L’échec de la carrière cinématographique de Linda Evans peut en toute objectivité se comprendre. Il est néanmoins fort paradoxal en regard de ses triomphes télévisés. Que l’on adore Linda Evans ou qu’elle vous exaspère au dernier degré, une chose est sûre, elle a frôlé le phénomène mondial.
Cette icône télévisuelle vint au monde le 18 novembre 1942, dans le Connecticut, a Hartford, comme Katharine Hepburn. Née sous le patronyme de Linda Evenstad, elle est fille d’un couple de danseurs professionnels. Après la naissance de Linda, ses parents choisiront de quitter le Connecticut pour s’installer à Hollywood où il y a bien évidemment plus d’opportunités professionnelles pour des danseurs qu’à Hartford. Linda a donc six mois à son arrivée dans la capitale du film dont elle deviendra l’une des reines. Chose qu’elle aurait été bien incapable d’imaginer en jouant avec ses soeurs comme toutes les petites filles de son âge. Car voilà: Linda est d’une timidité maladive qui l’empêche de prononcer trois mots sans rougir comme une tomate en fixant le bout de ses chaussures d’un air tétanisé. Ses parents avaient trouvé cela adorable pour une toute petite fille, mais cela virait au handicap au fur et à mesure qu’elle grandissait. C’est donc sa mère qui la traîna, aussi épouvantée que résignée à un cours de théâtre, espérant qu’elle y perde un peu de cette timidité et surtout qu’elle y gagne un peu de voix. Déjà adolescente, elle s’exprime (si l’on peut dire) encore dans un souffle de bébé presque inaudible.
Nantie d’une formation de comédienne qui n’a que peu fait pour sa guérison, elle va se retrouver parachutée sur les plateaux de télévision pour devenir la fille de Barbara Stanwyck dans la feuilletonesque westernienne « The Big Valley » après s’être baladée dans quelques autres feuilletons dont « Les Incorruptibles ». On l’ignore encore, mais ce feuilleton va devenir cultissime et connaître une vogue inimaginable. Sur le plateau pourtant, Linda se cache dans son coin et Barbara Stanwyck à qui la timidité est aussi étrangère que la lèpre ronge son frein. Sa « fille de télévision » n’a rien d’une actrice! Elle est épouvantablement vide et effacée à l’écran et il est bien évident qu’il va falloir trouver une solution pour s’en débarrasser dans l’intérêt général. N’aimant pas voir les jeunes retourner au chômage avec leurs espoirs déçus, Barbara prend Linda Evans à part et lui explique qu’il faut absolument travailler sa présence. Devant cette figure rouge vif dont les grands yeux bleus n’expriment qu’un gouffre d’incompréhension terrorisée, Barbara se propose de lui monter de quoi elle parle dès sa scène suivante.
Linda Evans est donc prête à tourner une scène où elle doit entrer sur le plateau portant un poulet rôti pour le repas familial. Elle attend derrière la porte à la fois les mots « Moteur, Action » et les conseils avisés de l’icône qui reste obstinément muette à côté d’elle. Les mots « Moteur et action » retentirent et Linda Evans reçut un formidable coup de pied au cul qui la vit valdinguer avec son poulet jusqu’au milieu de la table! Surgit alors de la cuisine, une Barbara Stanwyck qui hurla « Voilà! Ca c’est de la présence! » La leçon ne fut pas particulièrement profitable mais au moins Linda Evans ne fut pas virée.
Plus tard, Linda aura la douleur de perdre sa mère durant les prises de vue du feuilleton et Barbara Stanwyck lui dira en guise de condoléances « Allons bon! Il ne manquait plus que ça! Il va falloir que je sois ta nouvelle maman à présent! » Et elle le fut.
En 1968, Elle fit la rencontre de John Derek. Bellâtre surfait de petite taille, mauvais metteur en scène de vocation et mauvais comédien de profession. Son plus grand titre de gloire ayant été d’épouser Ursula Andress avant que son rôle dans « James Bond contre le Docteur No » ne fasse d’elle un fantasme planétaire. Ursula s’étant débarrassée de John Derek dans la poubelle d’une quelconque cour des divorces, l’infortuné jeta son dévolu sur Linda. Il clama qu’il ferait d’elle une nouvelle Ursula Andress alors qu’il n’était pour rien dans la « fabrication » de cette dernière qui s’était très bien débrouillée toute seule. La seule chose qu’il ait faite pour Ursula fut d’insister pour qu’elle ne tourne pas « James Bond », cette chose idiote et sans avenir!
