Jacqueline Porel

Autant l’avouer tout de suite, je suis une grande admiratrice de Jacqueline Porel. Une des actrices les plus injustement oubliées du cinéma français. Même durant ses heures de gloire, Jacqueline fut traitée avec bien moins d’aménité que certaines de ses consœurs dont bon nombre furent à la fois moins belles et moins talentueuses.

Cette très belle créature qui sera tantôt brune et tantôt blonde au cinéma avec un égal bonheur vient au monde à Divonne les Bains, petite ville thermale non loin de la frontière Suisse. Nous sommes le 14 Octobre 1918, bientôt l’armistice sera signé, joli cadeau de baptême qu’un monde en paix pour la petite Jacqueline Renée Parfouru-Porel. La petite nouvelle venue aura plus tard de qui tenir dans la carrière artistique. Si son parrain de baptême n’est autre que Louis Jouvet, ses grands parents sont le comédien Paul Porel qui sortit du conservatoire la même année que Sarah Bernhard mais préféra épouser l’illustre Réjane, qui n’est donc autre que la grand mère de la petite Jacqueline. Si Paul Porel est mort un an avant la naissance de Jacqueline, l’illustre Réjane la bercera deux ans avant de s’éteindre à son tour.

Ce couple illustre qui fut un des moteurs de la vie culturelle de Paris à la fin du XIXème siècle et au début du suivant avait eu deux enfants. La comédienne Germaine Porel qui ne fit qu’une carrière confidentielle et l’écrivain Jacques Porel qui ne fit pas non plus une carrière littéraire digne d’Emile Zola ou d’Alphonse Daudet. Ces deux-ci avaient pourtant trinqué à la naissance de la petite Jacqueline et s’étaient penchés, tels de bonnes fées un rien pompettes sur son berceau puisqu’ils étaient de grands amis de la famille Porel. Je continue cette saisissante généalogie de la famille en arrivant au mariage de notre écrivain Jacques Porel avec la très belle Anne-Marie Duval. Le couple de parents de notre Jacqueline en question. Couple qui finira cependant par divorcer très vite après la naissance de leur petite fille, monsieur souhaitant reprendre sa liberté pour épouser la comédienne Jany Holt.

Jacqueline Porel

Comme il se doit, notre héroïne grandit avec chevillée au coeur l’envie d’être comédienne à son tour.

Nous la découvrirons pour la première fois au cinéma dès 1935. Elle fêtera ses dix-sept ans lorsque son premier film « Les Beaux Jours » de Marc Allégret sera déjà sur les écrans. Pourquoi avec un tel lignage, un tel talent et une telle beauté, Jacqueline Porel ne devint-elle pas une étoile de toute première grandeur des écrans français? Je l’ignore. Toujours est-il que si elle eut de jolis rôles à défendre, ceux-ci allèrent en diminuant d’importance même si les films gardaient en prestige.

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Dès le début des années 50, la presse s’étonnait de cette carrière descendante. En 1953, alors qu’elle triomphe au théâtre des Ambassadeurs dans « Crime Parfait » avec Bernard Blier, on annonce enfin son « grand retour » dans un film de premier ordre « Tourments » qui marquera la rentrée au cinéma de…Tino Rossi. Jacqueline en sera pour ses frais. Le film est épouvantablement convenu, démodé avant d’être tourné.  Tino Rossi est encore plus exécrable acteur qu’avant avec sa nouvelle silhouette ventripotente qui le rend tout à fait ridicule dans son rôle de chanteur de charme adulé des femmes. Le grand retour n’a pas eu lieu. On la retrouve en 1960 sur le tournage d’un film mythique de Clouzot « La Vérité ». Elle est l’assistante de l’avocat de la défense Charles Vanel qui lui dit à propos de Brigitte Bardot: « Comment me l’avez-vous attifée? Pas trop putain au moins? » Ce à quoi Jacqueline répond de manière distinguée: « Non, pas du tout, c’est même le contraire, mais avouez qu’elle est difficile à enlaidir! » C’est sa seule réplique. Un comble si on se souvient qu’en 1942, son sketch dans « La Femme que j’ai le plus aimée » était d’égale importance à ceux d’Arletty et de Mireille Balin!

jacqueline porel

Mais déjà à l’heure de la « Vérité », la presse s’était faite l’écho de la mauvaise passe de longue durée que traversait l’actrice.

Pour vivre, elle travaillait dans un bar coté de la capitale: « La Licorne », où vêtue d’une jolie jupette de péplum, elle recevait les invités célèbres, veillait à leur bien être, à la température du champagne et faisait valser quelques ministres! En gros elle mettait l’ambiance, perchée sur des talons aiguilles, les fesses presque à l’air et poussait à la consommation. Et sans doute n’y mettait-elle pas assez d’entrain puisque « La Licorne » offrit gracieusement à toute la presse cinéma quelques clichés de Jacqueline dans ses oeuvres nocturnes prises à son insu.

La dame alignait pourtant une jolie brochette de tournages, mais sa présence n’était parfois plus requise qu’une heure ou deux.

Par contre, dans la France puritaine de ces années là, on parla moins de sa longue liaison avec Henri Salvador. Pensez-donc! une actrice blanche et distinguée avec un « nègre » de jazz band! Le fils qui naîtra de cette belle histoire secrète sera reconnu par le mari très officiel cette fois qui succéda en 1941 à Henri Salvador dans les affections de Jacqueline: l’acteur François Périer. Le couple aura deux enfants légitimes, ce qui lui en fait donc trois!

