Si je devais choisir un titre pour cet article consacré à la belle Eva Marie Saint, j’irais le chercher du côté de la bande dessinée et je l’appellerais « La ligne claire ».
Eva Marie Saint est née avec ce nom, ce clair regard, ce doux visage, cette pâle blondeur. Son enfance fut heureuse, sa vocation ne fut pas contrariée. Quand elle débuta au cinéma elle était déjà une star de télévision et rafla d’emblée un Oscar! Tout le reste de son existence sera à l’avenant…Eva Maria Saint aura traversé ce monde sur un chemin de roses semées par des fées.
Eva Marie est née à Newark dans le New Jersey de parents Quakers le 4 juillet 1924.
La jeune fille, étudiante brillante et Pom-pom girl charmante se destine à l’enseignement. Mais durant son cursus universitaire, elle va tâter du théâtre en amateur et s’enticher de la discipline. Mais la belle se raisonne. Elle poursuit ses études le plus sérieusement du monde et décrochera une licence de lettres.
Pourquoi, diplôme en poche, la belle quitta-elle le New-Jersey pour s’installer de l’autre côté de la rivière à New-York, je l’ignore. Mais toujours est-il que la vocation théâtrale n’ayant cessé de la titiller, elle cherche de petits boulots et…s’inscrit aux agences de casting. En 1946 elle avait déjà été filmée au collège pour un reportage et en avait gardé un souvenir ému. Elle poussera la chansonnette en direct pour des publicités radiophoniques, fera mille petits bouche-trous, de quoi s’offrir le menu gastronomique café-donut.
En 1947, le magasine LIFE publie un article sur la télévision alors toute nouvelle et l’illustre avec les propos et les photos d’Eva Marie. En 1949, le magasine reprend de ses nouvelles et publie cette fois un article sur les jeunes actrices en carafe à New-York qui galèrent plus qu’elles ne jouent. Le magasine LIFE sera d’une grande fidélité à Eva Marie Saint.
Eva Marie, de petit boulot en dépannages de dernière minute fait son bonhomme de chemin et peu à peu finit par avoir du travail non stop à la télévision et à la radio. Le rythme devient intense et après les difficultés de trouver du travail, viennent celles de faire le tri parmi les propositions. Radio, TV, théâtre, elle est partout!
En 1953 elle reçoit un award pour son travail sur scène, en 1955 elle en reçoit un autre pour son travail à la télévision. La fille de Quakers du New-Jersey a mis New-York à ses pieds. Et au passage donné la réplique à Paul Newman et Frank Sinatra!
Dans cette période bouillonnante, elle a fait la rencontre dans les couloirs de la télévision d’Elia Kazan et est venue, elle aussi, tâter de l’actor’s studio telle une Marilyn Monroe en exil sur la Côte Est.
Kazan aime à déstabiliser les comédiens et chose curieuse, plus Eva Marie est mal à l’aise, meilleure elle est. Pour lui elle est l’évidence pour son prochain film: « Sur les Quais » avec Marlon Brando.
Eva Marie n’avait pas songé au cinéma mais Kazan est son professeur, Brando son copain. Pourquoi refuser un bon rôle et un chèque de 7.500$ ? Le film fera un triomphe, ses interprètes seront propulsés au sommet du box office et Eva Marie raflé un Oscar dès sa première apparition à l’écran!
A star is born!
Dès son film suivant ses cachets passeront à 100.000$ et chose curieuse, Eva Marie inspire une sorte de respect aux studios qui ne l’approchent que pour de bons rôles dans des projets solides artistiquement et financièrement. Elle sera par deux fois la partenaire d’Elizabeth Taylor la star la plus chère du siècle!
Alors certes, ses personnages restent un peu calqués sur celui qui avait fait sa gloire. La jeune fille simple, naturelle, honnête et bien proprette qui a le cœur semé de pétales de fleurs et n’a strictement jamais aucune idée qui ne soit sortie de la bible la plus proche.
C’est un certain Alfred Hitchcock qui va changer tout ça en la choisissant à la stupéfaction générale pour jouer la femme fatale de « La Mort aux Trousses ». Eva Marie fut tout aussi sidérée que le reste de la population hollywoodienne et le fut plus encore lors de son premier rendez-vous avec Hitch.
Il la détailla des pieds à la tête, puis, parlant de sa longue chevelure blonde lui lança « Il faudra me couper ça! » Ce dont il ne fut pas question!
