jeanne crain

J’aurais pu, c’est vrai consacrer un article à la belle Jeanne Crain parmi mes grandes incontournables du cinéma du XXème siècle.  Elle fut une actrice longtemps admirée et respectée dont l’étoile brillait haute et claire dans le firmament du cinéma hollywoodien.

Mais si la très belle Jeanne n’eut pas à rougir de sa carrière, elle n’en fut jamais satisfaite et ne fut jamais en osmose ni avec ses rôles ni avec l’image qu’Hollywood véhiculait d’elle. Et puis il manque l’essentiel dans le parcours de Jeanne Crain: Une vie privée au moins aussi passionnante que ses films. Ce qui n’est pas le cas. Elle est aujourd’hui une actrice oubliée, elle l’était de son vivant malgré quelques grands rôles dans des films… inoubliables.

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Jeanne Elizabeth Crain, fille d’un instituteur et d’une femme au foyer est une californienne pure souche. Elle naît le 25 mai 1925 à Barstow mais sa famille déménagera pour Los Angeles où naîtra sa petite soeur Rita Marie le 17 janvier 1927.

Dès son plus jeune âge, sans doute fascinée par Sonja Henie, la petite Jeanne se passionnera pour le patinage artistique jusqu’à devenir une véritable championne. Mais la jeune patineuse est également une fort jolie personne et en 1941 elle est élue « Miss Long Beach » alors qu’elle vient de fêter ses 16 ans. Et comme il se doit avec les concours de beauté de l’époque, on fait miroiter aux lauréates un « contrat » avec un studio. Ici en l’occurrence ce sera la RKO. Jeanne y passe en coup de vent. Le temps de faire quelques photos, à condition qu’il y ait de la pellicule dans l’appareil et se faire éjecter à temps pour prendre le bus suivant qui la ramènera chez elle avec ses illusions de jolie midinette. C’est le traitement habituel réservé aux « lauréates ».

Souvent, les lauréates de concours de beauté passent leur bout d’essai devant des caméras vides de pellicule et un vague tachnicien mastiquant son chewim-gum en attendant que cette corvée finisse.

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Pourtant son passage éclair lui aura suffi pour se faire remarquer par Orson Welles qui lui fait passer un test pour « La Splendeur des Amberson » Elle sera évincée au profit d’Anne Baxter. Anne qui, elle l’ignore encore sera le clou de son cercueil hollywoodien lorsqu’elles seront toutes les deux sous contrat à la Century Fox. Renonçant, du moins officiellement au cinéma, elle revient sur le devant de la scène hollywoodienne lorsque l’une de ses photos de mode est montrée à Selznick qui prépare  » Le Chant de Bernadette ». Jeanne passe à nouveau des essais et on hésite entre elle et Brenda Marshall. Elles se feront purement et simplement éjecter par Selznick qui décide de lancer à grands fracas sa nouvelle passion personnelle à savoir Jennifer Jones!

Après avoir frôlé le titre de « Miss America 1942″, Jeanne tombe sous le charme d’un jeune ingénieur curieusement parachuté dans le cinéma sous le pseudonyme de Paul Brooks: Paul Brinkman.

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Depuis la mésaventure du « Chant de Bernadette », Jeanne Crain a signé à la Century Fox mais le studio ne semble pas trop savoir que faire d’elle. La seule chose dont on est sûrs à la FOX c’est  que « Paul Brooks » ne lui convient pas comme fiancé. Dixit le département publicitaire qui lui fabrique tout un tas de romances avec une flopée de jeunes premiers maison. Paul Brooks sera longtemps patient mais il finira par poser un ultimatum à Jeanne: Le mariage sinon rien!

Jeanne fit mine de préférer le « sinon rien » mais lorsqu’elle vit son cher Paul au bras de Jane Greer elle changea immédiatement d’avis!

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Le couple finira pas convoler le 31 décembre 1945. Jeanne a 20 ans et son cher époux 27. Et ce mariage fait pas mal de remous. Si ce n’est dans l’opinion publique du moins dans la vie des principaux concernés. La mère de Jeanne tout d’abord qui sans raison apparente exècre ce pauvre Paul jusqu’à menacer de se brouiller définitivement avec sa fille si elle l’épouse! Jeanne ayant passé outre,  la mère de Jeanne lui fera la tête…Jusqu’à la fin de sa vie!

