Estelle Winwood qui allait devenir une des plus incroyables vétéranes des scènes et des écrans naquit en Angleterre le 24 Janvier 1883 sous le patronyme d’Estelle Ruth Goodwin. A cinq ans, cette jeune créature savait déjà qu’elle voulait être actrice. Et comme c’est souvent le cas, la juvénile vocation ravit la mère et provoqua chez le père une rage sans nom! D’autant que cette fascination en question venait à la bambine d’avoir vu une écuyère parader au cirque sur le dos d’un cheval blanc! Je ne sais pas très bien comment se débrouilla celle qui choisit de s’appeler Estelle Winwood avec le veto paternel, mais elle réussit à suivre des cours d’art dramatique à Londres. Par contre, elle s’exila en…Afrique du Sud pour y faire ses débuts sur les planches! J’ignore s’il y avait un rapport entre cet éloignement et les soucis de famille!
Bien que n’étant pas d’une beauté rare, Estelle Winwood fait preuve non seulement d’un grand talent d’actrice mais excelle dans les rôles de pimbêches maigrelettes et un peu piquées. De sa voix flûtée et de ses manières surannées elle tire un succès inouï et fait mouche à chaque réplique. Elle deviendra très vite non seulement célèbre, mais une voleuse de scènes redoutée!
Miss Winwood auréolée de gloire revint en Angleterre lorsque la guerre de 1914 fut déclarée, n’estimant pas digne d’une dame anglaise d’être ailleurs que dans sa patrie lorsque celle-ci s’apprêtait à vivre des jours sombres! La paix revenue, elle accepta des offres pour jouer à Broadway, s’y fit une amie pour la vie de Tallulah Bankhead mais refusa presque outragée qu’on lui propose de faire du cinéma! On n’y parlait pas! les acteurs s’exprimaient sans textes en roulant des yeux comme des billes et en lançant leurs bras au ciel comme s’il fallait exécuter une danse apache pour demander de la crème dans son thé!
Il fallût que la chose parlât, et fort bien, pour que miss Winwood, s’apprêtant à souffler ses cinquante bougies d’anniversaire, condescendit à en faire. Elle n’apprécia la chose que fort modérément. Follement amoureuse de théâtre et se partageant déjà entre Londres et Broadway, les détours Hollywoodiens l’ennuyaient prodigieusement!
Jouant souvent les dames patronnesses sous des tombereaux de dentelles, elle avait dans la vie des comportements de diva et une langue acérée comme un scalpel trempé dans le vitriol. Elsa Lanchester, alias la fiancée de Frankenstein qu’elle détestait tout particulièrement en fit souvent les frais car ces dames, paradoxalement, ne refusèrent jamais une aventure commune, qu’il s’agisse d’un film ou d’une pièce! Il était certain alors que le vrai spectacle était dans les loges!
Estelle Winwood vieillit sur scène et devant les caméras. Car si elle n’aima que fort peu le cinéma elle se passionna pour la télévision. Sans doute parce qu’elle se faisait aussi à New-York. Estelle fut la seule actrice au monde qui ait jamais complètement subjugué Marlène Dietrich! Pour peu, l’éternel ange bleu aurait sollicité un autographe de la perruche vétérane. Car c’est bien de celà qu’avait l’air miss Winwood: d’une vieille perruche un peu sotte, aussi fripée que maniérée. Adorée de Truman Capote, d’Arthur Miller ou d’Alfred Hitchcock elle fut une star inouïe et le resta fort longtemps. Jusqu’à devenir la doyenne de sa profession.
Lorsqu’elle s’éteignit paisiblement dans son sommeil, elle avait 101 ans et était toujours référenciée comme comédienne en activité. On n’hésita d’ailleurs jamais à la faire travailler bien que les assurances ne la couvraient plus depuis longtemps. Tout le monde savait que « la Winwood » n’aurait pas le mauvais goût de s’éteindre sans avoir mené son personnage jusqu’au bout de son destin.
Miss Estelle Winwood s’éteignait le 20 Juin 1984, elle avait été mariée quatre fois, n’avait pas eu le temps d’en faire étalage et n’avait pas eu d’enfants. Son intense fréquentations de femmes célèbres affichant ouvertement leur homosexualité comme Tallulah Bankhead, Dorothy Parker ou Eva LeGalienne fit courir de nombreux bruits à son sujet ce dont elle se fichait comme d’une guigne. Elle estimait avec raison que son talent et l’intérêt de sa personne n’avaient que peu de choses à voir avec ses inclinaisons sexuelles. Ces mariages selon les échotiers bien informés n’étaient destinés qu’à donner le change.
Celine Colassin.
QUE VOIR?
1937: Quality Street: Avec Katharine Hepburn et Franchot Tone.
1955: La Pantoufle de Vair: Avec Leslie Caron et Michael Wilding et…Elsa Lanchester.
1956: Le Cygne: Avec Grace Kelly, Louis Jourdan et Alec Guiness
1956: 23 Paces to Baker Street: Avec Van Johnson
1958: This Happy Feeling: Avec Debbie Reynolds, John Saxon, Alexis Smith, Mary Astor et Curd Jürgens.
1961: Les Désaxés: Avec Marilyn Monroe, Montgomery Clift et Clark Gable
1962: The Cabinet Of Caligari: Avec Glynis Johns
1962: L’Epée Magique: Avec Lionel Rathbone et Gary Lockwood
1962: L’Inquiétante Dame en Noir: Avec Kim Novak et Jack Lemmon.
1964: Dead Ringer: Avec Bette Davis, Jean Hagen, Karl Malden et Peter Lawford
1967: Camelot: Avec Vanessa Redgrave, Franco Nero et Richard Harris.
1967: Games: Avec Simone Signoret, James Caan et Katharine Ross
1970: Jenny: Avec Marlo Thomas et Alan Alda.
1976: Murder by Death: Avec Peter Falk, Alec Guiness et Peter Sellers, Maggie Smith et…Elsa Lanchester.