Dans sa conduite obsessionnelle à toujours chercher et reproduire la même femme, Roger Vadim croise un jour la route de la jeune adolescente Gillian Hills.
(Ou plus exactement il reçoit une lettre et sa photo. La lettre lui importa peu mais la photo lui plut beaucoup)
Cette jeune fille d’origine anglaise née au Caire le 5 Juin 1944 n’a que 14 ans lorsqu’elle fait la rencontre d’un Vadim nullement dérouté par son jeune âge.
Il en a fini de façonner Brigitte Bardot, il s’acharne maintenant sur sa nouvelle épouse la danoise Annette Stroyberg.
Vadim est alors en pleine préparation de son film le plus ambitieux : « les liaisons dangereuses 1960″ avec ladite Annette, Jeanne Moreau, Gérard Philippe, Jean-Louis Trintignant et Simone Renant. Il confie d’emblée le rôle de Cécile de Volanges à Gillian Hills en qui il voit une nouvelle version de son habituel fantasme. La longue chevelure blonde de Gillian qui lui balaie les reins doit y être pour quelque chose
Aussitôt bien sûr la presse s’empare de Gillian et fait d’elle une célébrité avant même qu’elle n’ait tourné quoi que ce soit. Dans la candeur de ses 14 ans, elle déclare que Vadim est le seul metteur en scène à qui elle a écrit car il a beaucoup de talent. La journaliste France Roche aura la candeur elle aussi de souligner que les films de Vadim sont interdits aux petites filles de 14 ans, ce à quoi Gillian réponds: «Oh, je sais, je n’en ai vu aucun, mais c’est ma maman qui m’a dit que… »
Mal en prit aux proclamateurs de nouvelles découvertes sensationnelles car Vadim estima Gillian « insuffisante » et la relégua au fin fond de son casting, Jeanne Valérie devint Cécile.
Pour un public qui aime brûler ce qu’il a adoré la veille, Gillian n’est plus « La Nouvelle B.B. », elle est un « ancien ratage de Vadim ». Pourtant la jeune femme ne démérite pas dans son travail d’actrice et en 1964 elle accepte de partir tourner sur le fleuve Amazone malgré les risques de toute sorte qu’un tel voyage représente encore en 1964 ! Malheureusement pour elle, « Les Aventuriers de la Jungle » passera tout à fait inaperçu !
La jeune excommuniée du cinéma connaîtra une aimable revanche, car les années 60 se profilent et avec elles la vogue des idoles Yéyé.
Gillian se fraie un chemin dans la chansonnette et s’offre même le luxe de voir Aznavour et Gainsbourg composer pour elle. N’est-elle pas la créatrice de « Zou Bizou » remis à l’honneur avec la série « Mad Men» ?
Le duo Gainsbourg-Gillian Hills « Vous prendrez bien une tasse d’anxiété » est fort injustement méconnu et Gainsbourg en dragueur pervers dans son cabriolet Sunbeam pour le scopitone de la chanson est à redécouvrir.
La carrière de Gillian ne décolle jamais vraiment. Elle aborde pourtant sereine les années 70 avec un look néo hippie-chic qui lui va bien, sa guitare et de jolies chansons.
Georges Franju lui offre la vedette féminine de « La faute de l’abbé Mouret ». Un film hélas épouvantable, bide artistique critique et commercial avec un Francis Huster qui donne la pire interprétation que l’on puisse imaginer. Dès que la pauvre Gillian s’en approche elle semble lui faire l’effet d’une craie qui crisse sur un tableau.
Gainsbourg, toujours lui se souviendra de Gillian et fera appel à elle pour son film « Je t’aime moi non plus » en 1976.
Étrangement, ce film cultissime semble échapper aux fans de Gillian Hills qui l’oublient automatiquement dans sa filmographie…
Celine Colassin
QUE VOIR?
1959: Les Liaisons Dangereuses: Avec Gérard Philippe et Jeanne Valérie.
1960: L’Aguicheuse: Avec Noelle Adam
1965: Les Aventuriers de la Jungle: Avec Gil Delamare
1966: Blow-Up: Avec Jane Birkin et David Hemmings.
1970: Nana: Avec Anna Gael
1970: La Faute de l’Abbé Mouret: Avec Francis Huster
1974: La Bonzesse: Avec Sylvie Matton et Olga Valéry
1976: Je T’aime Moi Non Plus: Avec Jane Birkin et Joe Dallesandro
1983: Le bourreau des cœurs: Avec Aldo Maccione