françoise christophe

Le 8 Janvier 2012, la comédienne Paule Emanuel avait la pénible tâche d’annoncer publiquement le décès de sa sœur aînée, la comédienne Françoise Christophe. Une des ultimes grandes dames du théâtre français s’éteignait dans sa 88ème année, Françoise était née à Paris le 3 Février 1923, ce qui revient à dire qu’un mois plus tard elle aurait fêté ses 89 ans!

La presse bien entendu relaya l’information en quelques lieux communs saupoudrés d’approximations et d’autant d’oubli que d’ignorance. Une gazette dont je tairai le nom a même illustré sa funèbre information d’une photo de…Simone Renant. Quelques lignes plus tard on découvrait qu’elle avait été au côté de Jean Marais la vedette de » Nez de Cuir » d’André Hunebelle! Information d’autant plus pertinente que le film est signé Yves Allégret! Partout on lira qu’elle fut la belle-fille de Jean Gabin dans « Les Grandes Familles », on ne lira pas qu’elle fut d’abord et surtout son amoureuse fatale dans « Victor ».

L’heure est venue pour moi, sans pour autant m’ériger en parangon de la culture cinématographique de ramener dans la lumière le regard d’émeraudes claires de Françoise Christophe.

françoise christophe

Cette petite parisienne n’a que 11 ans lorsqu’elle clame à tout va son envie inébranlable de devenir comédienne! Sa petite sœur Paule n’a encore que 7 ans mais elle n’hésite pas à enquiller la vocation de sa grande sœur!

Il faut croire que Françoise Christophe fut convaincante a souhait car elle sera autorisée à suivre les cours de Charles Dullin puis de René Simon. C’est là qu’elle fera la rencontre d’Henri Decoin venu à la pêche aux jeunes talents. Il avait besoin de jeunes filles pour entourer Danielle Darrieux dans son pensionnat de « Premier Rendez-Vous ».  C’est ainsi que Françoise Christophe débuta, dans le même uniforme d’orpheline que Danielle Darrieux,, Annette Poivre et Sophie Desmarets, dès 1941 dans « Premier Rendez-Vous » d’Henri Decoin! Ceci nous éloigne gravement de ses prétendus débuts, toujours selon la presse dans « Fantômas » en 1947! Une erreur de six ans, c’est long dans une carrière d’actrice me semble-il, et ce même si ce fameux « Fantômas » n’est encore que son troisième film.

Car si les débuts de cette comédienne aussi spectaculairement douée que distinguée ne furent pas si fulgurants qu’on pourrait le croire c’est à cause d’un point de détail assez inattendu chez une comédienne à la beauté réputée sans faille. La nature hélas s’était montrée ingrate au niveau de l’appendice nasal de la belle Françoise. A l’heure dont nous parlons, la beauté féminine ne souffrait que le nez « a la parisienne », le petit nez spirituel en « trompette » « celui qu’il pleut dedans » aimait à dire ma grand’mère! Or, Françoise était affublée d’une pomme de terre à frites fichée de travers au milieu de son joli visage. Ce qui revient à dire que les seuls rôles qu’elle puisse briguer étaient ceux de filles de ferme mal dégrossies et vaguement simplettes.

 Il faudra qu’elle subisse, telle Martine Carol, Hélène Perdrière ou Marie Daems le coup de bistouri salvateur qui lui permettra enfin d’éblouir à très juste titre le tout Paris!
françoise christophe

Les années 50 s’annonçaient, Françoise Christophe allait pouvoir devenir l’égérie des théâtres et des grands couturiers subjugués de tant d’élégance altière! Folle de son métier, Françoise Christophe enchaîne pièce après pièce, provoquant à chaque première un véritable phénomène de curiosité, lequel engendre presque automatiquement le succès.

Au passage elle avait épousé son metteur en scène au théâtre des Champs Elysées, Claude Sainval, accessoirement directeur du théâtre en question.

