J’ai toujours eu une grande faiblesse pour les « égéries ». Phénomène que l’on aurait d’ailleurs tort de croire cantonné aux années 60 avec Anita Pallenberg, Niko Costa, Loulou de la Falaise, Victoire ou Amanda Lear. De Lysistrata à madame de Pompadour, l’histoire en est jalonnée, et comme de bien entendu, l’histoire du cinéma aussi. Dans ce rayon de curiosités, la belle Kathleen Ryan fut une authentique égérie dublinoise. Et si de sa renommée internationale subsiste à peine un vague souvenir, elle reste chère au coeur des Irlandais.
Kathleen naît à Dublin le 8 Septembre 1922. Et si son père Seamus Ryan a trouvé le temps de faire huit enfants, il se consacre surtout comme tout bon Irlandais à la politique de son pays. Il est d’ailleurs membre du Seanad Eireann, une sorte de sous parlement sans réel pouvoir si ce n’est celui de ralentir le vote des lois qui lui déplaisent. Les arcanes du Seanad Eireann sont aussi anciens que nébuleux. Il est d’ailleurs question aujourd’hui de dissoudre cette association politique antédiluvienne qui n’a plus sa place dans une Irlande moderne et progressiste.
Mais inutile de dire, que dans la famille Ryan, la politique est plus que le sujet de conversation favori au dîner. C’est carrément devenu un art de vivre pour ne pas dire une raison de vivre. Grandissant dans cet univers de pensées exacerbées et facilement révoltées, Kathleen ne sera pas de celles qui s’en laissent compter! Agnès et Seamus, ses parents, ont d’ailleurs été de vaillants activistes dans la guerre d’Indépendance qui a opposé l’Irlande à l’Angleterre et qui vient de se terminer par la signature d’un traité libertaire un peu avant la naissance de Kathleen. La famille Ryan trouvera malgré tout le temps d’élever ses enfants et aussi de prospérer dans la crèmerie! Le temps passant, les enfants ouvriront leurs ailes et prendront leur envol. Certains se consacreront à la politique, d’autres à la littérature ou à la religion.
Kathleen sera la seule actrice de la famille. Une vocation venue sur le tard, d’ailleurs. Lorsqu’elle fit ses débuts aux écrans, Kathleen était déjà mariée depuis 3 ans au docteur Dermod Devane qu’elle avait épousé en 1944. Le couple aura trois enfants, et fort curieusement, leur mariage sera purement et simplement annulé en 1958.
Kathleen débute donc au cinéma en 1947 dans « Odd Man Out » (Huit heures de Sursis) Qui comme il se doit raconte l’aventure d’un activiste Irlandais! J’ignore comment Kathleen atterrit sur le plateau du film, et qui de plus est dans le premier rôle féminin face à James Mason. Mais ses riches antécédents politiques et sa fabuleuse beauté suffisaient déjà largement! Car Kathleen était considérée sans l’ombre d’une protestation comme la plus belle des Irlandaises de son temps. Kathleen fut donc lancée en un seul film. Bientôt Hollywood allait faire appel à elle et elle tournerait durant toutes les années 50 en Amérique ou en Angleterre. Mais sans jamais accepter de vulgaires « compromis commerciaux ». Il était hors de question de la retrouver dans un « Francis la Mule qui Parle » ou dans un « Abbott et Costello je ne sais où ».
Sa carrière fut donc parcimonieuse et ne passa pas le cap des années 60. La belle fut aussi terriblement réfractaire à la télévision où elle n’apparut qu’une seule fois pour faire plaisir à son ami Douglas Fairbanks Jr.
En 1957, jour pour jour après son premier jour de tournage, Kathleen Ryan vivait sa dernière journée sur un plateau de cinéma si l’on excepte un dernier baroud d’honneur en 1969 dans « The Tree ».
On apprenait la mort de la belle Irlandaise, devenue si discrète après ses années fougueuses le 11 Novembre 1985, emportée par une maladie pulmonaire à 63 ans. Kathleen s’est éteinte et repose dans son cher Dublin auprès des siens.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1947: Huit Heures de Sursis: Avec James Mason et Cyril Cusack
1948: Esther Waters: Avec Dirk Bogarde et Cyril Cusack
1950: The Sound of Fury: Avec Franck Lovejoy et Adèle Jergens.
1953: The Yellow Ballon: Avec Kenneth Moore et Andrew Ray
1955: Capitain Lightfoot: Avec Barbara Rush et Rock Hudson
1969: The Tree: Avec Eileen Heckart et Jordan Christopher
