Je suis, autant l’avouer tout de suite, une grande admiratrice de la « Petty girl » Joan Caulfield. Une comète hollywoodienne aussi versatile que bonne actrice et qui n’eut certainement pas la carrière qu’elle méritait.
Miss Beatrice Joan Caulfield nait le 1 Juin 1922 dans le New Jersey. Elle nait à Ouest Orange et grandira à West Orange. Plus tard encore, la famille Caulfield déménagera pour New-York où devenue plus que jolie, Joan fera ses débuts dans la carrière de mannequin tout en prenant d’assaut les auditions de Broadway. La stratégie de la jeune demoiselle sera payante. Non seulement elle est très belle et devient un mannequin très coté, mais elle est douée d’un véritable tempérament qui fait merveille sur scène. Elle est de celles qui « cassent la baraque » ou qui « font des étincelles »!
Connaissant un véritable succès à Broadway, il était inévitable qu’Hollywood s’intéresse à ce nouveau phénomène. La Paramount en particulier se montra fort intéressée, car vue de loin, il sembla au studio que cette miss Caulfield pourrait très bien servir de rivale maison à la glorieuse Betty Grable qui casse les écrans en faisant des étincelles…pour un autre studio, la Century Fox!
Joan avait débuté en 1942 à Broadway. Elle débutait à Hollywood en 1946. Elle sera parachutée dans un nombre intéressant de films qui manquèrent hélas d’envergure. Même s’ils étaient fort plaisants et restent aujourd’hui relativement sympathiques à redécouvrir comme « The Lady says No » en 1951 avec un David Niven un peu ahuri. Les studios voient en effet en la personne de Joan Caulfield une « entertaineuse » capable de faire mousser la moindre bobine et porter tous ses films au succès. Et qui de plus est, la cote d’amour de Veronica Lake est en cette année 1946 plutôt chancelante. L’actrice à la longue mèche blonde est pourtant une des valeurs commerciales les plus stables du studio mais son caractère épouvantable la rend d’un commerce difficile. Peu d’acteurs ou de réalisateurs acceptent de travailler plusieurs fois avec elle. Une seule leur suffit largement. Plutôt que de batailler pour maintenir la star au sommet, le studio préfère miser sur une nouvelle venue plus malléable qui de surcroit aurait peut-être le talent qui manquait quelque peu à miss Lake.
Ce fut sur Joan Caulfield que le choix se porta, et dès son arrivée, elle fut catapultée en « vedette » dans un film de…Veronica Lake! « Miss Susie Slagle’s ». Pour son film suivant elle était tête d’affiche face à Bob Hope dans « Monsieur Beaucaire ». La Paramount dépensa sans compter pour son lancement et Joan Caulfield fit la une de tous les magazines importants dès son premier film.
Pourtant l’arrivée au studio n’avait pas été idyllique. Comme toute nouvelle venue, Joan fut convoquée pour une journée de séances photos « cheesecake », ce qui est on ne peut plus normal à Hollywood. Il faut bien que le département publicité puisse faire voir ce dont il parle aux magazines alors plus friands de bikinis que de cols roulés. Etonnée d’elle-même, Joan refusa! Ignorant elle-même pourquoi mais c’était comme ca! Le lendemain elle tournait. Elle demande à son metteur en scène « Qu’est-ce que je fais? » Il lui répond d’un laconique « asseyez-vous là, vous meublerez le décor! » Joan se le tint pour dit et s’abstint désormais de faire de petits caprices inconsidérés et vite…hors de prix!
Ainsi de titre en titre, les films où se produit Joan gagnent en qualité, en prestige et en « valeur ajoutée ». Ne fût-ce que par la notoriété de ses partenaires de plus en plus populaires. Même si hélas, on ne la verra jamais dans les bras de Gary Cooper, de Clark Gable ou de Cary Grant. Joan Caulfield devient une sorte de reine des séries B de grand luxe! Ne la verra-on pas donner dans le même film la réplique à Bing Crosby et Fred Astaire après l’avoir donnée à Bob Hope?
1950 est l’année où la Columbia met à son tour les petits plats dans les grands pour l’asseoir définitivement sur un trône de reine avec « Petty Girl » où on usera de toutes les bonnes vieilles ficelles de « Pin-Up Girl » qui avaient si bien réussi à Betty Grable(Et pour une actrice qui avait refusé une séance de photos « Cheesecake », ça ne manque pas de piquant!)
C’est durant ce tournage qu’elle deviendra l’épouse de producteur Frank Ross.
Frank Ross avait été le furtif partenaire de Clara Bow à l’écran avant de passer derrière la caméra et d’épouser la star Jean Arthur dont il divorcera un an avant d’épouser Joan. Nombreux d’ailleurs furent ceux qui soulignèrent alors la ressemblance entre les deux femmes.