L’année 1953 est d’ailleurs assez emblématique  de sa carrière. Très sollicitée par les photographes, considérée comme une véritable arbitre des élégances, Françoise Christophe est une véritable reine de Paris. Après un passage assez bref à la comédie française, elle a tenu la vedette au cinéma face aux plus grands noms du moment dont Jean Marais, George Marchal, Paul Meurisse, André Luguet, François Perier et bien sûr Jean Gabin. En Novembre, elle crée au théâtre des Champs Elysées, son fief, « Le Désir sous les Ormes » d’Eugène O’Neill. Pièce traduite par Jean Anouilh en personne! Tout Paris se presse, c’est la première fois que la pièce est montée en France. Aussi, Charles Chaplin séjournant alors à Paris et gendre d’Eugène O’Neill est invité avec son épouse Oona O’Neill à la première.

Chaplin décline assez vertement en déclarant qu’il ne se dérangera pas pour la pièce de son beau père qui n’a jamais accepté son mariage et n’a même jamais accepté de rencontrer ses quatre petits enfants.

L’émoi est grand car tout le monde était persuadé qu’Eugène O’Neill était mort depuis des décennies. Or le prix Nobel et triple prix Pulitzer se morfondait dans la solitude, la rancœur et accessoirement la maladie de Parkinson. Toute cette histoire apporte à la pièce une publicité inespérée et la salle est comble tous les soirs. Vingt jours après la première, Eugène O’Neill meurt seul dans son petit appartement de Boston.

françoise christophe

Si la carrière au cinéma de Françoise Christophe n’atteignit jamais les plus fabuleux sommets, la faute ne lui incombe en aucune façon. Hélas pour elle, la superstar numéro du cinéma français des années 50, Michèle Morgan, partage avec elle le même type féminin, le même style, la même beauté et…Les mêmes créations de Pierre Balmain ou de Jacques Fath. Il n’est pas un article alors qui consacré à Françoise ne relève pas sa ressemblance avec l’illustre Michèle. Tous les producteurs se ruent d’abord sur ladite Michèle avec leurs rôles en or où elle n’a qu’à piocher le meilleur et dicter ses conditions.

Françoise accaparée par le théâtre n’aura même pas le temps de s’en offusquer! D’ailleurs son personnage d’élégante du Faubourg Saint Germain n’a pas que Michèle Morgan comme rivale. Danielle Darrieux et Micheline Presle sont sur les rangs talonnées par Edwige Feuillère et pourquoi pas Martine Carol! Lorsque ces grandes vedettes sont servies, les rôles d’élégantes peuvent alors se disputer entre Françoise Christophe, Gisèle Pascal, Marcelle Derrien ou Marie Sabouret.

Elle brouillera encore quelques pistes en acceptant de très courtes apparitions de ci de là, ce qui lui valut chez certains l’étiquette d’actrice peu sollicitée. Ainsi, dans « Le Puits aux Trois Vérités », parce que son goût pour la peinture est connu dans tout Paris elle accepte de se jouer elle-même dans une scène de vernissage. Elle trouve ca amusant, logique, la scène se tourne un jour de relâche et ca fait plaisir à Jean-Claude Brialy supposé être le peintre doublement vernis. La presse ne verra que Françoise Christophe réduite à une figuration dans un film dont la vedette est…Michèle Morgan! Et quelques soient les plus invraisemblables idioties que l’on puisse écrire dans les gazettes il y a toujours d’invraisemblables idiots pour les croire! Tout le monde ne sait pas forcément que Françoise passe sa vie au théâtre des Champs Elysées dont son mari a la direction et la gardera jusqu’en…1977!

A la fin des années 50, Françoise s’intéresse à la télévision et devient au fur et à mesure des années, une des actrices les plus présentes au petit écran, ne fusse que par ses nombreuses performances dans « Au Théâtre ce Soir »! Elle aura un autre record à son palmarès. Le film de Philippe de Broca « Le Roi de Cœur » dont elle est une des interprètes restera plus de vingt ans sans discontinuer à l’affiche d’un cinéma de New-York!