Le photographe Jean-Marie Périer qui fera la gloire de « Salut les Copains »

La journaliste Anne Marie Périer qui fera les beaux jours de « Elle »

Le cinéaste Jean-Pierre Périer qui décède à 23 ans.

Divorcée de François Périer en 1947, lequel se remariera deux ans plus tard avec Marie Daems, Jacqueline de son côté se remarie en 1951 avec le comédien Gérard Landry. Le couple restera uni jusqu’à la mort. Celle de Gérard Landry en 1999. Ils auront un fils, le comédien Marc Porel qui lui-même décède à Casablanca d’une overdose en 1983 à l’âge de 34 ans. Ceci bien que la version officielle de ce décès brutal soit une méningite.

jacqueline porel

On le voit, la vie privée de Jacqueline Porel fut bien plus agitée que son passage sur les écrans et le casting en est relativement intéressant puisqu’elle eut comme belle-fille la chanteuse Dani qui fut longtemps la compagne de Jean-Marie Périer, et comme gendre officiel…Michel Sardou!

Une vie hélas entachée par les insurmontables douleurs que sont la mort de deux fils fauchés dans la force de l’âge. Le destin qui n’en avait pas fini avec elle lui infligera la mort de sa petite fille Bérangère , la fille cadette de Marc Porel qui décède à 23 ans. Après la mort de Marc Porel qui fut un des plus grands espoirs de sa génération, sans doute le plus bel acteur de son époque et qu’avaient pris sous leurs ailes Alain Delon et Jean Gabin, Jacqueline Porel se tiendra à sa décision de ne plus se montrer aux écrans prise en 1977.  Elle ne remontera plus jamais sur scène et cette grande dame du doublage aussi sollicitée que Martine Sarcey ne se fera plus que très rarement entendre. Parce qu’il faut bien manger. Les souvenirs oubliés du cinéma ne nourrissent pas.

Elle gardera toute sa force et toute son énergie pour hurler sa rage face à la mort de son fils Marc et se battra pour que l’on trouve les « assassins de son fils ». Car selon les dires de Jacqueline Porel, la Mort de Marc Porel n’avait rien à voir avec une overdose accidentelle.

Jacqueline Porel était toujours des nôtres jusqu’au 28 Avril 2012. Jour où elle ferma à tout jamais ses beaux yeux. Jacqueline envers qui nous avons failli, car nous n’avons pas pris la peine d’accorder la parole à cette grande dame du cinéma français pour recevoir quelques uns de ses précieux souvenirs d’un cinéma déjà lointain mais que nous aimons tant.

Jacqueline fut la voix française de Deborah Kerr, Lana Turner, Audrey Hepburn et Maureen O’Hara.

On s’excuse du peu!

Jacqueline avait 93 ans à l’heure de son décès survenu en Haute Savoie.

Celine Colassin

jacqueline porel

QUE VOIR?

1938: Altitude 3200:Avec Odette Joyeux, Blanchette Brunoy, Bernard Blier et Maurice Baquet.

1941: La Romance de Paris: Avec Charles Trenet, Jean Tissier et Yvette Lebon.

1942: La Femme que j’ai le plus Aimée: Avec René Lefèvre

1946: Mensonges: Avec Gaby Morlay et Jean Marchat

1947: Tierce à Cœur: Avec Sophie Desmarets et Henri Guisol

1949: Mon Ami Sainfoin: Avec Sophie Desmarets, Louis de Funès et Pierre Blanchar

1952: La Vérité sur Bébé Donge: Avec Jean Gabin et Danielle Darrieux.

1952: La Jeune Folle: Avec Danièle Delorme, Henri Vidal et Gabrielle Fontan

1952: Brelan d’as: Avec Raymond Rouleau

1953: La Pocharde: Avec Monique Melinand et Pierre Brasseur

1954: Vestire gli Ignudi: Avec Pierre Brasseur et Micheline Francey

1954: Tourments: Avec Tino Rossi et Blanchette Brunoy

1955: Razzia sur la Chnouf: Avec Jean Gabin et Magali Noël

1956: Ce Soir les Jupons Volent: Avec Sophie Desmarets et Anne Vernon

1958: Germinal: Avec Jean Sorel, Pierre Brasseur et Berthe Granval

1960: La Vérité: Avec Charles Vanel et Brigitte Bardot.

1960: La Française et l’Amour: Avec Darry Cowl, Micheline Dax et Paulette Dubost.

1960: Marie des Isles: Avec Belinda Lee, Magali Nöel, Dario Moreno et Jacques Castelot

1962: Le Repos du Guerrier: Avec Brigitte Bardot et Robert Hossein

1962: Le Couteau dans la Plaie: Avec Sophia Loren et Anthony Perkins

1963: Germinal: Avec Berthe Granval et Jean Sorel

1964: Jean-Marc ou la Vie Conjugale: Avec Marie-José Nat et Jacques Charrier

1964: Françoise ou la Vie Conjugale: Avec Marie-José Nat et Jaques Charrier

1970: La Promesse de l’Aube: Avec Melina Mercouri et Didier Haudepin

1977: Une Femme, Un Jour: Avec Caroline Cellier et Jean-Luc Bideau.

 

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