Frank produisit deux films pour son épouse: « The Lady Says No » et « The Rains of Ranchipur ».
Le couple Ross aura un fils, Arthur, qui meurt dès sa naissance le 7 Novembre 1959. Le couple ne résista pas à l’épreuve et moins d’un an plus tard ils divorçaient.
« Petty Girl » ne fut malheureusement pas le tremplin tant voulu par Columbia pour Joan Caulfield. Les ficelles, tout aussi bonnes qu’elle soient étaient déjà très usées au temps de Betty. Avec Joan elles lâchèrent définitivement! Le film avait d’ailleurs été prévu pour Rita Hayworth mais Rita venait de convoler avec le prince Ali Khan. Selon la Columbia « Elle préférait devenir une pseudo princesse semi-indienne que de tourner ce film magnifique » Le studio choisit donc de confier le rôle à Joan Caulfield ce qui sidéra tous les gens qui la connaissaient. L’actrice était l’anti thèse de la « glamour girl », se promenant partout entre deux films les cheveux ramenés en une simple queue de cheval, sans maquillage et dans des robes achetées en grandes surfaces! Avait-elle seulement jamais vu un vison de près?
Pour elle ce rôle de pin-up girl fut un véritable rôle de composition et elle dut faire appel au chorégraphe Gene Lorring pour avoir une démarche « sexy » et des attitudes de bombe sexuelle dans le film! »Pour ce film j’ai dû contrôler chacun de mes mouvements, chaque pas, chaque geste chaque sourire, car être une glamour girl ce n’est pas une question de décolleté ou de longueur de jambes, c’est être plus femme que les autres femmes«
J’ignore si après « Petty Girl », l’actrice perdit la confiance des studios ou si c’est elle qui se lassa. A moins que son contrat ne soit arrivé à son terme. Toujours est-il qu’on ne la vit plus que dans les deux films que son mari produisit pour elle.
« The Lady Says No », une comédie en noir et blanc avec David Niven qui ne révolutionna ni le septième art ni son box office, et « The Rains of Ranchipur » dont elle laissa la vedette à Lana Turner. Elle était dans ce film de 1955 une adolescente un peu rebelle tentant de faire tomber dans ses rets un bellâtre intellectuel, vieillissant et très imbibé campé par Fred McMurray; lequel préféra comme il se doit les tentations turnériennes. Joan avait 33 ans lorsqu’elle interpréta avec énormément de talent et de conviction ce personnage dont elle aurait presque pu être la mère à un ou deux ans près!
Après cet exploit très exotique, Joan se consacra essentiellement à la télévision et ne réapparut plus que très exceptionnellement au cinéma. L’essentiel de sa carrière au cinéma avait duré cinq ans à peine. C’est bien peu pour une actrice aussi éblouissante qu’elle!
Joan Caulfield se remaria, le 24 Novembre 1960 avec le docteur Robert Preston dont elle restera l’épouse jusqu’à la date fatidique de leur divorce le 6 Juin 1966. Le couple avait eu un fils qui cette fois survécut, John, né le 22 Mars 1962.
Joan Caulfield restera une actrice connue mais fort parcimonieuse de ses exploits. Elle tint longtemps le rythme peu éprouvant d’une apparition annuelle. Ce fut pour la dernière fois en 1987 pour tenir la dragée haute à Angela Lansbury dans un épisode d’Arabesque.
Joan Caulfield s’éteignait le 18 Juin 1991, dix huit jours après avoir fêté son soixante neuvième anniversaire, emportée par le cancer du poumon. A quelques heures d’intervalle s’éteignait Jean Arthur à qui on l’avait tant comparée et avec qui elle avait eu un mari en commun.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1945: Duffy’s Tavern: Avec Betty Hutton, Paulette Goddard, Dorothy Lamour et Veronica Lake
1946: Miss Susie Slagle’s: Avec Veronica Lake et Lillian Gish
1946: Monsieur Beaucaire: Avec Bob Hope et Marjorie Reynolds
1947: Variety Girl: Avec Mary Hatcher
1947: The Unsuspected: Avec Claude Rains et Audrey Totter
1947: Dear Ruth: Avec William Holden
1949: Dear Wife: Avec William Holden
1950: Petty Girl: Avec Robert Cummins
1951: The Lady Says No: Avec David Niven et James Robertson Justice
1955: The Rains of Ranchipur: Avec Fred Macurray, Lana Turner et Richard Burton
1963: Cattle King: Avec Robert Taylor
1967: Red Tomahawk: Avec Howard Keel et Broderick Crawford.
1968: Buckskin: Avec Barry Sullivan et Wendell Corey
1973: The Daring Dobermans: Avec Charles Robinson et Tim Considine