise est aussi courtisée par les médias qu’Elizabeth Taylor et Marilyn Monroe réunies. Bien entendu, le cinéma ne pouvait rester sourd (ni surtout aveugle) au brillant sillage de cette sublime Française.
En 1953, c’est enfin l’heure des débuts au cinéma. Un film de Léonide Moguy que Lise trouve très bien et qui se fait écharper par la presse. Elle le prend pour tout dire assez mal. L’Italie est particulièrement en pamoison devant le moindre de ses clichés. Elle est considérée en 1955 comme un réel espoir du cinéma Français et logée à la même enseigne que Brigitte Bardot.
Billy Wilder lui offrira un rôle très romanesque dans « Ariane » en 1957. C’est pour elle que le milliardaire Gary Cooper fait chaque année escale au Ritz. Lise est une sublime et mystérieuse « dame en noir » dont Audrey Hepburn ravira la place à la fois dans le coeur de Gary et la suite du Ritz. Le cinéma français, malheureusement est bien moins inspiré que le cinéma Hollywoodien , Lise deviendra ensuite une « pépée de Pigalle » pour Eddie Constantine!
Mais en 1960, Lise sort de sa discrétion habituelle et s’en prend à la presse « Vous descendez tous mes films, j’ai bien compris que vous ne m’aimez pas. Je ne vous abreuve pas de potins stupides et de photos ridicules, je ne vous vends pas ma vie privée qui n’a d’ailleurs rien à voir avec le cinéma. Alors puisque vous ne m’aimez pas et que je ne vous aime pas non plus, restons-en là. J’arrête le cinéma.«
Une « productrice » indélicate apprenant le mécontentement de Lise se précipite avec sous le bras un scénario adorable « Le chat m’a dit ». Elle convainc Lise de lui avancer un million de francs pour la production et se volatilise avec le magot. C’est mal connaître Lise Bourdin qui met à ses trousses toute l’armada de détectives et avocats du prince Ali Khan. Débusquée, l’indélicate doit rendre gorge devant la 13ème chambre correctionnelle et accessoirement 1.250.000 francs à Lise
Lise ne quitte pas, malgré ses déclarations ébouriffées, une seule minute la une des médias. Ali Khan est alors le prince le plus célèbre du monde. Lise affirme être officiellement sa nouvelle fiancée, contredite en celà par Lorraine Dubonnet, héritière en spiritueux et les stars que sont Gene Tierney, Joan Fontaine, Bella Darvi et Yvonne de Carlo. Bettina mettra tout le monde d’accord en devenant la princesse Ali Khan suivante.
Lise se consolera dans les bras du puissant Darryl Zannuck. Tout comme Bella Darvi d’ailleurs.
Dans tout ce tohu-bohu médiatique, Lise a le temps de tourner quelques films et d’épouser un riche brésilien comme dans une opérette d’Offenbach. Mariée en 1963, elle divorce en 1965. Un comble, son mari lui avait fait sa cour 9 ans durant avant qu’elle n’accepte de l’épouser.
Mais les années 60 qui finissent ne sont pas les années 50 qui commençaient. Le monde est fatigué des belles fuyardes sur le bitume des aéroports. Les belles naufragées de l’amour et de la gloire. Lunettes noires sur le nez et visons sur le dos. Que Garbo, Soraya, Ava Gardner, Rita Hayworth et Lise Bourdin fassent ce qu’elles veulent dans les avions qu’elles veulent, celà n’intéresse plus personne.
Lise entamera une longue liaison en 1974 avec Raymond Marcellin, ministre de l’intérieur en France et elle s’évaporera dignement de la vie publique. Leur liaison durera 30 ans. Lise imposera sa devise de femme divorcée. « Amour commun, casseroles à part ». Ils ne vivront jamais ensemble.
Elle reste seule à la mort de Marcellin qui décède à 90 ans en 2004. Elle s’était fait construire une petite maison très modeste mais « pratique pour ses vieux jours » du côté de Suresnes. C’est là qu’elle se retire et vit paisible avec quelques rares souvenirs d’autrefois. Une photo avec Lino Ventura, un tableau la représentant aux heures sublimes mais toujours habillée avec infiniment de recherche et d’élégance, comme un ultime pied de nez aux cent ans qui s’approchent.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1951: Les Mémoires de la Vache Yolande: avec Suzy Carrier et Rellys
1953: Les Enfants de l’Amour: avec Jean-Claude Pascal et Etchika Choureau
1955: Les Cinq Dernières Minutes: Avec Linda Darnell et Vittorio de Sica
1957: Ariane: De Billy Wilder avec Gary Cooper et Audrey Hepburn
1957: Ces Dames Préfèrent le Mambo: avec Eddie Constantine et Véronique Zuber
1957: C’est une Fille de Paname: avec Philippe Lemaire et Danielle Godet
1957: La rivière des trois jonques: Avec Dominique Wilms et Jean Gaven