Dire de Flora Robson qu’elle était nommée simultanément aux Oscars américains et aux Oscars anglais en 1945 résume assez son talent. Dire qu’elle était chaque fois nommée pour un second rôle et qu’elle resta bredouille dans un cas comme dans l’autre résume assez sa carrière!
Le 28 Mars 1902, Flora Robson Mackenzie venait au monde à Soult Shields en Angleterre dans une famille bourgeoise aux origines écossaises. Une famille qui finira par devenir une famille nombreuse puisque les Robson Mackenzie auront six enfants. Trois filles et trois garçons. Les débuts de Flora dans la carrière d’actrice furent pour le moins particuliers. Son père, ingénieur de son état, était aux antipodes de la vie artistique. Mais un soir où sa petite fille de cinq ans lui récite la fable qu’elle doit connaître par coeur pour l’école, il est pris d’un fou-rire inextinguible et se persuade d’emblée que la petite à du talent! Ce dont la petite en question ne fut pas peu fière!
La décision fut prise dans la petite tête enfantine: elle continuerait dans cette voie et l’avisé monsieur Robson en fut ravi.
On eut évidemment quelques craintes pour son avenir d’actrice. En grandissant, la petite Flora allait frôler le mètre 80. Ce qui est invraisemblable pour son époque. Elle allait en plus attraper une drôle de tête peu faite pour faire fantasmer les foules en délire admiratif pour un physique de rêve. Bref elle ressemble à une idole des planches au moins autant qu’à un râteau. Cette disgrâce au pays des frais minois n’entachera en rien sa vocation. A 19 ans, Flora montre pour la première fois sa tête au public des théâtres. Après un moment de stupéfaction bien légitime devant cette grande bringue à la bouche démesurée et au nez insensé, ce fut un véritable délire et une des plus prestigieuse carrières anglaises pouvait commencer. Elle attendrait pourtant encore dix ans pour tâter des caméras. Le temps qu’il fallut à ces outils pour apprendre à parler.
Bien sûr elle ne dansera jamais avec Fred Astaire. Elle ne passera pas le casting pour le rôle de Scarlett O’Hara et à la fin du film ce n’est jamais elle qui partira avec Burt Lancaster ou Gary Cooper. Mais qu’importe. Elle va aligner sur scène et aux écrans une invraisemblable collection de créatures improbables, de vieilles biques en tous genres, de mondaine revêches et coincées et quelques altières majestés dont la reine Elizabeth I d’Angleterre et autres grandes duchesses russes. Le tout pour la plus grande délectation des foules et surtout des cinéastes.
Après Londres, c’est Hollywood qui va s’enticher d’elle et elle sera une des actrices les plus demandées sur deux continents.
Jusqu’à cette année 1945 où est est à la fois en lice pour l’Oscar américain pour son rôle de servante créole face à Ingrid Bergman dans « L’Intriguante de Saratoga » et pour l’Oscar anglais avec son rôle de servante sournoise et conspiratrice dans « Cléopâtre » face à Vivien Leigh.
A Hollywood, elle se fera une irrésistible ennemie de Bette Davis qui prit très mal la présence de cette actrice de composition dans son fief personnel qu’était la cité du cinéma américain. Mais Bette resta sa seule ennemie connue. Flora, pour tout dire, s’en fichait comme d’une guigne! Elle n’aimait rien tant que son cher théâtre. Les caprices et trépignements des stars de la pellicule l’indifféraient au plus haut point. C’est son amour immodéré des planches qui la tiendra parfois éloignées des écrans plusieurs années et qui l’empêchera de définitivement se faire un trône de reine au panthéon des stars filmées. Elle prendra sa retraite théâtrale après un demi siècle à servir les plus grands auteurs et continuera encore à se produire au cinéma et à la télévision qu’elle avait bien sûr conquise jusqu’au début des années 80.