Eva marie coupa, pourtant. Elle découvrit l’étrange sensation de posséder une nuque et garda à jamais la coupe voulue par Hitch. Ces deux-là travailleront de concert. Il l’accompagnera choisir ses robes dans toutes les boutiques chic de New-York. Il lui fera travailler la voix pour la rendre plus grave. Il va modeler Eva Marie pour son film au moins autant que Vadim avec Bardot pour « Et dieu créa la femme » C’est dire!
La presse fit grand cas du scalp d’Eva Marie. On en parla au moins autant que du sacrifice capillaire de Rita Hayworth sous la coupe d’Orson Welles qui avait fait de la rousse tigresse un caniche bien toiletté. Mais ce qui avait loupé avec Rita qui reprit illico son look de légende fonctionna à merveille avec Eva Marie.
Dorénavant elle entrerait dans la légende des « blondes hitchcockiennes ».
Après le tournage, Hitchcock lui interdira d’encore jouer les braves épouses fauchées qui font la vaisselle elles-mêmes. De sa nouvelle voix elle lui répondra « Voilà une chose que je ne peux pas vous promettre, ces femmes avec leurs petits drames sont plus proches de moi que cette vamp de wagons-lits! »
Après la métamorphose hitchcockienne, Eva Marie Saint se retrouve propulsée au sommet du box office pour la seconde fois. Les propositions se remirent à pleuvoir sur sa nouvelle coupe de cheveux comme grêle en Mars. Elle les refusa avec une opiniâtreté qui force le respect!
C’est que voyez-vous, la blonde enfant était si discrète que l’on avait plus parlé de sa coupe de cheveux que de son mariage et ses deux maternités.
Eva Marie avait épousé en 1951 le réalisateur Jeffrey Hayden et le couple avait deux enfants, Darrell et Laurette.
Ce mariage et cette vie de famille seront comme tout le reste dans la vie d’Eva Marie. La voie royale du bonheur. Jeffrey fut son premier et seul mari, ils resteront tendrement unis durant 65 ans, jusqu’en 2019 où Jeffrey Hayden s’éteint à l’âge vénérable de 90 ans.
Si Eva tourne moins après « La Mort aux Trousses » elle se console ou se venge, comme on préfère avec le prestige de ses films, ses réalisateurs et ses partenaires! Elle tourne pour Preminger, Minnelli, Frankenheimer. Elle donne la réplique à Paul Newman, Richard Burton, Warren Beatty…
A la fin des années 70, Eva Marie s’éloigne d’Hollywood. vingt ans de refus de films presque systématiques ont lassé pas mal de réalisateurs et de producteurs. Mais là n’est pas la raison première de son éloignement. Le théâtre lui manque. Elle veut y retourner. Et puis son mari est un réalisateur de télévision et travaille à plein temps sur des séries phares. Sa place n’est plus à Hollywood.
Elle sera accueillie comme une star prodigue à la télévision. Elle sera encore nommée cinq fois aux Emmy avant d’en rafler un en 1990. Elle tiendra des rôles récurrents dans des séries parfois plusieurs années.
Devenue une légende puis une véritable icône, Eva Marie resplendissait d’élégance aux Oscars 2018. A 94 ans elle avait l’air de sortir tout droit des bras de Cary Grant. Elle avait renoué avec le cinéma pour de nouvelles générations de réalisateurs tel Wim Wenders qui la feront travailler avec Kim Basinger, Tom Hanks ou Jessica Lange.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1947: This is the Life (court métrage)
1954: On the Waterfront: Avec Marlon Brando et Karl Malden
1956: That Certain Feeling: Avec Bob Hope
1957: Raintree County: Avec Elizabeth Taylor et Montgomery Clift
1959: North by Northwest: Avec Cary Grant
1960: Exodus: Avec Paul Newman
1964: 36 Hours: Avec James Garner et Rod Taylor
1965: The Sandpiper: Avec Elizabeth Taylor et Richard Burton
1966: The Russians Are Coming the Russians Are Coming: Avec Carl Reiner
1966: Grand Prix: Avec Yves Montand et James Garner
1986: Nothing in Common: Avec Tom Hanks
1997: Time to say Goodbye: Avec Richard Kiley
2005: Because of Winn Dixie: Avec Jeff Daniels et Anna Sophia Robb
2005: Don’t come knocking: Avec Jessica Lange et Sam Sheppard
2014: Winter’s Tale: Avec Colin Farrell et Russell Crowe
2019: Mariette in Ecstazy: Avec Géraldine O’Rawe et Leigh Taylor Young
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