Faith Domergue naquit à la Nouvelle Orléans le 16 Juin 1924. Elle grandira, petite fille heureuse entre ses parents Adabelle et Léon Domergue. Une belle créole et un père d’origine française qui apprendra sa langue à la petite Faith. C’est bien plus tard que notre belle héroïne apprendra qu’elle avait été adoptée par Adabelle lorsqu’elle était encore un petit bébé et qu’elle avait déjà 18 mois lorsque Léon Domergue épousa Adabelle et fit de la petite Faith sa fille « officielle ». Mais en attendant ces révélations, Faith est donc une petite fille rieuse et connaît la grande joie de sa vie à six ans. Pour la récompenser de « Je ne sais plus quoi » selon ses dires, sa maman lui promit de l’emmener au théâtre. Elle se mit alors à trépigner des jours durant, clamant partout « Je vais aller au théâtre, je vais aller au théâtre ». Jusqu’à ce que sa grand’mère excédée lui demande « Tu sais ce que c’est au moins? » Et bien non, elle ne savait pas! Mais qu’importe! Le jour venu elle était si impatiente que la famille Domergue se retrouva devant les portes du théâtre bien avant l’arrivée de la caissière! Elle en sortit bien plus émoustillée encore qu’elle n’y était entrée. D’ailleurs c’était certain, elle serait actrice elle aussi!
Quelques année plus tard, ses parents quittèrent la Louisiane pour la Californie, ce que la très jeune Faith considéra comme une aubaine! Elle avait découvert le cinéma après le théâtre et c’était devenu sa passion! Or, ne voilà-il pas que l’on venait s’installer dans sa capitale même? Los Angeles! Adabelle n’étant pas de ces mères manageuses qui traînent leurs enfants prodigues jusque dans les lits des metteurs en scène, Faith se concentra sur ses études mais envoya quand même ses photos aux départements castings de studios. Elle fit bien! Elle était encore lycéenne qu’elle avait déjà un contrat chez Warner. Elle avait 15 ans, nous étions en 1943, elle parlait plusieurs langues et chantait comme un rossignol, quel studio aurait résisté?
Mais le destin s’en mêla. Un lycéen encore boutonneux l’invita à faire une ballade dans la voiture flambant neuve que « papa » venait de lui offrir pour ses dix-huit ans. Ce fut le premier et dernier parcours de l’engin qui finit à la casse. Faith passa huit mois à l’hôpital et on crut longtemps qu’elle resterait défigurée. Quinze jours après sa sortie d’hôpital, sa route va croiser celle d’Howard Hugues qui rachète son contrat à la Warner pour une somme fabuleuse et décide de faire de Faith Domergue à la fois une star et sa femme.
La famille Domergue n’était pas encore assez rodée aux mœurs californiennes ni à celles de la mecque du cinéma en particulier pour imaginer qu’il existât des cinglés de la trempe d’Howard Hugues. Le « fiancé-mentor » avait installé Faith dans une villa somptueuse et la couvrait de cadeaux précieux dont un voilier et un superbe roadster Jaguar pour ses dix-huit ans. La jeune fille comblée ne voyait cependant rien venir qui n’ait à faire de près ou de loin avec le cinéma. Durant les trois ans que durèrent son « apprentissage », Hugues la « prêta » pour un court rôle dans « Young Widow » où trônait Jane Russell en tête d’affiche et mitonna son lancement dans « Vendetta ». Entretemps elle jouait au golf, faisait du bateau, de l’équitation, apprenait à piloter des avions et peignait des portraits de son petit pékinois!
Faith, oisive, avait donc le temps de lire dans la presse les frasques d’Howard Hugues. Frasques qu’il avait la candeur de nier, parlant de « publicité nécessaire ». Elle finit quand même par se demander si il n’allait pas la lancer comme « la fille la plus naïve d’Hollywood » Elle se perdait en conjonctures. Qui de Lana Turner, de Rita Hayworth ou d’Ava Gardner qui était son selon Hugues éventuelle rivale? La pauvre serait sans doute morte d’apoplexie si elle avait su qu’en fait les trois l’étaient. Plus une centaine de « starlettes » disséminées dans tout Hollywood qui comme elle « attendaient » dans des appartements sublimes et sous des couches de visons. N’y tenant plus, elle prit Hugues en filature et ce soir là, c’est Ava Gardner qui se pavanait dans la Cadillac du milliardaire. Ce fut donc Ava qui trinqua! Faith fonça dans la Cadillac avec sa Jaguar jusqu’à ce que les deux voitures soient en miettes! (Devant un des night clubs les plus huppés d’Hollywood!)
