Le destin de la très belle France Nuyen n’est pas placé sous la protection d’une bonne étoile particulièrement efficace. Si aujourd’hui elle est une femme enfin épanouie et reconnue, ses années de jeunesse et de gloire furent des années sombres faites plus de larmes que d’éclats de rires.
France Nguyen Van Nga naquit le 31 Juillet 1939 à Marseille. Sa mère est française, son père vietnamien. Bientôt sa famille sera persécutée par les nazis pour être « tzigane ». La petite France sera confiée à de lointains cousins paternels pour échapper à la fureur exterminatrice et leur vouera pour le reste de sa vie une haine farouche. A 16 ans, adolescente meurtrie et bafouée elle réunit assez d’argent pour s’embarquer vers les Etats-Unis. Seul le cinéma américain lui a donné un peu de rêve et d’espoir durant les sombres premières années de sa vie. Pour la jeune fille il semble que tout l’espoir du monde se concentre de l’autre côté de l’océan. Dans les jupons de pierre de la statue de la liberté, Française exilée comme on le sait.
Elle débarque à New-York dépourvue de tout et bien décidée à ne jamais faire de concessions malgré une beauté exotique et un accent français qui pourraient lui ouvrir toutes les portes. Elle survit d’un modeste emploi de couturière dans un atelier tout aussi modeste lorsque le destin récompense sa volonté farouche et la paye des épreuves déjà subies malgré son jeune âge. Un photographe de « Life Magazine » égaré sur la plage de Coney Island le temps d’un week-end tire quelques clichés d’elle. Les photos font la couverture du magazine et à Broadway on cherche une jeune et jolie eurasienne pour devenir « Suzie Wong ».
« Le Petit Monde de Suzie Wong » fit un triomphe, plus de 700 représentations. France devint une star et dans la foulée fit chavirer le coeur de Marlon Brando soi-même. Il y avait là de quoi tournebouler la tête la mieux équilibrée. France jouait déjà volontiers du sac à main et du talon aiguille meurtrier sur la tête des paparazzi qui harcelaient Brando mais le destin allait se charger de calmer quelque peu ses ardeurs de star montante. Toute à la préparation de la version filmée du « petit Monde de Suzie Wong », elle laisse Brando partir seul pour le tournage des « Révoltés du Bounty » dont il reviendra flanqué d’une épouse: Movita.
De son côté, France, lassée de repousser, toujours à coups de talons aiguilles les avances d’un des producteurs du film renonce à être Suzie Wong à l’écran. Le film fera une star de Nancy Kwan. Le producteur éconduit fit comme toujours dans ces cas-là. Le coquart barbouillé d’anti-cerne, il déclara avoir renvoyé France à cause de sa trop grande médiocrité de talent. Ceci doublé d’un caractère irrascible, rebelle et mêle tout.
Entre alors en scène une des femmes les plus farouches d’Hollywood. Une femme qui connaît trop bien ces déclarations assassines envers celles qui osent se défendre. Ida Lupino, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, engage alors France pour sa prochaine réalisation pour la télévision « Hong-Kong ».
La jeune actrice se consola alors dans les bras de son partenaire, le beau Rod Taylor dont elle tomba amoureuse et qui lui rendit son affection au centuple. Hélas, Anita Ekberg veillait. la blonde suédoise ayant jeté son dévolu sur le pauvre Rod comme on s’entiche d’un nouveau caniche, elle « confisqua » littéralement l’acteur de ses désirs. France avait bien lu dans la presse les déclarations intempestives d’Anita qui clamait haut et fort « Je veux ce type et je l’aurai, à partir de maintenant où il ira j’irai et les autres filles n’ont plus aucune chance, elle l’ont eue, maintenant c’est mon tour!« A tout prendre, France trouvait celà plutôt drôle, mais lorsqu’elle voulut appeler Rod Taylor pour le féliciter d’avoir enfin obtenu le rôle qu’il convoitait dans « les Oiseaux » d’Hitchcock, elle eut la fort désagréable surprise de ne plus trouver d’abonné au numéro demandé ni aucun ami commun pour lui donner le nouveau numéro de l’acteur! Anita aurait elle-même décroché pour lui dire d’aller se faire voir que l’effet n’aurait pas été plus glacial!
Elle se console un peu avec le photographe attaché à John Kennedy Jacques Lowe. Elle déclare « Je veux rester célibataire jusqu’à ce que je rencontre un homme immensément riche et que j’aime vraiment! »
France ne sera jamais une grande star de cinéma mais fera beaucoup de télévision. Elle épousera l’acteur scénariste producteur Robert Culp en 1967 mais le couple divorça en 1970. Auparavant elle avait été mariée pour une autre période de trois ans, de 1963 à 1966 au docteur Thomas Gaspard Morell dont elle a une fille, Fleur.
C’est ce premier mari qui lui ouvrit l’esprit à l’art de la psychanalyse. France Nuyen va s’y intéresser de plus en plus, comme le fera également Jennifer Jones. Délaissant sans l’abandonner tout à fait sa carrière d’actrice, elle reprend ses études jusqu’à obtenir un master en psychologie clinique. Elle se consacrera dès lors aux femmes victimes de violences et aux femmes en prison.
En 1989, cette nouvelle vocation lui vaut d’être honorée parmi les « Femmes de l’Année ».
Celine Colassin.
QUE VOIR?
1958: South Pacific: Avec Mitzi Gaynor, John Kerr et Rossano Brazzi
1961: The Last Time I Saw Archie: Avec Robert Mitchum, Martha Hyer et Jack Webb
1962: Satan ne dort Jamais: Avec William Holden et Clifton Webb
1962: A Girl Named Tamiko: Avec Laurence Harvey, Michael Wilding et Gaary Merrill.
1963: Diamond Head (Le Seigneur d’Hawaï): Avec Yvette Mimieux, Charlton Heston et George Chakiris
1966: Dimension 5: Avec Jeffrey Hunter
1971: Slinshot: Avec Royal Dano
1971: One more train to Rob: Avec Georges Peppard
1973: La Bataille de la Planète des Singes: Avec Roddy MacDowell, Lew Ayres, Claude Akins et Natalie Trundy
1990: China Cry: A True Story: Avec Julia Nickson
1995: Angry Café: Avec Garrett Wang
2003: The Battle of Shaker Heights avec Shia LaBeouf et Amy Smart.