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Avec la fabuleuse Geneviève Page, j’ouvre l’une des pages les plus prestigieuses de ce blog. Cette comédienne française belle et racée a la voix la plus fabuleuse de toute l’histoire du cinéma. Elle assène chaque réplique avec un art consommé et fait d’un banal « passez-moi le sel » un petit chef d’oeuvre de spiritualité. Ajoutons qu’à celà elle fit une carrière vraiment très prestigieuse et qu’Hollywood soi-même, conquis, lui confia de beaux rôles en technicolor et panavision.

Geneviève Page est vraiment une très grande dame du cinéma dans l’expression la plus élogieuse du terme. Je suis vous l’avez compris une inconditionnelle absolue de cette actrice sublime et grandiose. Émotion que je partageais avec un autre inconditionnel de Geneviève: feu Billy Wilder!

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Notre héroïne naît Geneviève Anne Marguerite Bonjean le 13 Décembre 1927 à Paris. Cette jeune demoiselle a la beauté spirituelle des « parisiennes » de son temps et se rêve actrice depuis toujours. Elle suivra donc les cours du conservatoire d’art dramatique de Paris et sera, diplôme en poche, accueillie à la Comédie Française, la voie royale pour les jeunes comédiennes, en un mot comme en cent, Geneviève n’aurait pu mieux faire! Mais les grands talents féminins de l’époque furent semble-ils réfractaires aux rouages internes de la vénérable maison de Molière et telle Jeanne Moreau sa cadette d’un mois ou Annie Girardot, benjamine de plusieurs années, Geneviève quitta la prestigieuse institution. Pour les mêmes motifs que Jeanne Moreau d’ailleurs: Le TNP et le talent fantastique de Gérard Philipe qui les éblouissait comme deux phalènes devant un bec de gaz. Geneviève sera sa partenaire sur scène, notamment dans « Lorenzaccio » que l’acteur revisitait et dont l’interprétation allait entrer dans la légende avec celle qu’il donna du « Cid ».

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L’époque est fertile en grands talents sur les planches parisiennes. Il y a Jeanne Moreau qui très vite conquerra son auréole de star, se chanellisant l’allure et ne détestant pas jouer les grandes dames, Annie Girardot qui préférera conquérir un public plus populaire en renonçant, momentanément il est vrai, aux grandes œuvres hermétiques d’auteurs torturés. Suzanne Flon, certes un peu plus âgée mais qui s’accapare de tout ce qui demande subtilité et fragilité Silvia Monfort l’inclassable que l’on dit laide et qui est si belle, et Geneviève enfin qui choisit purement et simplement l’excellence, l’absolue perfection.

Suzanne est née en 1918, Silvia en 1923 Geneviève en 1927, Jeanne en 1928 et Annie en 1931.

Côté cinéma, Geneviève avait déjà tâté du bout de ses doigts délicats cette opportunité éventuelle mais elle éclata littéralement face à Gérard Philipe (qui d’autre?). Gérard Philipe qui en « Fanfan la Tulipe » se consume d’amour pour la fabuleuse madame de Pompadour qu’interprète Geneviève avec tant de suave autorité que l’on comprend parfaitement qu’il n’ait d’yeux que pour elle quitte à ne pas même s’apercevoir des charmes pourtant percutants de son autre partenaire, miss Gina Lollobrigida en personne et alors au faîte de sa flamboyante beauté.

L’année 1950 fut sensationnelle en découvertes fracassantes pour le public français puisque non seulement Gina Lollobrigida venait d’incendier les écrans avec « Fanfan » mais Martine Carol entrait dans la légende en devenant pour l’éternité « Caroline Chérie ». On n’avait jamais eu, de mémoire de public un tel flamboiement de nouvelles icônes sensuelles et belles à damner tous les saints de paradis! Gina  devint Lollo, une véritable institution lovée bien au chaud dans tous les cœurs et Martine serait la star la plus populaire des années 50. Ces deux-là allaient à elles seules couvrir tous les murs des casernes, des dortoirs et des cellules. Geneviève n’était pas de celles-là. la célébrité d’une « Lollo » est aussi étrangère à son univers qu’un marteau et une enclume pour un canari.

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Accaparée par son cher théâtre, elle ne paraissait sur les écrans que dans des films qui l’intéressaient et représentaient une véritable challenge pour l’actrice. Pas de « Mon curé chez les Papous » ou « Le Gendarme fait des Frites » pour Geneviève Page.

