Jean Wallace est l’une de ces blondes hollywoodiennes qui firent vendre plus de gazettes que de billets de cinéma. Et Jean a cette autre particularité d’avoir passé plus de temps dans les tribunaux que sur les plateaux. On pourrait parfaitement écrire tout un livre sur Jean Wallace sans jamais qu’il y soit question de cinéma.
Jean Theodora Walasek vient au monde le 12 Octobre 1923 à Chicago. Son père John est agent d’assurances et son épouse Mary-Agnès s’occupe des enfants. Le couple Walasek est un couple dysfonctionnel digne de Carmen et Don José. On s’aime on se hait, on se quitte, on se retrouve, on fait un nouvel enfant. Jean voue un amour absolu à sa maman mais la reproduction du schéma parental sera terrible pour elle.
En attendant, elle termine bien sagement son lycée lorsqu’elle rencontre, fortuitement dit-on, le producteur Earl Carroll.
Earl n’est pas le plus célèbre des producteurs mais il est aussi compositeur il travaille volontiers avec Busby Berkeley.
Ce n’est donc pas un hasard s’il fait débuter sa juvénile découverte dans « Ziegfeld Girl ». Petite silhouette perdue dans un bataillon de beautés made in MGM se trémoussant derrière Lana Turner, Judy Garland et Hedy Lamarr. Elle avait 16 ans lorsque Earl Carroll l’avait découverte. Elle en a 18 lorsqu’elle franchit les portes MGM.
C’est au studio qu’elle fait la rencontre de Franchot Tone. Acteur à tout faire du studio, Franchot a une allure de gendre idéal et restera célèbre pour avoir été le mari de Joan Crawford. Se dire que son mariage avec Joan fut la période la plus paisible de sa vie est dire beaucoup ! Ils se rencontrent fin juillet, le 18 octobre ils sont mariés. Jean a 18 ans, son mari très exactement le double. Il emmènera sa dulcinée en lune de miel dans son Canada natal, les chutes du Niagara, ça s’impose. Dès l’année suivante, des bruits de mésentente conjugale, démentis par Franchot courent les salles de rédaction. L’acteur n’est plus chez MGM et cherche un nouveau contrat à condition que sa belle épousée soit également engagée par le même studio. On est vivement intéressés dit-il chez Paramount.
Le 29 juillet 1943, leur fils Pascal Franchot vient au monde.
Le 16 septembre 1945 c’est son petit frère Thomas Jefferson qui vient compléter la famille.
La première sortie de Jean après sa seconde maternité est pour la Century Fox où on va lui faire passer un test.
Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, même si la carrière de Franchot est loin d’être au beau fixe et que depuis 1941, Jean n’a fait que vivoter dans les voies sans issues du cinéma. A peine l’a-on vue dans quelques rares films dont aucun n’a l’intérêt du premier. En mai 1946 après ce chef d’œuvre impérissable que fut « It Shouldn’t Happen to a Dog » à savoir « ça n’aurait pas pu arriver à un chien » et c’est peu dire, où elle se faufilait derrière Carole Landis, Jean Wallace tente de se donner la mort en s’empoisonnant.
Quelques vagues explications qui ne convainquirent personne pas même elle, Franchot annonça leur séparation en septembre. Jean confirme « Il est parti et m’a laissée seule avec les enfants ». Le temps que la nouvelle s’imprime, ils s’affichent ensemble un peu partout et Jean se fait virer de la Century Fox à force de refuser les rôles qu’on lui propose et qu’elle trouve indignes d’elle.
Jean déclare s’en ficher complètement, se teint les cheveux en « rose opalescent » et jure que Franchot et elle n’ont jamais été aussi heureux ensemble depuis qu’ils sont officiellement séparés. Pour confirmer, Franchot lui offre un vison sublime en plein mois de juillet et en août ils sont…Divorcés !