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Paul ensuite qui après avoir été un acteur sous contrat dans plusieurs studios en avait soupé d’Hollywood et avait décidé de reprendre en mains sa carrière d’ingénieur en fondant son entreprise. Il fera fortune dans les pièces détachées pour radios d’abord, pour missiles ensuite et enfin pour hélicoptères. Jeanne à l’heure des fiançailles n’était pas loin de penser pareil à propos d’Hollywood. Marre du cinéma, de Hollywood et tout son saint-frusquin. Elle qui avait été fourguée dans le chorus de « Banana Split », agitant une banane géante dans l’ombre de Carmen Miranda rêvait depuis toujours d’une famille nombreuse et se voyait bien en simple mère au foyer avec une ribambelle de gamins.

Mais entre les fiançailles et les épousailles, Jeanne avait été parachutée en jeune soeur de Gene Tierney dans un mélo invraisemblable auquel personne ne croyait.  « Leave Her to Heaven ». Le film était surtout destiné à tester un nouveau procédé de pellicule couleur. Mais Gene Tierney en psychopathe suicidaire captiva les foules jusqu’à se retrouver en lice pour l’Oscar de la meilleure actrice et « Leave Her to Heaven » fit un authentique triomphe. Jeanne s’était très habilement faite remarquer dans un rôle pourtant ingrat et c’est une jeune actrice « lancée » qui devenait madame Brinkman!

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Comme souvent avec le FOX, les films qui suivirent ne furent pas à la hauteur de des espérances de l’actrice mais Jeanne fut très occupée par sa lune de miel à Las Vegas, l’aménagement de sa nouvelle maison et enfin par son premier enfant qui s’annonçait.

le 6 Avril 1947 son fils Paul Frederik vient au monde.

Jeanne est toute à sa joie mais les bonheurs du jour sont gâchés par les voisins qui se plaignent de son lion domestique Sha-Sha!  Le couple Brinkman se résoudra à confier Sha-Sha au Zoo mais ira le voir l’âme en peine toutes les semaines des années durant. Remise de son chagrin, Jeanne Crain n’aura de cesse que d’adopter un ourson puis un éléphanteau!

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Côté cinéma rien de bien palpitant ne se présente et elle perd le rôle de « La ménagerie de Verre » au profit de Jane Wyman pour cause de deuxième maternité. Le 21 Janvier 1949, son deuxième fils, Michael Anthony vient au monde. La jeune maman ravie clame à qui veut l’entendre qu’elle veut cinq enfants, elle en aura sept!

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Remise de sa maternité, Jeanne Crain affublée de couffins, de bambins et de nurses en tout genre peut enfin rejoindre les plateaux de la FOX pour des rôles plus intéressants.  »Chaînes Conjugales » d’abord où malgré l’omniprésence d’autres actrices comme Linda Darnell et Ann Sothern elle tire magnifiquement son épingle du jeu et enfin » Pinky ». La FOX avait acheté les droits bien décidée à donner le rôle d’une femme noire à une actrice noire ce qui était encore follement audacieux pour ne pas dire suicidaire. Léna Horne fut longtemps pressentie mais le studio céda sous les pressions. Le rôle échut à Jeanne Crain qui devint donc noire à l’écran.

Hollywood qui avait cédé aux pressions racistes d’une partie des Etats-Unis était maintenant fustigée par une autre partie du pays pour avoir confié le rôle d’une noire à une blanche. Sans doute dans un souci d’apaisement, l’académie des Oscar nomma Jeanne Crain pour avoir incarné une noire sous entendant par là que le choix de la FOX avait été judicieux. Il était clair que Jeanne Crain ne risquait pas d’être la lauréate de l’année pour ce rôle si controversé. C’est Olivia de Havilland qui l’emportera pour « L’Héritière » Mais Jeanne était bel et bien une des reines de la soirée puisque Mankiewicz était couronné pour l’avoir dirigée dans « Chaînes Conjugales ».

