Le passage de Karen Sharpe aux écrans ne bouleversa peut-être pas l’histoire du cinéma, car la belle fut parachutée dans une kyrielle de westerns et de films de guerre avant de se tourner encore toute estourbie de poussière, d’indiens, de grenades, de torpilles et de coups de Winchester vers les plateaux de télévision où elle trouvait enfin des rôles avec des robes à la mode et des escarpins pointus!
La belle Karen naît à San Antonio au Texas, et cela prédestina sans doute son futur emploi, le 30 Septembre 1933.
Mais la jeune texane n’en aura très clairement rien à cirer de dresser les chevaux sauvages ou capturer les veaux de l’année au lasso pour les marquer au fer des initiales de son ranch! Les parents de Karen, Kirk et Dorothy sont de riches citadins et leur petite fille, sans doute fascinée par la fée de la glace Sonja Henie qui sévit à Hollywood ne rêve que de patinage artistique! C’est un peu décalé au Texas, mais enfin, ses parents n’eurent rien contre, et à chaque vacances, la petite Karen gagnait Los Angeles pour suivre des cours de patinage, elle deviendra professionnelle!
Mais à Los Angeles il y a Hollywood et au Texas il y a des cinémas. L’apprentie patineuse vit la tête farcie d’idoles et de comédies musicales made in MGM. Elle fera le siège des vedettes avec son carnet d’autographes, verra le même film 30 fois si il lui plaît, et essayera même de se faire « découvrir » chez « Schwab’s » en sirotant un milk shake comme, dit-on, la jeune Lana Turner!
A dix-huit ans et quelques overdoses de produits lactés plus tard, elle passe des tests pour les principaux studios. La MGM et Universal n’en veulent pas et chez Pramount ils lui préféreront Donna Reed.
Un verdict sans ambages était tombé: « Cette fille a un visage incroyable! Elle a deux profils parfaits, c’est tout à fait exceptionnel. Mais de face elle est moche et elle louche ».
La belle, on ne peut plus déçue devient alors mannequin photos et il faut en passer par là pour que les choses enfin démarrent. Un directeur de casting l’a remarquée grâce à un de ses nombreux clichés publicitaires et lui obtient quelques rôles à la télévision.
Remarquée ensuite par un scout, elle obtient enfin un rôle au cinéma et aura d’emblée une remarque restée célèbre. Lorsqu’un metteur en scène lui dit « Vous n’avez joué qu’à la télévision, saurez-vous jouer pour le cinéma? » elle lui répondit : »Vous rigolez? A la télévision vous devez être fantastique dans un rôle alors qu’on vous a donné le script le matin même! A côté de ça, le cinéma, pour moi ça va être du flan! »
Elle fut donc distribuée dans un film policier mené par Adolphe Menjou, dans un rôle si court qu’elle ne fut pas créditée au générique.
Nous étions au printemps 1952, Karen n’avait pas encore vingt ans, mais elle était déjà suffisamment « lancée » pour venir se pavaner à la première de « A Star is Born » au bras du beau John Smith qu’elle troquera pour Mark Damon bien plus beau encore!
Elle passera ensuite tester les qualités sentimentales de Perry Lopez qui se partage avec Marisa Pavan! L’année 55 débute sur ces petites vendettas sentimentales et avec Karen Sharpe considérée avec Anita Ekberg et l’inévitable Marisa comme le grand espoir de 1955. Cette année là elle tient un rôle intéressant dans « Man with gun » entre Robert Mitchum et Jan Sterling. Laquelle s’en entiche et devient son mentor.
Ces intenses activités ne l’empêchant évidemment pas d’enchaîner les tournages pour le cinéma et pour la télévision qui semble ne plus pouvoir se passer d’elle. Elle ne patine pas aux écrans mais c’est paradoxalement grâce au patinage qu’elle est si présente dans des films relativement « musclés ». Car la belle Karen est dans une telle forme olympique que l’on n’hésite jamais à lui demander quelques cascades et qu’elle n’hésite jamais à les faire!
Fin 1957, après que Victor Mature ait cessé de rôder dans ses parages l’œil émoustillé et la babine retroussée, Karen se mariait pour la première fois, à l’acteur Chester Stevens connu également dans les épopées du vieil Ouest hollywoodien sous le pseudonyme plus ronflant de Set Marshall. Le couple sera séparé dès 1961.
Et en ce début des années 60, le destin de Karen Sharpe va basculer du tout au tout. Elle divorce, rencontre son futur mari Stanley Kramer sur le plateau d’un film de Jerry Lewis. Et puis son cher papa, qui lui avait envoyé un vison pour la féliciter lorsqu’elle était apparue sur son écran de TV pour la première fois, décède à San Antonio et fait de sa fille unique son héritière.
Le 1 Septembre 1966, après avoir vendu pour des sommes colossales les entreprises dont son héritage l’avait faite propriétaire, elle épouse le réalisateur Stanley Kramer.
Kramer a déjà deux ex femmes et deux enfants, le couple aura deux filles, Katharine et Jennifer.
Après son mariage, Karen honora ses derniers engagements d’actrice, renonça à être la grande vedette de la maison de production que souhaitait ouvrir Raquel Welch et s’occupa de sa famille, non sans superviser d’un œil expert ce que faisait son génie de mari.
A la fin des années 70, le couple Kramer avait fini par déserter Hollywood pour s’installer à Seattle. C’est là que le réalisateur laisserait Karen Sharpe veuve le 20 Février 2001 après 34 ans de mariage.
Karen revint alors à Hollywood veiller aux destinées de la maison de production de Stanley Kramer ainsi qu’à la sauvegarde et au respect de son patrimoine.
Celine Colassin.
QUE VOIR?
1952: The Sniper: Avec Adolphe Menjou et Marie Windsor
1952: Army Bound: Avec Stanley Clements
1952: Strange Fascination: Avec Cleo Moore et Hugo Haas
1953: Holiday for Sinners: Avec Gig Young et Janice Rule
1953: Le Vaincu: Avec Jan Sterling et John Payne
1953: Mexican Manhut: Avec George Brent et Hillary Brooke
1954: Le Haut et le Puissant: Avec John Wayne, Claire Trevor, Laraine Day et Jan Sterling
1955: Mad at the World : Avec Frank Lovejoy et Cathy O’donnell
1955: Man with the Gun: Avec Robert Mitchum et Jan Sterling
1956: Man in the Vault: Avec Anita Ekberg et William Campbell
1958: Tarawa Beachead: Avec Julie Adam et Kervin Mathews
1964: Jerry chez les Cinoques: Avec Jerry Lewis et Glenda Farrell.