Irina Dziemach naît le 16 Octobre 1936 à Pommeuse en Seine et Marne. De nationalité Française, la petite fille vient au monde dans une famille d’immigrés juifs-polonais et « francisera » son patronyme en Demick lorsqu’elle fera ses débuts de mannequin. Elle a un frère qui plus tard deviendra ingénieur en électronique. Au début des années soixante, au journaliste Jean Vietti qui lui parlait de ses origines Russes, elle répondit « Je ne suis pas d’origine russe, je suis une citoyenne soviétique!«
Irina était venue à Paris dans le ferme espoir de devenir une « dessinatrice de mode », ancienne dénomination du métier de styliste, et fit avec ses croquis le tour des maisons de couture. Les avis furent unanimes: les croquis ne valaient rien mais Irina était très belle et connaîtrait à coup sûr plus de succès en présentant les robes qu’en les dessinant! Ce qu’elle fit. Elle eut très vite une jolie renommée de mannequin international. L’Allemagne en particulier s’enticha d’elle. En un an elle s’était installée avenue Paul Doumer à deux pas de chez Brigitte Bardot et s’était offert, d’occasion, une rutilante Austin Hayley rouge. Elle conduira d’ailleurs son petit bolide près de trois ans avant de trouver le temps de…passer son permis!
En 1959, le cinéma s’intéresse à cette très belle « Parisienne dans le Vent » et elle fait de modestes débuts dans l’ombre de Pascale Petit dans « Julie la Rousse » (si tant est que Pascale puisse faire vraiment de l’ombre à la belle Irina). Si son apparition devant les cameras ne bouleversa pas l’histoire du septième art, elle bouleversa le producteur Darryl F. Zanuck.
Leur rencontre fut fortuite. Un cocktail chez des amis communs. Zanuck avait rompu avec Greco et de son propre aveu, il cherchait « un nouveau visage » pour « Le Jour le Plus Long » qui se préparait. Il s’agissait d’incarner un personnage réel et encore de ce monde, la résistante française madame Gilles. Ce bon Zanuck a une marotte qui est de faire de sa petite amie en date une star de cinéma. Et tant qu’il y est, l’homme n’hésite pas à mettre en chantier des films aux budgets parfois colossaux pour leur permettre d’y briller dans un écrin digne de leur merveilleuse beauté et de leur grand talent. Ce bon papa Zanuck comme disait Juliette Greco s’est déjà entiché de la Juliette en question, de Bella Darvi, maintenant d’Irina, plus tard viendra la belle Geneviève Gilles. On remarquera que pour aucune de ces « découvertes », le public ne partagea l’admiration de Zanuck. Il est d’ailleurs amusant de comparer aujourd’hui ces dames, on se rend alors très vite compte qu’elles ont toutes un point commun, celui d’une profonde lassitude affichée. Zanuck aime la belle désabusée semble-il.
Fidèle a ce qui est une tradition, il va imposer Irina dans sa prochaine production à gros budget: « Le Jour le Plus Long ». Or, la Century Fox dont Zanuck est le vice président souffre à l’ époque du tournage titanesque de « Cléopâtre » qui pulvérise les dollars aussi sûrement qu’une machine à confetti. Le tournage s’en ressent, la bonne humeur ne règne pas. Irina à qui Zanuck n’a rien à refuser ne voit pas pourquoi au nom de la crédibilité historique dont elle se fiche, elle devrait s’attifer comme les Andrews Sisters avec une robe à fleurettes, le chignon de Betty Grable et des semelles de bois! la voici donc qui déboule sur les plages du débarquement en bicyclette, parachutée en droite ligne du défilé haute couture 62-63 de chez Dior! Elle a les cheveux tellement crêpés qu’elle a l’air téléportée avec son vélo depuis la fête d’anniversaire de John Lennon!