En 1965 elle est choisie par John Ford pour être la mère courage de Rod Taylor dans l’Irlande ouvrière et misérable de la fin du XIXème siècle. Mais John Ford tombe malade durant le tournage de « Young Cassidy ». C’est John Cardiff qui termine le film. John Ford n’en aura réalisé que les 20 premières minutes, ce qui fait de Flora sa dernière grande interprète féminine.
Bien entendu, la presse s’inquiéta peu de cette actrice de composition qui donnait plus dans le prestige que dans le scandale. Anoblie par la reine dès les années 60, une rue porte aujourd’hui son nom dans sa ville natale et sa maison une plaque commémorative. On sut cependant que cette éternelle célibataire toujours par monts et par vaux possédait avec ses deux soeurs une belle villa face à la mer dans sa chère Angleterre et qu’elle se dépensait sans compter pour ses bonnes oeuvres et pour l’église de son village.
Le 7 Juillet 1984, elle s’éteignait à Brighton alors même que la télévision anglaise venait de lui rendre un vibrant hommage. Ses chères soeurs Sheila et Margaret ne lui survécurent que peu. La première s’éteignit la même année et la seconde l’année suivante.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1932: Dance, Pretty Lady: Avec Ann Casson
1934: The Rise of Catherine the Great: Avec Elisabeth Bergner et Douglas Fairbanks jr.
1937: Moi, Claudius: Avec Merle Oberon et Charles Laughton
1937: Fire Over England: Avec Vivien Leigh et Laurence Olivier
1939: Les Hauts de Hurlevent: Avec Merle Oberon, Laurence Olivier et David Niven.
1939: Nous ne Sommes pas Seuls: Avec Paul Muni
1939: Poison Pen: Avec Robert Newton et Ann Todd
1940: l’Aigle des Mers: Avec Errol Flynn
1944: Two Thousand Women: Avec Phyllis Calvert, Patricia Roc et Jean Kent
1945: L’Intriguante de Saratoga: Avec Ingrid Bergman et Gary Cooper
1945: Cléopâtre: Avec Vivien Leigh et Claude Rains.
1945: Dumb Dora Discover Tabacco (Court Métrage) Avec Paméla Stirling et Henry Kendall
1947: Le Narcisse Noir: Avec Deborah Kerr
1947: Frieda: Avec Glynis Johns et Mai Zetterling
1948: Saraband for Dead Lovers: Avec Stewart Granger, Joan Greenwood et Françoise Rosay
1948: Good Time Girl: Avec Jean Kent et Herbert Lom
1957: High Tide at Noon: Avec Betta Saint John et Michael Craig.
1957: No Time for Tears: Avec Anna Neagle et Sylvia Syms
1958: La Gitane et le Gentleman: Avec Mélina Mercouri
1963: Murder at the Gallop: Avec Margaret Rutherford et Robert Morley
1963: Les Cinquante Cinq Jours de Pékin: Avec Charlton Heston, Ava Gardner et David Niven
1964: Guns of Batasi: Avec Richard Attenborough et Mia Farrow
1965: Ces Merveilleux Fous Volants dans leurs Drôles de Machines: Avec Sarah Miles, Stuart Withman Terry Thomas
1965: Young Cassidy: Avec Rod Taylor
1966: Seven Women: Avec Anne Bancroft , Margaret Leighton et Sue Lyon
1966: Eye of the Devil: Avec Sharon Tate, David Niven et Deborah Kerr
1967: The Shuttered Room: Avec Carol Lesley et Oliver Reed
1970: The Beast in the Cellar: Avec Beryl Reid.
1970: Fragment of Fear: Avec Gayle Hunnicut et David Hemmings
1971: The Beloved: Avec Raquel Welch et Richard Johnson
1979: Dominique: Avec Jean Simmons et Clift Robertson
1981: Le Choc des Titans: Avec Laurence Olivier, Claire Bloom, Harry Hamlin et Ursula Andress.