Le grand déballage peut commencer ! Tone serait infidèle, jaloux et ne l’interpelle qu’à force d’insultes. Pour Franchot elle est une irresponsable doublée d’une mère indigne. En plus elle a des fréquentations douteuses dont un certain Stompanato qu’elle disputerait à Lana Turner. Le comble étant que tous deux ont des témoins qui confirment leurs dires. Franchot aura finalement la garde de leurs deux garçons âgés respectivement de cinq et deux ans.
Au sortir de la salle d’audience, le divorce prononcé, Jean Wallace se jette dans les bras d’Howard Hugues puis s’envole pour Londres tourner « L’Homme de la Tour Eiffel » avec…Franchot Tone. Le tournage terminé les deux joyeux partenaires-divorcés ne rentrent pas en Amérique et s’offrent une lune de miel parisienne avec grand bal à l’opéra et tout l’attirail romanesque propre à la capitale française.
Au moment de rentrer au bercail, Jean confie sur le ton de la confidence que si son Franchot d’amour lui proposait de se marier à nouveau, elle dirait oui sans hésiter.
Arrivés à Hollywood, ils vivent sous le même toit « pour les enfants » mais ne se parlent pas. La mère de Jean vit avec eux, ainsi que la dernière petite sœur de Jean, Karol, âgée de 10 ans.
Cette fois les choses semblent définitivement envenimées entre les ex époux. L’un et l’autre s’affichent ostensiblement avec d’autres partenaires. Mais lorsque les vacances d’été arrivent, Jean emmène sa maman et sa petite sœur au Canada…Dans la maison de Franchot ! A la fin de 1949, en Novembre, Hollywood pourtant avide de ces situations sentimentales à rebondissements est lassée de ce sempiternel va et vient amoureux. « Vendredi Franchot Tone hurlait à la lune son amour pour son ex-femme, le lendemain il fait la fermeture du Mocambo avec Hedy Lamarr. Voilà bientôt dix ans que dure cette romance à éclipses.
En décembre, Jean commet une seconde tentative de suicide. C’est Noël et la petite Karol fête son anniversaire. Jean passe la journée à faire ses achats de Noël et préparer la fête d’anniversaire. Puis le soir elle tente de se faire hara-kiri dans la cuisine avec le couteau à viande.
Franchot a annulé leur rendez-vous explique sa mère. « C’était pour rire » explique Jean.
Hospitalisée, on crut que l’année 1949 en avait fini avec Jean Wallace. C’était mal la connaître. Le 24 décembre, la police de Los Angeles est appelée parce qu’une conductrice visiblement ivre a percuté une voiture en stationnement. La conductrice c’est Jean Wallace fraîchement libérée de clinique.
« Elle était ivre et presque nue sous son vison, elle ne portait qu’une petite culotte de dentelle noire ! »
« Quel mensonge crapuleux ! C’est tout à fait faux ! Elle était bleue ! »
Jean sera condamnée à une amende et évite la prison en remettant son permis de conduire à la cour.
Entretemps, elle avait épousé le capitaine Jim Lloyd Randall en janvier 1950. En juin elle demande l’annulation du mariage. La chose fait elle va se mettre au vert chez Franchot et l’attend sagement à la maison avec les enfants quand il rentre du studio. L’encre qui annonçait sa liaison avec Jackie Cooper fraîchement divorcé de Betty Grable ou avec l’écrivain Roy Higgins n’était pas encore sèche !
La Fox avait eu un de ses revirements coutumiers et après l’avoir renvoyée, l’avait réengagée. Aussitôt fait, Jean Wallace annonce qu’elle fait tout ce qu’elle peut pour se débarrasser de son contrat ! « Ce contrat ne m’est d’aucune utilité, ces gens -là ne savent même pas que j’existe ! »
En décembre 1950 c’est l’éternel retour devant les tribunaux. Jean demande la garde des enfants. Elle liste scrupuleusement les conquêtes de son ex-mari et fond régulièrement en larmes mais rien n’y fait. Tone conserve la garde des deux garçons. Ce nouvel épisode juridique aura donné lieu à un savoureux déballage qui fit les délices de la presse. L’affaire vire au grand guignol lorsque Barbara Payton, notoirement dans la vie de Franchot Tone s’incruste. Les deux femmes s’étripent. « Cette femme est une toxicomane notoire, elle entraîne le père de mes enfants dans la débauche ! Je l’ai parfois retrouvée chez moi, se baladant nue devant mes chers petits ! » Miss Payton s’insurge : « Cette garce m’avait piqué Stompanato ! » Hilarité générale au tribunal !