Tout le monde s’empressa alors de colporter la fausse nouvelle selon laquelle Linda Evans était devenue la seconde madame Derek. Or s’il y eut bien mariage en 1968, Linda Evans était la troisième madame Derek. On oubliait un peu vite qu’il avait abandonné sa première épouse Patti Behrs dans le dénuement le plus total après avoir exigé qu’elle abandonne sa carrière pour lui donner un fils. Un petit garçon sourd dont il préféra nier l’existence, trop occupé à jouer au génie incompris sous sa lampe à bronzer!
John Derek ne fit absolument rien pour Linda Evans à part la photographier pour Playboy (il faut bien vivre!) Il resta très proche d’Ursula, les deux femmes devinrent amies. Elles le restèrent lorsque John Derek quitta Linda en 1974 pour Bo Derek de 30 ans sa cadette. Bo se joignit à ces dames pour former un joyeux trio de « madames Derek » s’entendant comme larronnes en foire et sans que le nom de Patti ne soit prononcé ni l’existence de son fils évoquée!
Linda se remaria en 1976 avec un certain Stan Herman complètement étranger à l’univers du cinéma, puis ayant repris sa liberté en 1981 elle vécut avec Yanni, un musicien « Alternatif ».
Durant toutes ces péripéties sentimentalo-matrimoniales, elle viendra de temps en temps tâter du cinéma. Rarement cependant, elle tournera moins de dix films en vingt ans, mettant sans doute chaque fois plusieurs années à digérer les critiques.
En 1981, Après l’échec d’un western pourtant prestigieux avec Steve McQueen en vedette, « Tom Horn », elle intègre l’équipe du feuilleton »Dynastie » produit par Aaron Speeling dans le but avoué de concurrencer « Dallas » qui révolutionne l’audimétrie mondiale.
Linda Evans connaîtra alors des heures de gloire inouïes, brillant au sommet des sondages de popularité bien que la série n’ait réellement décollé qu’à l’apparition de Joan Collins à la saison deux. La série de 220 épisodes triomphera huit ans et les stars les plus insensées viendront s’y pavaner dont Rock Hudson ou Helmut Berger. Le prestige du soap aujourd’hui demeure intact. De nouvelles générations idolâtrent ces feuilletons invraisemblables et vénèrent leurs icônes Linda Evans et Joan Collins. Lesquelles d’ailleurs reprennent régulièrement du service dans leurs rôles respectifs de potiche et de peste. Il n’a a guère, elles se crêpaient encore le chignon sur scène!
Malgré cette gloire insensée, cette popularité démentielle, le cinéma ne se frotta plus à Linda Evans.
Souffrant aujourd’hui d’un œdème idiopathique, ce qui peut se résumer par une forte rétention d’eau, l’actrice essaye moult médecines alternatives, un peu comme la musique de Yannis et aimerait que l’on fasse un peu plus de cas de sa lutte contre la maladie dans les journaux. Mais sans doute la presse pourtant souvent oublieuse se souvient-elle encore de la manière dont l’actrice porta plainte contre Rock Hudson qui avait eu l’outrecuidance de tourner avec elle alors qu’il souffrait du sida. Or rien n’était…Plus faux! Le tabloïd ayant lancé la rumeur fut condamné à lui payer plusieurs millions de $ de dommages et intérêts.
Celine Colassin.
QUE VOIR?
1963: Twilight of Honor: Avec Joey Heatherton, Richard Chamberlain et Claude Rains
1965: Those Calloways: Avec Vera Miles, Brian Keith et Brandon de Wilde
1969: Childish Things: Avec Don Murray
1974: The Klansman: Avec Lola Falana, Lee Marvin et Richard Burton
1975: Mitchell: Avec Martin Balsam
1979: Avalanche Express: Avec Lee Marvin, Maximillian Schell et Robert Shaw
1980: Tom Horn: Avec Steve MacQueen