A l’époque, Ava avait déjà défoncé le crâne d’Howard Hugues avec une cloche de bronze et il était rentré se faire panser chez Faith, jurant ses grands dieux qu’il était tombé le plus sottement du monde! Lorsqu’elle se rendra compte de son épouvantable naïveté et de la fourberie de cet homme qu’elle aimait sans doute sincèrement, son sang créole se mit à bouillir dans ses veines. Dans un bel esprit, elle se rua dans le mariage avec le chef d’orchestre Teddy Stauffer. Ceux qui savaient la grande prédilection d’Ava Gardner pour les chefs d’orchestre apprécièrent la chose à sa juste valeur! Huit mois plus tard, le mariage était terminé, et « Teddy » Stauffer allait faire les délices d’Hedy Lamarr dans un mariage à peine plus long que le précédent!
Faith de son côté avait eu la surprise de ne pas être virée de « Vendetta » qui était trop avancé et avait coûté bien trop d’argent pour être abandonné. Hugues ne détestant d’ailleurs pas un brin de tempérament houleux chez les dames de son coeur! Sur le plateau et sous le nez de Hugues, elle rencontra Hugo Frégonèse, metteur en scène sans grande envergure portant beau et l’épousa dès qu’elle se fut libérée de Ted Stauffer dans les jupons d’Hedy! Ils se marièrent en 1947, ils allaient le rester dix ans. Ils s’envolèrent pour l’Argentine où vint au monde la petite Diana, le premier Janvier 1949. Plus tard un petit garçon suivra, John Anthony.
La belle madame Frégonèse revint à Hollywood, fière de porter les cheveux longs à la demande de son mari, narguant Hugues qui détestait ça. Elle termina « Vendetta » qui ne sortit qu’en 1950 et fit un four complet. En attendant, elle s’était libérée du milliardaire mais pas de la rancune qu’elle avait tenace. Elle s’illustra dans quelques films noirs où elle est il faut bien le dire tout à fait sensationnelle puis passa à la science fiction avant de terminer dans les films d’horreur des années 70. Elle se consacrera beaucoup à la télévision et apportera son concours à quelques unes des séries les plus prestigieuses du petit écran.
Partageant son temps entre l’Argentine et Hollywood, elle ne fera hélas pas la carrière qu’elle était en droit d’espérer même si l’Angleterre et l’Italie firent appel à ses charmes et à son talent. Elle-même finit par se lasser de sa carrière d’actrice qui tout compte fait fascinait surtout la petites fille de six ans qu’elle avait été mais n’était plus.
Divorcée d’avec Frégonèse, elle convolera encore, avec Paolo Cossa. Une union sans histoires fracassantes qui la laissera veuve après 30 ans d’un mariage serein.
Faith Domergue s’éteint à son tour le 4 Avril 1999 emportée par le cancer. Elle s’était fixée à Santa Barbara après avoir longtemps vécu à Rome, à Genève et à Marbella.
Lorsque Faith Domergue s’éteignit, l’univers du cinéma n’en fut guère bouleversé, on avait depuis longtemps oublié la « première star créole ». Le cinéma la remettra à l’honneur en 2004, lorsque son rôle sera interprété par Kelli Garner dans « The Aviator » On pourra alors apprécier le duel de voitures à sa juste valeur!
Celine Colassin.
QUE VOIR?
1946: Young Widow: Avec Jane Russell, Marie Wilson et Louis Hayward
1950: Vendetta: Avec George Dolenz
1950: Where Danger Lives: Avec Robert Mitchum, Maureen O’Sullivan et Claude Rains
1952: L’Aventure est à l’Ouest: Avec Jeff Chandler
1954: This is My Love: Avec Linda Darnell et Dan Duryea
1955: Timeslip: Avec Gene Nelson
1955: Santa Fe Passage: Avec John Payne
1956: Soho Incident: Avec Lee Patterson et Rona Anderson
1958: Escort West: Avec Elaine Stewart et Victor Mature
1963: California: Avec Jock Mahoney
1967: Track of Thunder: Avec Tommy Kirk
1971: l’Uomo di Ghiaccio Dagli Occi: Avec Barbara Bouchet, Antonio Sabato et Keenan Wynn
1974: So Devil, my Sister: Avec Susan Strasberg
