gabrielle dorziat

Autant l’avouer tout de suite, je suis fan inconditionnelle et passionnée de Gabrielle Dorziat. Elle est tout simplement une comédienne époustouflante. Si un jour Simone Signoret et François Périer se demandaient à l’heure de l’apéro quel comédien n’avait jamais été mauvais et qu’ils tombèrent d’accord sur Bernard Blier, s’ils s’étaient demandé de quelle comédienne on pouvait en dire autant ils seraient tombés d’accord sur Gabrielle Dorziat. Nul doute.

Que de moments de joie intense je lui dois. Ce maintien presque militaire, ce ton de guillotine sans réplique, ces moues effarouchées à la moindre contrariété. Avec quelle maestria elle a épinglé toutes les mesquineries de la vie!

Ah comme elle était drôle, l’ex-femme de Michel Simon dans « La Chaleur du Sein » , toisant avec une moue méprisante celle qui avait eu l’outrecuidance de lui succéder, jeune, mince, fumant et portant des pantalons puisqu’elle était Arletty. Ah comme elle était juste dans « La Fin du Jour », l’actrice à la maison de retraite mais toujours prête à s’enfuir à Venise avec Louis Jouvet. Comme elle était veule, dans « Sanson », la mère de Gaby Morlay qui la donnait au mariage au riche mais infâme Harry Baur par peur de manquer pour ses vieux jours. Comme elle était hilarante la directrice d’orphelinat dans « Premier Rendez-vous » où elle terrorisait Danielle Darrieux et Sophie Desmarets, Quelle sobriété avait la directrice de maison de couture dans « Falbala » Quelle belle-mère infecte et vénale elle était pour Jean Gabin dans Miroir en 1947, lui refaisant le même coup en 1964 dans « Monsieur ». Entretemps elle avait tenté de jouer pour lui les marieuses dans « La Vérité sur Bébé Donge » mais Danielle Darrieux passa par là. Et la vieille maquerelle qui commerçait les charmes de Martine Carol dans « Madame du Barry » et puis…et puis…et puis…

Jusqu’à ces rares films où on ne fait que l’entrevoir. Une seule scène, une seule réplique? Qu’importe. Dans « La main du diable » en 1943, joueuse au casino, il lui suffit de remonter son étole de fourrure sur ses épaules dénudées par un grand couturier en disant « Dieu qu’il fait froid tout à coup » pour que l’on comprenne que le diable est entré et que nos cheveux se dressent su nos têtes épouvantées. Ce sera le seul « frisson d’horreur » du film.

Dorziat_gabrielle

La future Gabrielle Dorziat naît en Champagne, à Épernay le 25 Janvier 1880 sous le patronyme de Marie Odile Léonie Gabrielle Sigrist.

Ses diverses biographies la présentent comme fille d’industriels, mais les Sigrist qui vivaient alors rue de la Rigole à Épernay étaient bien entendu des négociants en vins de champagne.

Notre jeune Gabrielle qui grandit exagérément pour son âge dépassa bientôt d’une tête toutes ses copines de collèges. Mais cela ne l’empêchait pas de rêver aux lauriers de la glorieuse Sarah Bernhard. Comédienne elle voulait être, et comédienne elle serait. Sinon pourquoi dieu lui-même se serait-il attardé à lui faire cette crinière de lionne rougeoyant de mille feux d’acajou qui fera bientôt sa célébrité?

Et puis n’avait-elle pas connu ses premiers triomphes à l’âge de deux ans où elle était montée sur scène lors d’une fête paroissiale? Alors?

Marie Odile se choisit un pseudonyme plus conquérant et la vingtaine venue avec le siècle, elle avait étudié l’art dramatique et affronta Paris…Avec, il faut le dire, un détour par Bruxelles. En 1899 on lui avait présenté Coquelin, un des acteurs les plus célèbres de son temps et qui avait fait de Cyrano de Bergerac sa propriété privée. L’artiste avait prédit un grand avenir sur les planches à la belle champenoise mais l’autorité paternelle restait inflexible. Qu’à cela ne tienne, Gabrielle s’enfuit pour des débuts au théâtre des galeries à Bruxelles. Après tout ce n’était pas si loin d’Épernay. Mais quand bien même, elle serait allée à Tombouctou à pieds pour le plaisir de dire une ligne en scène!

Dès l’année suivante elle débute au Gymnase de Paris jusqu’où les échos du triomphe bruxellois avaient retenti!

Gabrielle_Dorziat

Grande, la voix bien placée la diction parfaite, la taille bien cambrée et fine comme il se devait en cette belle époque corsetée, tout cela et  sa rousse chevelure de feu firent s’ouvrir devant elle les portes des théâtres les plus courus.

Bientôt elle deviendrait une grande dame des scènes parisiennes, régalant le tout Paris de son talent, de ses traits cinglants et spirituels, de ses photos et de ses audaces vestimentaires. Cocteau, Guitry, Jouvet en seraient bientôt fous!

Elle est une des premières comédiennes à poser pour des photos de mode et alors que Poiret est à ses pieds elle se toque de Coco Chanel et s’affiche sous les premiers chapeaux de la créatrice à qui elle restera fidèle.

