A force de dire que les bonnes fées Hollywoodiennes se penchèrent sur tel et tel berceau de créature divine, il est bon de se demander si les méchantes fées se penchèrent elles aussi sur un poupon quelconque, histoire de lui pourrir la vie. Si c’est le cas, il se pourrait bien que ce soit sur le berceau où vagissait Lee Patrick. Après s’être consultées, elles décidèrent en ricanant qu’elles feraient de sa vie une vilaine farce, mais sans la pourrir tout à fait.
Lee Patrick, New-Yorkaise de souche vient au monde le 22 Novembre 1901, histoire de naître avec le premier hiver du siècle. Cette jeune personne grandit sans complications majeures. Elle se passionna pour le théâtre, débuta dans des rôles presque invisibles et de réplique en répliques se hissa jusqu’au sommet des affiches broadwayriennes. Cela lui prit dix ans avant de devenir une vedette qui fait vendre les tickets et de triompher successivement dans « June Moon » et « Stage Door ».
En 1924 elle avait débuté au théâtre. En 1929 elle débutait au cinéma et tout le monde s’en fichait plus ou moins. La longue escalade vers le succès recommençait. En 1931, on portait « June Moon » à l’écran, mais le rôle d’Eileen que tenait Lee à Broadway fut confié à June MacCloy! En 1937, son autre triomphe, « Stage Door » avait lui aussi les honneurs d’une adaptation filmée. Lee n’avait plus travaillé pour le cinéma depuis son unique film de 1929, mais cette fois Hollywood la convoquait pour un grand rôle dans ce qui promettait d’être un grand film. Hélas, les bouillants cerveaux de scénaristes hollywoodiens eurent l’idée un tantinet farfelue de diviser son personnage en deux afin de partager ses répliques entre Katharine Hepburn et Ginger Rogers. « Stage Door » est d’ailleurs à mon sens le film du double emploi puisqu’Eve Arden et Lucille Ball sont là toutes les deux et se demandent que faire avec une égale perplexité.
La RKO ayant rechigné avant de signer le contrat de Lee, argumentant entre autres qu’elle était déjà un peu vieille pour débuter au cinéma, elle n’hésita pas à mentir effrontément et à se rajeunir de dix ans d’un coup! Tant qu’elle y était!
Inutile de dire que Lee Patrick n’apprécia que fort peu la blague de « Stage Door ». On lui proposa donc en guise de consolation, le rôle titre de « Stella Dallas ». Lee se déclara satisfaite et se plongea dans le roman d’Olive G. Prouty. Malheureusement pour elle, Barbara Stanwyck l’avait lu, elle aussi. Elle l’avait lu et l’avait aimé. Lee, toute à ses préparatifs de mariage avec Thomas Wood ne prêta aucune attention aux agissements de Barbara Stanwyck. A tort. »Babe », entra en guerre pour le rôle. Elle finança elle-même ses propres essais, elle engagea de ses deniers Anne Shirley et elles jouèrent la scène où Stella Dallas attend les invités pour la fête d’anniversaire de sa fille, lesquels se décommandent les uns après les autres. L’essai fut si convaincant que non seulement Barbara Stanwyck devint Stella sur le champ, mais la scène fut intégrée telle quelle au montage final du film.
Pour Lee Patrick les choses commençaient sérieusement à prendre une tournure désagréable. Ce n’était qu’un début! Bette Davis, soudain, s’offusqua de la présence de Lee à Hollywood! Qu’elle soit chez Warner et Lee chez RKO ne changeait rien à son ressentiment, Bette considérait tous les studios comme étant ses propriétés personnelles. Elle entendait bien s’auto proclamer plus grande actrice de tous les temps, reine d’Hollywood et des environs, et ne tolérer aucun délit de faciès sur son territoire.
Etrangement, la « commère » Louella Parsons estima elle aussi Lee Patrick très peu à son goût et lança contre la pauvre actrice une véritable campagne de presse destructrice pour ne pas dire diffamatoire. La pauvre Lee put enfin montrer ce dont elle était capable dans « Condemned Women » dans un role de détenue roublarde, émeutière et coiffée comme un nid de cigognes. Mais c’est la jeune Sally Eilers qui tenait le premier rôle. Anne Shirley venant de triompher avec « Stella Dallas », la RKO fit rutiler son rôle assez bref en un rôle beaucoup plus intéressant, ce qui diminuait d’autant l’importance du rôle de Lee!
Lee tourna cependant. Elle parut même dans des films de grand prestige. Mais jamais elle n’y obtint le premier rôle. C’est ainsi que l’on peut la croiser dans « Le Faucon Maltais », « Mildred Pierce » »Madame Parkington », « La Fosse aux Serpents », »Vertigo » ou « Confidences sur l’Oreiller » . Films où brillent respectivement Mary Astor, Joan Crawford, Greer Garson, Olivia de Havilland, Kim Novak et enfin Doris Day.
