Tous les cinéphiles ont au cœur le souvenir ému mais surtout très amusé de Jean Hagen dans le rôle de Lina Lamont dans « Chantons sous la Pluie »! Lina Lamont la star platine du cinéma muet affublée d’une voix de perruche en plus de tous les défauts de la terre et d’une cervelle trouvée par hasard dans un tube de mayonnaise!
Elle fut sublime, sidérante, hilarante et surtout très audacieuse! Les Oscars ne s’y trompèrent pas et elle fut nommée pour son interprétation qui touchait au génie. C’est Gloria Grahame qui l’évinça pour son rôle de linotte infidèle dans « The Bad and the Beautiful ».
Jean Hagen vient au monde le 3 Août 1923 sous le patronyme de Jean Shirley Verhagen à Chicago.
Très tôt la petite fille rêve de théâtre. A l’époque ceux de Chicago n’ont pas grand chose à envier à ceux de Broadway. Mais malheureusement pour les rêves et les ambitions de la petite demoiselle, la famille Verhagen déménagea pour l’Indiana!
C’est là qu’elle terminera ses études, débroussaillera les arcanes de l’art dramatique avant de partir tenter sa chance à Broadway et débuter une sensationnelle carrière…d’ouvreuse!
Les temps sont durs et la seule chance de Jean qui a spolié son patronyme de ses trois premières lettres pour devenir Jean Hagen est d’être engagée comme doublure de Judy Holiday. Judy qui jouerait même dans un théâtre en feu!
Heureusement, Katharine Hepburn s’est entichée de la pièce et souhaite en acquérir les droits pour interpréter « Adam’s Rib » à l’écran avec son cher Spencer Tracy.
Katharine ne renonçant jamais à rien, elle obtint gain de cause sur tous les plans. Fascinée par le jeu sensationnel de Judy Holiday, elle l’impose dans la distribution du film dans le rôle très conséquent de l’apprentie meurtrière à défendre au tribunal après avoir loupé au tir l’infidèle Tom Ewell!
Judy ayant découvert au contact de Katharine les manières haute époque des grandes dames, elle insista à son tour pour que Jean ait un rôle dans le film. Jean sera la froufroutante maîtresse de Tom Ewell, cause de tous les malheurs. Le film permettra non seulement à Jean Hagen dé débuter au cinéma, comme Judy d’ailleurs, mais également de se montrer travestie en bellâtre italien!
Le film fit un triomphe, Judy Holiday devint une star du jour au lendemain, Jean elle aussi avait été suffisamment remarquée pour être sollicitée pour des rôles intéressants.
Six mois plus tard elle a tourné trois films et tient le premier rôle féminin dans un film de John Huston « Asphalt Jungle ». Au générique une autre blonde décidément moins chanceuse: Marilyn Monroe.
Rares sont les actrices qui peuvent alors se targuer de tels débuts à la fois aussi rapides et si prometteurs!
En 1949 elle débute dans un rôle intéressant avec un duo de stars qui portent le film au triomphe avant qu’il ne soit considéré comme un des classiques Hepburn-Tracy.
En 1950 elle tourne trois films et noue une amitié qui durera jusqu’à la mort avec Ray Milland. 14 ans plus tard, passé à la mise en scène il lui offrira un premier rôle sous sa direction et à ses côtés dans « Panic in Year 0″.
L’année suivante, dirigée par Huston dans un nouveau succès où elle tient le premier rôle féminin, elle marque son nom une deuxième fois au générique d’un film qui deviendra un classique très estimé.
Un an plus tard encore, elle triomphe dans un autre chef d’œuvre du cinéma, « Chantons sous la pluie » et entre dans le cercle très prisé des actrices nommées aux Oscars. C’est son huitième film, elle aura mis trois ans entre ses débuts encore parfaitement inconnue jusqu’à la soirée des Oscars. l’année suivante toujours, dès 1953 elle fait ses premières apparitions à la télévision en décrochant un rôle récurrent dans la série « Make Room for Daddy » Ses prestations dans la série lui vaudront trois nominations aux Emmy Awards. Mais en conflit perpétuel avec la production, on préférera faire mourir son personnage pour se débarrasser d’elle. Une pirouette alors tout à fait innovante mais qui fera jurisprudence!
Jean Hagen mènera une carrière sur les chapeaux de roues jusqu’en 1964 où tout s’arrête net.
On mettra 12 ans avant de la revoir de ci de là, dans un épisode de série TV comme Starsky et Hutch ou Les Rues de San Francisco. mais ce n’est pas un retour, plutôt des adieux. Un an et quatre programmes TV plus tard elle s’efface, cette fois-ci pour de bon.
Le public n’a pas eu forcément le loisir de s’attacher à elle. l’actrice refusait les étiquettes et misait sur un travail diversifié dans des films qui lui paraissaient devoir être de qualité. Quitte bien sûr à refuser des rôles dont se délectaient Jane Russell ou Arlène Dahl.
Mais a chaque rediffusion d’Asphalt Jungle ou « Chantons sous la Pluie » il y a toujours bien quelqu’un pour s’interroger sur Jean Hagen. Ajoutons peut-être à ces deux exploits son court rôle d’allumeuse imbibée de gin dans « The Big Knife » de Robert Aldrich.
C’est que la vie privée de la dame aura hélas bien moins réjouissante que sa carrière. Un peu comme si l’actrice payait sa chance professionnelle par des coups du sort dans sa vie personnelle.
Le 2 Juin 1947, avant de débuter sa carrière, Jean Hagen s’était mariée avec Tom Seidel qui lui donnera deux enfants: Christine et Aric nés respectivement en 1950 et 1952. Mais Tom Seidel est un homme violent. Entièrement sous son emprise, la star éblouissante est dans la privé une femme entièrement dominée psychiquement et battue régulièrement comme plâtre. Elle ne réussira à s’extraire de cette domination mortifère qu’en 1965 où son mari la libère non par lassitude ou bonté d’âme mais parce que la maladie s’est déclarée et qu’il ne tient pas à s’encombrer d’une moribonde.
Jean Hagen est diagnostiquée souffrant d’un cancer de l’œsophage à seulement 40 ans. Après de nombreuses hospitalisations suite à ses mauvais traitements conjugaux, elle restera parfois hospitalisée plusieurs mois pour lutter contre son mal. Après une rémission d’un an qui lui avait permis de refaire un peu de télévision, Jean Hagen s’éteint le 22 Août 1977. Elle avait 54 ans depuis 19 jours.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1949: Adam’s Rib: Avec Judy Holiday et Tom Ewell
1949: Side Street: Avec Cathy O’donnell et Farley Granger
1950: Ambush: Avec Arlène Dahl et Robert Taylor
1950: The Asphalt Jungle: Avec Sterling Hayden
1950: A Life of Her Own: Avec Lana Turner
1951: Night into Morning: Avec Ray Milland, Nancy Davis et Dawn Addams
1951: No Questions Asked: Avec Arlène Dahl et Barry Sullivan
1952: Singing in the Rain: Avec Gene Kelly et Debbie Reynolds
1952: Carabine Williams: Avec James Stewart
1953: Latin Lovers: Avec Lana Turner et Ricardo Montalban
1955: The Big Knife: Avec Jack Palance
1957: Spring Reunion: Avec Betty Hutton et Dana Andrews
1959: The Shaggy Dog: Avec Fred McMurray
1960: Sunrise at Campobello: Avec Greer Garson et Ralph Bellamy
1962: Panic in Year Zero: Avec Ray Milland et Frankie Avalon
1964: Dead Ringer: Avec Bette Davis, Karl Malden et Peter Lawford