Crain, Jeanne

On peut alors espérer très légitimement que la Century Fox va faire de son actrice nommée aux Oscar une de ses très grandes vedettes mais c’est mal connaître les nébuleux rouages de ce studio. Jeanne Crain ne retrouvera jamais d’aussi beaux rôles que ceux de 1949. Et pour commencer, le studio l’évince de « Quo Vadis » au profit de Deborah Kerr. La bonne nouvelle lui arrive en même temps que celle de son éviction du rôle d’Eve dans « All About Eve » au profit de sa chère ennemie…Anne Baxter! Et pourtant, Mankiewicz ne voulait qu’elle!

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Le 2 Août 1950, son fils Timothy Peter vient au monde.

A peine remise de sa troisième maternité, Jeanne Crain se désole du peu de cas que fait d’elle la FOX. Elle exige de passer à des rôles plus sophistiqués et menace de se reconvertir à la télévision. Elle bataille pour être la partenaire de Cary Grant dans « People Will Talk » mais la FOX ne veut rien savoir. Le rôle ira à…Anne Baxter! Anne devant y renoncer pour cause de maternité, Jeanne reçoit le rôle avec un sublime mot d’encouragement du studio: « Oh et puis après tout tant pis, faites-le! »

Rien n’y fait! Le 2 mars 1952, sans avoir rien vu venir de bien palpitant, Jeanne met au monde son quatrième enfant et sa première fille, Jeannine Chérie.

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Entre ses maternités, la FOX lui a fait aligner cinq films sans intérêt si ce n’est « Dangerous Crossing » où elle est une jeune mariée dont l’époux adoré disparaît dès le départ du paquebot. Le rôle est alléchant, le personnage est mené aux portes de la folie. Entre les mains d’un Alfred Hitchcock cet élégant suspens serait probablement devenu un classique du genre. Entre les mains de Joseph N. Newman le soufflé s’effondre. Le réalisateur s’attache, entre autres trouvailles à ajouter une vois off sur les scènes clé de Jeanne pour expliquer au spectateur ce qu’elle pense ce qu’elle croit ce qu’elle compte faire. C’était bien la peine de tout jouer magnifiquement.

Lorsqu’elle fait savoir qu’elle est intéressée par « La Robe », le studio lui répond que le rôle est déjà dévolu à Jean Simmons!

Crain, Jeanne

Excédée, Jean partira en Europe avec son mari, laissant ses enfants à la garde de sa mère. Elle sera présentée à la reine d’Angleterre, partira tourner en Afrique et en profitera pour ramener des animaux au zoo de Los Angeles avec qui elle collabore activement depuis qu’elle leur a confié Sha-Sha. Rentrée à Hollywood, elle affiche une nouvelle rousseur flamboyante. Après avoir exigé des rôles de ladies distinguées qu’on ne lui a pas confiés, elle brigue des rôles de vamp qu’on ne lui confie guère plus. Excédée, Jeanne Crain quitte la FOX pour Universal après dix ans.

En 1955, Jeanne Crain est saluée comme une des dix plus belles femmes d’Hollywood. On en profite pour lui retirer le rôle d’Hélène de Troie qu’elle venait de rafler à Marilyn et qui après moult péripéties sera distribué au profit de Rossana Podesta alors strictement inconnue.

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En 1955 c’est aussi l’année où les Brinkman fêtent leurs dix ans de mariage.

Pour la délicate image d’Épinal de famille aussi parfaite que nombreuse c’est aussi le début de la fin. Le couple annonce son divorce en avril 1956. Tout le monde est effaré. Le week-end précédent on les avait vu danser tendrement enlacés dans un night club d’Hollywood. Lettres et télégrammes vont pleuvoir: « Ne faites pas ça, pensez aux enfants » « si vous divorcez il n’y aura plus rien de beau ni de solide à Hollywood. » Rien n’y fit. C’est le début d’un imbroglio dans lequel tout le monde va perdre son latin. Madame serait infidèle. Monsieur aussi c’est bien le moins. Et il n’y a pas que les dames qui ont ses faveurs. D’ailleurs il est violent, instable dépensier bref un monstre. Il y a divorce tonitruant chez les Brinkman. Et lorsqu’enfin ces deux là seront divorcés, ils s’installeront dans deux villas voisines de Santa Barbara et auront deux autres enfants!