Gabrielle dorziat Chanel

En 1920, Paris s’apprête à se lancer dans les années folles sur un air de Charleston. Déjà grande dame, Gabrielle s’en tiendra au tango argentin. Le cinéma bien entendu est né et passionne maintenant les foules au moins autant que l’automobile, le biplan, le phonographe et les fumeries d’opium.

En 1922, Gabrielle Dorziat est presque outrée qu’un metteur en scène, Henry Houry, ose lui proposer de jouer au cinéma le premier rôle (encore heureux) de son film « L’Infante à la Rose ».

Henry Houry était alors un acteur célèbre, tournant beaucoup avec Léonce Perret, il avait débuté comme acteur de cinéma en 1909 et comme réalisateur en…1908! Gabrielle Dorziat lut donc cette chose, un « scénario », un texte…sans texte! Et n’en déduisit qu’une chose: Si l’intrigue du film se passait au Portugal, il faudrait tourner au Portugal, Gabrielle Dorziat ne vendrait pas du toc! On a sa dignité!

Tout ce joli monde s’en alla donc au Portugal. Ca ne servait à rien de dire à l’actrice que la Côte d’Azur aurait tout aussi bien fait l’affaire, là n’était pas la question. Gabrielle Dorziat se demandait d’ailleurs si elle avait eu raison de dire oui à Henry Houry, après tout, le cinématographe privait les grandes dames du théâtre de leur meilleur atout: la voix. Et Sarah Bernhard ne s’était-elle pas évanouie d’horreur en se voyant pour la première fois à l’écran? Quant à Mary Marquet, les foules avaient ri, la prenant pour un homme!

Gabrielle se vit, elle aussi, 30 secondes suffirent, elle se réfugia au théâtre et le mot « caméra » fut interdit en sa présence!

En 1925, Gabrielle avait oublié cette pitoyable aventure portugaise et se trouvait en tournée au Caire avec ses 45 ans lorsque le comte Michel de Zogheb, cousin du roi Fouad d’Egypte tomba follement amoureux d’elle et la demanda en mariage.

Elle ne pouvait plus prétendre aux rôles de jeune première, le comte était bel homme. Finir comtesse lui sembla une manière bien dans son style de raccrocher les gants si d’aventure le succès venait à faiblir. Ce qui n’advint jamais. Mais pouvait-on savoir? Il est amusant de souligner que ce mariage fera de Gabrielle une parente de la sublime top model des années 60 Anne de Zogheb et donc de Paul Anka puisque Anne était son épouse!

Mais revenons-en à ces années 20 ou madame la comtesse continue à faire courir Paris sans relâche.

gabrielle dorziat

En 1936, un nouveau coup de théâtre, c’est le cas de le dire, bouleverse la vie et la carrière de Gabrielle Dorziat. Anatole Litvak va porter à l’écran la tragédie de Mayerling avec Danielle Darrieux et Charles Boyer. Les deux plus énormes stars françaises du moment. Gabrielle serait Sissi. Le cinéma parle. Elle accepte. Elle a 55 ans à la signature du contrat. A 55 ans elle débute une des plus prestigieuses carrières du cinéma français. Trois films en 1936, cinq en 1937. Instantanément populaire, les plus grands s’arrachent Gabrielle Dorziat qui fait un sort à chaque réplique. Elle va aligner les tournages et les créations picaresques. Jamais aussi à l’aise que dans les rôles de méchantes par sottise, faisant des avares et des cupides ses cibles préférées qu’elle assassine sans remords et avec la perversité de son élégance. Tout l’art de Gabrielle étant de faire croire à ses cibles qu’elle est des leurs, qu’elle les aime, les comprend et leur rend justice. Ce n’est plus de la bravoure c’est de la haute voltige!

Elle aura avec Jean Gabin des duels d’anthologie à quatre reprises. Entre deux tournages elle est bien entendu sur les planches mais elle ne s’attarde que peu dans les soupers fins d’après spectacle, madame le maire de son village est en campagne électorale!

Son cher comte la laissera veuve en 1964, ils n’eurent pas le bonheur de fêter leur 40 ans de mariage.

Gabrielle Dorziat qui avait commencé sa carrière un peu tard la continua donc un peu plus longtemps que la moyenne et ses 90 ans avaient sonné lorsqu’elle se retira, très grande dame dans sa propriété de Biarritz.

Gabrielle qui avait déjà loupé ses 40 ans de mariage pour cause de décès, loupera son centenaire pour les mêmes raisons. Elle s’éteint à Biarritz le  30 Novembre 1979. A deux mois près!

La ville d’Épernay n’est pas peu fière de sa digne citoyenne et un théâtre (quoi d’autre?) y porte son nom. Mais il manque une statue. C’est pourtant bien le moins!

Celine Colassin

gabrielle dorziat

QUE VOIR?