Et puis c’est l’accalmie dans le ciel d’orage. Jean Wallace a rencontré Cornel Wilde. Cornel Wilde qui est encore très marié avec Patricia Knight. Cinq jours seulement après que le divorce soit prononcé entre Cornel et Patricia, Jean et Cornel se marient. Nous sommes le 4 septembre 1951. Jean a 27 ans et l’heureux époux 35. Commence une époque d’autant plus bénie qu’elle est inattendue. Jean Wallace renonce à un second rôle dans un film de Joan Crawford qui ne lui apporterait aucune satisfaction artistique. Puis elle rechigne à donner la réplique à Vittorio Gassman car un tournage à New-York l’éloignerait trop de Cornel et de ses enfants. Cornel de son côté bataille pour l’avoir à ses côtés dans son prochain film. Tête de Shelley Winters qui se roule par terre et menace de s’immoler par le feu si on ne lui donne pas le rôle dont Jean ne veut pas. Pour lui faire plaisir, on le refilera à Gloria Grahame!
En attendant, Jean joue, à bon escient, l’épouse et mère idéale parfaite.
C’est précisément alors que Franchot a le dessous dans une bagarre homérique avec l’acteur Tom Neal pour les beaux yeux de Barbara Payton. C’est lui maintenant qui fait figure de père indigne.
Jean obtient, enfin, la garde de ses enfants.
Franchot, beau joueur déclare que la vie familiale avec Cornel et Jean est idéale pour les enfants et que l’amour de Cornel pour les deux garçons est merveilleux et pour tout dire inespéré. Jean lui renvoie l’ascenseur en déclarant : Franchot est leur père il est le bienvenu chez nous quand il veut et il le sait. Bientôt la presse encensera à son tour cette « merveilleuse famille » et de s’attendrir en les voyant s’embraquer vers le Maroc pour un tournage avec tous leurs animaux domestiques. Maintenant, Jean Wallace fait de très sérieux placements pour l’avenir de ses garçons et crée une société de production avec Cornel.
C’est le bonheur absolu en cet automne 1954. Mais il va être foudroyé. Jean Wallace perd sa maman adorée dans un accident. Elle a été fauchée par un chauffard qui a pris la fuite alors qu’elle traversait bien sagement dans les clous.
En 1967, après 13 ans d’une union sans nuage et une collaboration professionnelle sans faille, le couple Wilde-Wallace se complète d’un petit Cornel jr. Né le 19 décembre.
Le couple divorcera en 1980 après 26 ans de mariage.
Jean Wallace s’éteint le 14 février 1990, chez elle à Beverly Hills où elle vivait entourée de toute une ménagerie, tarentules et serpents compris. Elle est foudroyée par une hémorragie gastro-intestinale. Elle avait 66 ans.
Cornel Wilde s’éteindra en 1989, trois jours après avoir fêté ses 77 ans.
Celine Colassin
QUE VOIR ?
1941 : Ziegfeld Girl : Avec Lana Turner, Judy Garland et Hedy Lamarr
1941 : Glamour Boy : Avec Suzanna Foster et Jackie Cooper
1946 : It Shouldn’t Happen to a Dog : Avec Carole Landis
1947 : Blaze of Noon : Avec Anne Baxter et William Holden
1949 : The Man on the Eiffel Tower : Avec Franchot Tone et Charles Laughton
1951 : Native Son : Avec Richard Wright
1955 : The Big Combo : Avec Cornel Wilde
1963 : Lancelot and Guinevere : Avec Cornel Wilde
1970 : No Blade of Grass : Avec Nigel Davenport