Elle préférera le rôle ambigu et pour tout dire risqué d’une fille mère acceptant une étrange proposition de Michel Simon dans « L’Étrange Désir de Monsieur Bard ». Ambigu parce que si la proposition de Michel Simon, autocariste souhaitant épouser une fille mère pour avoir une descendance part d’un bon sentiment, la « fille-mère » en question l’interprète d’une toute autre manière et l’accepte quand même! Le film n’eut aucun succès, le public était trompé par le générique qui réunissait également, outre Michel Simon: Rellys, Louis de Funès,  Yves Déniaud, Georgette Anys et Paul Frankeur croyant se retrouver devant une joyeuse gaudriole et non devant un film au sombre scénario signé Barjavel.

Ce pauvre public était dérouté plus encore par quelques scènes de joyeuse comédies dont une bagarre générale à coups d’œufs frais qui aurait eu sa place dans un Laurel et Hardy. Mais Geneviève avait d’autres chats à fouetter que de s’inquiéter des qualités que le film, une fois terminé, avait ou n’avait pas. Elle se dépêcha de tourner  les »Nuits Andalouses » sur un autre scénario commis par René Barjavel puis se précipita dans les bras de…Robert Mitchum!

C’est que Hollywood, voyez-vous, lui faisait les yeux doux, et puisqu’on lui proposait un bon rôle….Un rôle comme elle les aime dans un film comme elle les aime.  »Foreign intrigue » est un film d’espionnage on ne peut plus classique et il serait bien inutile d’y chercher autre chose qu’une distraction d’une heure et vingt six minutes. Mais enfin, il est bien fait, bien ficelé, destiné à satisfaire un large public et se donne les moyens de le faire. Le personnage de Geneviève est le personnage ambigu de l’intrigue, Est-elle la brune alliée ou la fourbe traîtresse? (la blonde inévitable est ici Ingrid Thulin)

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Car Geneviève Page, pour être une comédienne d’exception n’est pas de celles qui cherchent à briller dans des « Œuvres majeures » d’intellectuels nombrilistes, et nul doute qu’elle aurait rejeté les scénarii de « L’Avventura » ou de « L’Année Dernière à Marienbad » si on les lui avait proposés. Geneviève aime à savoir que le public qui la paiera pour la voir en aura pour son argent. Pas de films minables, pas d’œuvres « pointues ». Ce qui ne veut pas dire qu’elle mène une carrière sans risques et ce qui ne veut pas dire non plus qu’elle ne commettra pas d’erreurs. Mais en attendant, Hollywood se frottait les mains! On était très content de la petite Française au pays de l’oncle Sam!

Geneviève Page allait finir la décennie sous les feux du cinéma Hollywoodien, allant de la « silly comédie » avec David Niven aux grandes épopées ambitieuses comme « Michel Strogoff » ou « Le Cid ». Elle allait commencer la suivante auréolée d’un prestige mondial rarement égalé et se partagera avec un égal bonheur entre le cinéma américain et le cinéma français avec quelques incursions italiennes.

Si elle débute les années 60 avec « Le Cid » face à Charlton Heston et Sophia Loren, elle les termine en étant la vedette féminine de « La Vie Privée de Sherlock Holmes » dirigée par Billy Wilder. Inutile donc de préciser que le prestige de l’actrice n’avait pas pris une ride en dix ans, que du contraire! Ne l’avait-on pas vue, gracieuse et rayonnante au festival de Cannes 1964 posant en simple robe claire et les cheveux sagement noués pour les photographes ? Elle était entourée d’une cohorte de mâles admiratifs et respectueux parmi lesquels on reconnaissait au premier coup d’œil Fritz Lang et Charles Boyer!

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Elle avait été magnifique en belle-soeur imbuvable de Simone Signoret dans « Le Jour et l’Heure », elle avait fait rire toute la France avec « Le Majordome » et Paul Meurisse, avait croisé Yves Montand dans « Grand Prix » et bien entendu avait été l’inoubliable et équivoque « madame Anaïs » dans le cultissime « Belle de Jour » de Luis Buñuel. Tout ceci avant de rejoindre Omar Sharif et Ava Gardner sur le tournage de « Mayerling » et d’y retrouver Catherine Deneuve à qui elle sert une nouvelle fois d’entremetteuse!