Lee se partagea dès lors entre le cinéma où elle côtoya les plus illustres et tourna pour les plus prestigieux, son cher théâtre, la télévision et son cher époux à qui elle resterait tendrement liée jusqu’à la mort.
Celle-ci vint pour Lee Patrick d’une manière très inopportune. Le 21 Novembre 1982, Lee mourrait emportée par une crise cardiaque, surprise en plein préparatifs pour son anniversaire qui comme on le sait, était le lendemain.
Le public fut stupéfait d’apprendre la fin de Lee Patrick octogénaire, car elle n’avait jamais jugé opportun de revenir sur le pieux mensonge fait à la RKO en 1937 et tout le monde le croyait fermement dix ans plus jeune!
Celine Colassin
QUE VOIR?
1937: Music for Madame: Avec Joan Fontaine et Nino Martini
1938: Night Spot: Avec Anne Jordan, Joan Woodbury et Allan Lane
1938: Condemned Women: Avec Sally Eilers et Anne Shirley.
1938: Law of the Underworld: Avec Anne Shirley et Chester Morris
1938: Maid’s Night Out: Avec Joan Fontaine, Hedda Hopper et Allan Lane
1938: The Sisters: Avec Bette Davis, Errol Flynn et Anita Louise
1940: Saturday’s Children: Avec Anne Shirley et John Garfield
1940: Money and the Woman: Avec Brenda Marshall et Jeffrey Lynn
1940: The Nurse’s Secret: Avec Régis Tommey
1941: Foodsteps in the Dark: Avec Brenda Marshall et Errol Flynn
1941: Kisses for Breakfast: Avec Jane Wyatt et Dennis Morgan
1941: The Maltese Falcon: Avec Mary Astor et Humphrey Bogart
1941: Dangerously They Live: Avec Nancy Coleman et John Garfield
1941: Million Dollar Baby: Avec Priscilla Lane et Ronald Reagan
1942: In this our Lifes: Avec Bette Davis, Olivia de Havilland et George Brent
1942: A Night to Remember: Avec Loretta Young et Brian Aherne
1942: George Washington slept here: Avec Ann Sheridan et Jack Benny
1942: Now Voyager: Avec Bette Davis, Paul Henreid et Claude Rains
1943: Larency with Music: Avec Kitty Carlisle et Allan Jones
1943: Jitterbugs: Avec Vivian Blaine, Stan Laurel et Oliver Hardy
1944: Mrs Parkington: Avec Greer Garson et Walter Pidgeon
1944: Faces in the Fog: Avec Jane Withers
1945: Over 21: Avec Irene Dunne et Alexander Knoks
1945: Milderd Pierce: Avec Joan Crawford et Ann Blyth
1945: See My Lawyer: Avec Grace MacDonald et Ole Olsen
1946: The Smiling Ghost: Avec Brenda Marshall et Alexis Smith
1946: Wake-Up and Dream: Avec June Haver et John Payne
1948: Blues Big Sister (court métrage) Avec Virginie Maxey
1948: The Snake Pitt: Avec Olivia de Havilland
1948:Inner Sanctum: Avec Mary Beth Hugues
1949: The Doolins of Oklahoma: Avec Louise Albritton et Randolph Scott
1950: The Lawless: Avec Gail Russell et Macdonald Carey
1950: Caged: Avec Eleanor Parker et Agnès Moorhead
1951: Tomorrow Is Another Day: Avec Ruth Roman et Steve Cochran
1953: Take Me to Town: Avec Ann Sheridan et Sterling Hayden
1954: There’s no Business Like Show Business: Avec Marilyn Monroe, Mitzi Gaynor, Ethel Merman et Donald O’Connor
1958: Vertigo: Avec Kim Novak et James Stewart
1958: Auntie Mame: Avec Rosalind Russell et Forrest Tucker
1960: Visit to a Small Planet: Avec Joan Blackman et Jerry Lewis
1961: Goodbye Again: Avec Indrid Bergman, Yves Montand et Anthony Perkins.
1961: Summer and Smoke: Avec Géraldine Page et Laurence Harvey
1962: A Girl Named Tamiko: Avec France Nuyen, Laurence Harvey et Michael Wilding
1963: Wives and Lovers: Avec Janet Leigh, Shelley Winters, Martha Hyer et Van Johnson
1964: The New Interns;: Avec Stephanie Powers, Barbara Eden et Telly Savallas.
1975: The Black Bird: Avec Stephane Audran et George Segal