 Le temps passant, Françoise Christophe garda son prestige, son élégance et sa réputation. Elle était une star en Italie où elle avait quand même joué dans un film de science fiction avec…Les sœurs Kessler!

On comprend que la France soit restée sa patrie de cœur et Paris sa ville. Elle allait regarder les décennies s’écouler, découvrir de nouvelles générations d’acteurs, donner la réplique à Delon et à Belmondo, A Isabelle Huppert avant Gérard Depardieu dont elle sera la mère pour son ultime apparition au cinéma en 2008 dans « Hello-Goodbye ». Françoise Christophe est une des rares actrices de l’âge d’or du cinéma français, sans doute la seule avec Danielle Darrieux dont le nom signifie clairement quelque chose pour les nouvelles générations puisqu’elle était la mère irrévérencieuse et hilarante de « Chez Maman », une série humoristique diffusée dans l’émission  » 20H10 Pétantes » sur Canal+

Celine Colassin

françoise christophe

QUE VOIR?

La filmographie ci-dessous est, à ma connaissance, complète.

1941: Premier Rendez-Vous: Avec Danielle Darrieux et Gabrielle Dorziat

1942: Mariage d’Amour: Avec Juliette Faber et François Perier

1947: Fantômas: Avec Simone Signoret et Marcel Herrand

1948: Une Jeune Fille Savait: Avec Dany Robin, André Luguet et François Périer

1948: Carrefour du Crime: Avec Claude Genia, Louis Salou et André Valmy

1949: Scandale aux Champs Elysées: Avec Pierre Renoir

1949: Mademoiselle de la Ferté: Avec Jany Holt et Jean Servais

1951: La Belle Image: Avec Frank Villard

1951: Victor: Avec Jean Gabin

1952: Nez de Cuir: Avec Jean Marais

1953: Les Amours Finissent à l’Aube: Avec Georges Marchal et Nicole Courcel

1954: Una Donna Libera: Avec Pierre Cressoy et Gino Cervi

1955: La Rue des Bouches Peintes: Avec Paul Bernard et Denise Grey

1956: Walk Into Paradise: Avec Chips Rafferty

1958: Les Grandes Familles: Avec Jean Gabin et Jean Desailly

1960: Le Testament d’Orphée ou ne me Demandez pas Pourquoi: Avec Jean Cocteau et Françoise Arnoul

1961: Les Trois Mousquetaires première époque: Avec Mylène Demongeot et Gérard Barray

1961: Les Trois Mousquetaires seconde époque: Avec Mylène Demongeot et Gérard Barray

1961: Le Puits aux Trois Vérités: Avec Catherine Spaak et Jean-Claude Brialy

1961: Gli Invadori: Avec Cameron Mitchell et les sœurs Kessler

1966: Le Roi de Cœur: Avec Geneviève Bujold, Alan Bates et Micheline Presle

1967: Fantômas contre Scotland Yard: Avec Jean Marais, Louis de Funès et Mylène Demongeot

1968: Caroline Chérie: Avec France Anglade et Bernard Blier

1970: Borsalino: Avec Jean-Paul Belmondo et Alain Delon

1971: Aussi Loin que l’Amour: Avec Francine Racette, Suzanne Flon et Michel Duchaussoy

1973:La morte negli occhi del gatto: Avec Jane Birkin et Hiram Keller

1981: Les Ailes de la Colombe: Avec Isabelle Huppert et Dominique Sanda

1988: Les Pyramides Bleues: Avec Arielle Dombasle et Omar Sharif

1989: Try This One For Size: Avec Arielle Dombasle et Michael Brandon

1992: Les Amies de ma Femme: Avec Christine Boisson et Michel Lebb

1995: Fiesta: Avec Dayle Haddon, Jean-Louis Trintignant et Marc Lavoine

1996: Le Plus Beau Métier du Monde: Avec Michèle Laroque et Gérard Depardieu

2001: Charmant Garçon: Avec Alexandra Vandernoot et Patrick Chesnais

2008: Hello-Goodbye: Avec Fanny Ardant et Gérard Depardieu

 

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