Si en 1962 lorsque le film sortit, le public avait au moins l’habitude de voir ces coiffures et ces robes en ville. Lorsque l’on revoit le film aujourd’hui, Irina est complètement anachronique et a plutôt l’air d’une chanteuse de l’eurovision que d’une courageuse résistante! A tout prendre, il vaudrait mieux supprimer son rôle avant de rediffuser le film. Ce n’est pas une honte en soi. Arletty et Madeleine Renaud ont elles aussi « sauté » au montage final. Ce n’est pas le talent ni même la beauté d’Irina qui sont en cause mais bien les travers d’une époque où l’on croyait la choucroute capillaire éternelle et intemporelle jusqu’à en couronner les actrices distribuées dans des rôles de gentes dames des temps moyenâgeux ou croisant le fer d’après l’oeuvre de Dumas! Zanuck ne s’avouera pas vaincu. Irina Demick doit être considérée comme une grande star avec tous les égards qui lui sont dus, il le veut! Le producteur l’impose à Anthony Quinn, producteur de « La Rancune » avec Ingrid Bergman. Soit Irina est dans le film, soit la Century Fox ne le diffusera pas. C’est ainsi qu’elle joue une sorte de servante un tantinet simplette d’un village perdu, encore plus crêpée que « Dans le Jour le plus Long », ornant cette fois son édifice capillaire en nid de cigogne de deux couettes postiches pour faire « gamine », telle la Sheila de « l’école est finie ».
En 1964, le 12 Octobre, Irina débarrassée de son mentor épouse un « richissime industriel », Philippe Wahl. Mais le cinéma pour qui elle est « celle qui a couché avec Zanuck » et celle que l’on a imposée, se désintéresse de sa personne. La belle n’ayant pas connu un véritable succès populaire personnel durant son « protectorat ». Et puis, comme cela arrive parfois, Irina est de celle qui manqueront de chance. En 1964, Marcel Carné a tranché en sa faveur pour être sa « Dame aux Camélias » ce qui lui vaudra une profonde rancœur de Jeanne Moreau qui se serait damnée pour le rôle. Elle doit ensuite enchaîner avec « Epitaphe pour un Ennemi », l’adaptation au cinéma du roman de Georges Barr avec Oskar Werner. Aucun des deux films ne se fera. « Epitaphe pour un Ennemi » est définitivement abandonné. La prochaine « Dame aux Camélias » verra le jour en 1969 sous les traits de Danièle Gaubert.
Sentant que sa carrière mort-née lui échappe tout à fait, Irina qui est la maman comblée d’une petite Marie-Emmanuelle pose joliment avec son mari et son enfant, déclarant à la presse « Je serai celle qui préfèrera toujours la bonheur à la gloire ». Ce qui est d’ailleurs très probablement vrai.
On avait pourtant abreuvé la belle déloges dithyrambiques lors de ses débuts, certains même étant quelque peu tirés par les cheveux pour ne pas dire dus à quelques excès de stupéfiants : « Elle a l’éclat d’une fleur de serre, l’éclat d’une rose noire à reflets roux » ou « La luminosité de sa beauté se subit tant l’attrait de sa personne est violent« . La belle Irina ne fut jamais dupe et répondait « On me fait une confiance formidable en me confiant ce rôle, je travaille dur pour en être digne« , essayant de ramener les journalistes délirants vers le film qui se tournait plutôt que vers Zanuck ou ses propres attraits physiques.
On la reverra de temps en temps, et plus particulièrement dans « Le Clan des Siciliens », maîtresse de Delon et belle-fille de Gabin.
Mais là encore son jeu un peu « éteint » ne bouleverse pas outre mesure le public qui aurait, soyons-en sûrs, préféré Marlène Jobert ou Marion Game dans le rôle.
Irina Demick s’éteint dans une discrétion absolue le 8 Octobre 2004 à Indianapolis, elle avait 68 ans.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1959: Julie la Rousse: Avec Pascale Petit
1962: Le Jour le Plus Long: Avec Bourvil, Richard Burton et John Wayne.
1963: OSS 117 se Déchaîne: Avec Kerwin Mathews
1964: la Rancune: Avec Ingrid Bergman et Anthony Quinn
1965: Ces Merveilleux Fous Volants dans leurs Drôles de Machines: Avec Stuart Whitman et Sarah Miles
1965: La Métamorphose des Cloportes: Avec Lino Ventura, Georges Géret, Charles Aznavour et Maurice Biraud
1967: Tiffany Mémorandum: Avec Ken Clark
1968: Prudence et la Pilule: Avec Deborah Kerr et David Niven
1970: Die Weibchen: Avec Ushi Glas et Françoise Fabian
1972: Les Canons de la Dernière Chance: avec John Garko