1923: L’Infante à la Rose: Avec George Lannes

1936: Mayerling: Avec Danielle Darrieux et Charles Boyer

1936: Samson: Avec Gaby Morlay, André Luguet et Harry Baur

1936: Courrier Sud: Avec Pierre Richard  Wilm et Charles Vanel

1936: Le mioche: Avec Lucien Baroux et Pauline Carton

1937: L’Amour Veille: Avec Jacqueline Francell et Henri Garat

1937: Le mensonge de Nina Petrovna: Avec Annie Vernay

1937:Monsieur Breloque a disparu: Avec Elisa Ruis et Lucien Baroux

1937: Mollenard: Avec Harry Baur

1938: Etes-vous Jalouse? Avec Suzy Prim et Henri Garat

1938: La Chaleur du Sein: Avec Michel Simon et Arletty

1938: La vierge folle: Avec Henri Guisol

1938: Le Drame de Shanghai: Avec Elina Labourdette, Cristl Mardayn, Louis Jouvet et Raymond Rouleau

1939: Derrière la Façade: Avec Gaby Morlay, Michel Simon et Jules Berry

1939: La Fin du Jour: Avec Louis Jouvet et Victor Francen

1939: De Mayerling à Sarajevo: Avec Edwige Feuillère et John Lodge

1940: L’Homme qui Cherche la Vérité: Avec Raimu, Yvette Lebon et Jacqueline Delubac

1941: Premier Rendez-vous: Avec Danielle Darrieux, Rosine Luguet et Sophie Desmarets

1942: L’Appel du Bled: Avec Madeleine Sologne et Jean Marchat

1942: Le Voyageur de la Toussaint: Avec Assia Norris et Serge Reggiani

1942: Patricia: Avec Louise Carletti et Jean Servais

1943: Le Loup des Malveneur: Avec Pierre Renoir et Madeleine Sologne

1943: La main du diable: Avec Pierre Fresnay

1943: Le baron fantôme: Avec Odette Joyeux et Jany Holt

1945: Fausse Alerte: Avec Joséphine Baker et Micheline Presle

1945: Echec au Roy: Avec Odette Joyeux, George Marchal et Lucien Baroux

1945: L’ange qu’on m’a donné: Avec Simone Renant et Jean Chevrier

1945: Falbalas: Avec Micheline Presle et Raymond Rouleau

1945: Adieu chérie: Avec Danielle Darrieux

1946: Désarroi: Avec Suzy Carrier et Jules Berry

1947: Miroir: Avec Jean Gabin et Gisèle Préville

1948: Une Grande Fille Toute Simple: Avec Madeleine Sologne, Raymond Rouleau et Jean Desailly

1948: Ruy Blas: Avec Danielle Darrieux et Jean Marais

1948: Les Parents Terribles: Avec Jean Marais, Josette Day et Yvonne de Bray

1949: Manon: Avec Cécile Aubry et Michel Auclair

1949: Ballerina: Avec Violette Verdy

1950: Domani è troppo Tardi: Avec Anna-Maria Pierangeli, Loïs Maxwell et Vittorio de Sica.

1950: Né de Père Inconnu: Avec Gaby Morlay et Irasema Dilian

1952: Le Jugement de Dieu: Avec Andrée Debar et Jean-Claude Pascal

1952: La Vérité sur Bébé Donge: Avec Danielle Darrieux et Jean Gabin

1952: Little boy lost: Avec Bing Crosby

1953: So Little Time: Avec Maria Schell et Marius Goring

1953: Act of Love: Avec Dany Robin, Kirk Douglas, Barbara Laage et Brigitte Bardot

1953: Traviata 53: Avec Barbara Lage

1953: Little boy lost: Avec Nicole Maurey, Christian Fourcade, Bing Crosby et Claude Dauphin

1954: Madame du Barry: Avec Martine Carol et Daniel Ivernel

1954: Le Due Orfanelle: Avec Myriam Bru, Milly Vitale et André Luguet

1954: Le fil à la patte: Avec Suzy Delair, Bourvil et Noël-Noël

1955: Nagana: Avec Barbara Laage et Renato Baldini

1956: Pitié pour les Vamps: Avec Viviane Romance, Giselle Pascal et Geneviève Kervine

1956: Mitsou: Avec Fernand Gravey

1957: Les espions: Avec Dominique Davray

1958: Auferstehung: Avec Myriam Bru et Horst Bucholz

1958: 1958: Polikuschka: Avec Antonella Lualdi, Folco Lulli, Franco Interlenghi et Ivan Desny

1959: Katia: Avec Romy Schneider et Curd Jurgens

1959: Drôles de Phénomènes: Avec Sophie Desmarets, Mary Marquet et Philippe Clay

1961: Climats: Avec Emmanuelle Riva

1962: Un Singe en Hiver: Avec Jean Gabin et Jean-Paul Belmondo

1962: Gigot le clochard de Belleville: Avec Katherine Kath et Jackie Gleason

1963: Germinal: Avec Claude Brasseur, Jean Sorel et Berthe Granval

1964: Monsieur: Avec Jean Gabin et Henri Crémieux.

1965: Un Mari à Prix Fixe: Avec Anna Karina et Roger Hanin

 

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