Ah voilà un destin comme je les aime: décalé, ébouriffant, hors du commun. Reflet d’une époque révolue où brillaient des femmes aussi belles que talentueuses et aussi talentueuses qu’effrontées. Bref des déesses de charme et de liberté dont les destins, hélas, s’effacent des mémoires.
Gina Malo naquit en 1909 à Cincinnati sous le nom de Janet Flynn. Ce qui ne l’empêchera pas plus tard de gagner Broadway. Se sachant belle et bonne chanteuse, elle s’y présente comme une authentique vedette parisienne, se fichant bien de son accent yankee à couper au couteau. Quant à venir de Paris, jusqu’ici le trajet qui l’avait menée de Cincinnati à New-York restait le plus fabuleux voyage de sa jeune vie!
D’une beauté fatale, elle fut engagée séance tenante par Ziegfeld qui l’ajouta au nombre des beautés de ses Folies. Mais se trémousser sous des tombereaux de paillettes parmi une armada d’autres beautés fatales n’était pas le but ultime de l’ambitieuse Janet devenue comme on s’en doute Gina Malo. Elle continua de courir les auditions et fêta ses vingt ans en vedette de la revue « La Nouvelle Lune » où elle pouvait s’époumoner de tout son saoul! Le succès fut au rendez-vous, le spectacle tint une année complète et Gina continua d’abreuver en français les reporters interloqués qui ne comprenaient pas toujours tout, et ceci, même s’ils étaient eux-mêmes français! D’ailleurs, Gina allait prouver ses dires en gagnant la France et sa capitale et en y devenant la reine d’une comédie musicale intitulée « Broadway » . Puis, la réalité ayant rejoint la fiction avant de la dépasser, elle retourna à Broadway sauver un spectacle en panne.
La star française Lily Damita avait planté là son spectacle en cours pour répondre au lancinant appel des sirènes hollywoodiennes, et puisque le rôle était celui d’une française, le nom de Gina Malo s’imposa tout naturellement! On fut évidemment fort surpris du français de la remplaçante. Mais Gina chantait tellement mieux que Lily. Tout le monde fut ravi du changement et fit de louables efforts pour comprendre ce qui se disait entre deux chansons!
Après une comédie musicale moins bien inspirée qui fit un four, mais entre Ruby Keeler et Al Jolson, Gina regagna l’Europe où on lui offrait à nouveau un grand rôle. Cette fois ce fut Londres où elle triompha. Ses spectacles affichaient sold out, ses disques se vendaient comme des petits pains et le cinéma anglais fit appel à elle. Elle devint sous la direction d’Alexander Korda l’ultime partenaire de Douglas Fairbanks à l’écran dans « The Private Life of Don Juan », honneur qu’elle partagea avec Merle Oberon, madame Korda dans le privé. En quelques films elle devint une star incontournable et cumula les succès sans relâche. En 1937, en coup de vent, elle trouvait le temps d’épouser le dramaturge Romney Brent avant de filer sur le plateau de son prochain succès.
Et puis la guerre vint. Le couple Brent s’embarqua pour New-York sur un des derniers paquebots en partance. Persuadée d’être accueillie comme une reine mâtinée d’enfant prodigue et prodige, elle ne trouva à se mettre sous le talent qu’un rôle moyen dans un film d’horreurs de série B: « La Chambre des Horreurs ». Elle dut alors bien regretter de n’avoir pas incarné Anna Held dans « The Great Ziegfeld », rôle qui valut un Oscar à Luise Rainer et qu’elle avait décliné.
Après avoir conquis Broadway, Paris et Londres, c’est à Toronto qu’elle trouvera ses meilleurs rôles durant toutes les années guerre. Elle était en scène avec Hamlet lorsque l’armistice fut déclaré mais on ne la revit jamais au cinéma. Elle y était apparue pour la dernière fois en 1940, elle quittait donc définitivement l’écran à 31 ans.
Elle-même s’éteignit, jeune encore, le 30 Novembre 1963 à New-York, elle n’avait que 54 ans.
Celine Colassin.
QUE VOIR?
1934: Lily of Killarney: Avec John Garrick
1934: My Song For You: Avec Aileen Marson et Jean Kiepura
1934: The Private Life of Don Juan: Avec Douglas Fairbanks et Merle Oberon
1936: Southern Roses: Avec George Robey
1940: La Chambre des Horreurs (Le Chambre aux sept Serrures): Avec Lilli Palmer