Le 21 Novembre 1957, leur fille Lisabette vient au monde. Le 10 Janvier 1960, c’est au tour de Maria.

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Le cinéma n’a plus guère fait de cadeau à Jeanne Crain si ce n’est cet exploit qui résonne comme un baroud d’honneur: sa ressemblance avec la reine Néfertiti qu’elle incarne en 1961, dans un film hélas bien médiocre.

Le 25 Mai 1965, son fils Christopher vient au monde. Jeanne a 40 ans et n’est plus une star d’Hollywood depuis longtemps. Même si elle en mène toujours le tapage de plus en plus désuet. Elle est une vedette de la télévision et comme nombre de stars américaines de l’âge d’or tourne désormais ses rares films en Italie. Si les années 60 n’auront pas été très clémentes pour Jeanne Crain, les années 70 commencent de manière bien brutale. Sa soeur adorée perd la vie dans l’incendie de sa maison.

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Dévastée, fatiguée, Jeanne Crain honore ses derniers contrats et prend sa retraite irrévocable en 1972. C’est qu’elle a maintenant d’autres soucis que de briller à l’écran dans des rôles de vamp ou de lady sophistiquée.  Deux de ses fils sont victimes de ce que l’on a appelé « la malédiction des enfants de stars d’Hollywood » et Jeanne Crain se montrera complètement démunie face à leurs dépendances.

En 1992 son fils Michael est retrouvé mort dans un motel du comté d’Orange, vaincu par l’alcoolisme à 43 ans. Le 26 Mars 1997 c’est une overdose qui a raison de son fils cadet Christopher qui n’avait que 31 ans.

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Son mari ne vivait plus avec elle depuis bien longtemps. mais restés solidaires pour leurs enfants ils se voyaient chaque semaine et passaient leurs anniversaires ensemble.

Le 1 Octobre 2003, Paul Brinkman meurt à 85 ans. Jeanne Crain déjà très affaiblie par la maladie ne peut surmonter la perte de celui qui fut l’homme de sa vie. Elle s’éteint  le 14 Décembre de la même année. Elle avait 78 ans

Celine Colassin

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QUE VOIR?

1943: The Gang’s All Here: Avec Alice Faye et Carmen Miranda

1944: Home in Indiana: Avec Walter Brennan, June Haver et Charlotte Greenwood

1944: In the Meantime, Darling: Avec Frank Latimore

1945: State Fair: Avec Dana Andrews et Dick Haymes

1945: Leave Her to Heaven: Avec Gene Tierney et Cornel Wilde

1946: Centennial Summer: Avec Linda Darnell et Cornel Wilde

1946: Margie: Avec Glenn Langan et Lynn Bari

1948: You Were Meant for Me: Avec Dan Dailey

1948: Apartment for Peggy: Avec William Holden

1949: A Letter to Three Wives: Avec Linda Darnell et Ann Sothern

1949: Pinky: Avec Ethel Barrymore

1951: People Will Talk: Avec Cary Grant

1952: Belles on Their Toes: Avec Myrna Loy et Debra Paget

1952: Full House: Avec Anne Baxter et Fred Allen

1953: Dangerous Crossing: Avec Michael Rennie

1953: City of Bad Men: Avec Dale Robertson

1954: Duel in the Jungle: Avec Dana Andrews

1955: Gentlemen Marry Brunettes: Avec Jane Russell

1955: The Second Greatest Sex: Avec George Nader et Mamie van Doren

1957: The Tattered Dress: Avec Jeff Chandler

1960: Guns of the Timberland: Avec Alan Ladd et Gilbert Roland

1961: Nefertite, regina del Nilo: Avec Edmund Prudom et Vincent Price

1962: Col Ferro e col Fuoco: Avec Pierre Brice

1967: Hot Rods to Hell: Avec Dana Andrews

1972: Skyjacked: Avec Yvette Mimieux, Charlton Heston et James Brolin

 

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