Entre deux tournages inoubliables Geneviève Page avait eu le temps de devenir une femme mariée puisqu’elle était devenue madame Jean-Claude Bujard. Les vingt années qui allaient suivre seraient encore jalonnés de beaux rôles pour Geneviève Page qui se fit néanmoins plus rare et dans des rôles plus courts. C’est ainsi qu’on la croise dans « Buffet Froid » ou dans « Mortelle Randonnée ».

En 2003 elle tirait sa révérence après avoir donné la réplique à Bruno Solo dans « Rien que du Bonheur ». Geneviève Page n’estima pas que se perpétrer aux écrans jusqu’à ce que mort s’en suive soit indispensable au prestige de sa carrière. Car qui en effet, parmi les actrices françaises peut se targuer d’avoir donné la réplique à Michel Simon, Jean-Paul Belmondo, Robert Mitchum, Jean Marais, Ava Gardner, James Gardner, Catherine Deneuve, Yves Montand, Isabelle Adjani, Laurent Terzieff, Curd Jurgens, Annie Girardot, David Niven, Simone Signoret, Paul Meurisse, Dirk Bogarde et tant d’autres encore.

Pourquoi dès lors Geneviève Page n’est elle pas devenue et surtout restée comme ses contemporaines une véritable icône de la culture populaire? Sans doute à cause de cette grande discrétion qui fut toujours une de ses particularités et de ce maintient toujours digne, un rien distant et avec cette voix voilée et inimitable qui force le respect et maintient la distance. Geneviève Page fut toujours une actrice d’exception mais ne joua pas le rôle de la star fantasque et sur-médiatisée. Elle ne jugea pas utile  de faire un fromage des péripéties de sa vie privée qui comme son nom l’indique devait être privée. Aucun journaliste ne se hasarda à lui demander si elle était pour ou contre le monokini ou si elle prenait la pilule, il aurait eu bien trop peur de la réponse qui n’aurait pas manqué de lui siffler aux oreilles!

Je trouve qu’il en est bien ainsi, et nous sommes au moins deux à penser pareil: Geneviève et moi!

Celine Colassin

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QUE VOIR?

1950: Fanfan la Tulipe: Avec Gérard Philipe et Gina Lollobrigida

1952: Les Plaisirs de Paris: Avec Lucien Baroux et Roland Alexandre

1953: Jaloux comme un Tigre: Avec Robert Lamoureux et Jean Marc Thibault

1954: L’Etrange Désir de Monsieur Bard: Avec Michel Simon et Rellys

1956: Michel Strogoff: Avec Curd Jurgens

1960: Song Without End: Avec Capucine, Dirk Bogarde et Ivan Desny

1961: Le Cid: Avec Sophia Loren er Charlton Heston

1963: L’Honorable Stanislas, Agent Secret: Avec Jean Marais

1963: Le Jour et l’Heure: Avec Simone Signoret

1965: Le Majordome: Avec Paul Meurisse

1965: Trois Chambres à Manhattan: Avec Annie Girardot et Maurice Ronet

1966: Grand Prix: Avec Yves Montand, Eva Marie-Saint et James Gardner

1966: Tendre Voyou: Avec Jean-Paul Belmondo et Jean-Pierre Marielle

1967: Belle de Jour: Avec Catherine Deneuve

1968: Mayerling: Avec Catherine Deneuve et Ava Gardner

1969: Gun Crazy: Avec Richard Widmark et César Romero

1970: La Vie Privée de Sherlock Holmes: Avec Colin Stevens et Christopher Lee

1971: Bröder Karl: Avec Laurent Terzieff et Gunnel Lindblom

1971: La Cavale: Avec Juliet Berto, Catherine Rouvel et Jean-Claude Bouillon

1979: Buffet Froid: Avec Gérard Depardieu et Bernard Blier

1983: Mortelle Randonnée: Avec Isabelle Adjani et Michel Serrault

1987: Cartoline Italiane: Avec Lindsay Kemp

1987: Beyond Therapy: Avec Christopher Guest

1992: L’Inconnu dans la Maison: Avec Jean-Paul Belmondo et Renée Faure

2003: Rien que du Bonheur: Avec Bruno Solo

 

 

 

 

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