La très belle Elga Andersen naquit à Dortmund sous le patronyme d’Elga Hymen le 2 Février 1935. Elle sera donc encore une petite fille lorsque la tourmente meurtrière embrasera son pays. Une tourmente dont son père ne reviendra jamais. Elga reste seule avec sa mère dans un pays ruiné, vaincu, fustigé et couvert de honte. Le père d’Elga ayant cessé de donner des nouvelles aux derniers jours du conflit, les deux femmes espéreront toujours son retour jusqu’au milieu des années 60, nourrissant le rêve fou qu’il était encore vivant et prisonnier quelque part.
La petite Elga qui a surmonté les épreuves et les frayeurs de son temps nourrit deux obsessions antagonistes. Elle rêve comme toutes les petites filles d’être danseuse mais se croit également laide à faire peur. Sa mère adorée va bien se garder de détromper sa fille sur ce dernier point. Puisqu’il vaut mieux être ravissante pour danser, pourquoi Elga ne s’atèlerait-elle pas plutôt à l’étude des langues étrangères où elle se révèle douée?
Ainsi fut fait et Elga devint un jour la fière propriétaire d’un diplôme de traductrice. Malheureusement, l’avisée maman commit une erreur. Elle demanda à sa brillante fille ce qui lui ferait plaisir pour fêter ses résultats. Elga choisit un séjour à Paris! A peine débarquée, elle s’enticha de Paris et plus particulièrement de Saint Germain des Près où bouillonne dans les jeunes têtes les lendemains du monde. Elga fut très vite à court de ressources. Elle partagea une chambre avec une amie qui gagnait sa vie en posant pour les photographes et fut complètement estomaquée lorsqu’elle lui proposa de faire comme elle.
Pourquoi prendrait-on la peine de photographier un laideron teuton? Quinze jours plus tard elle devenait l’égérie d’une marque de lessive puis vanta les mérites nourriciers des bons oeufs frais. Quelques photos de mode plus tard elle était « repérée » par le cinéma et commençait à tourner pour André Hunnebelle dans « Les Collégiennes ».
Nous étions en 1957, en 1958 elle serait de l’aventure de « Bonjour Tristesse » dirigée par Otto Preminger et de celle de « Ascenseur pour l’échafaud » où cette fois Louis Malle présiderait à la funeste destinée de son personnage.
Elga, devenue « Andersen » dès son second film vécut l’aventure comme un cadeau du ciel sans jamais se prendre au sérieux. Pour elle le cinéma était suffisamment bigleux pour la croire jolie et cette maldonne lui permettait de faire encore un peu la fête à Paris. Le temps que l’on se rende compte qu’elle était à la fois moche et incapable de faire quoi que ce soit en face d’une caméra. On finirait bien par la renvoyer dans son Dortmund natal traduire dieu sait quel texte ennuyeux. Mais en attendant, Elga vit tous les spectacles, fut de toutes les fêtes et collectionna les chaussures à talons hauts, sa marotte!
Et bien sûr les messieurs ne furent pas insensibles à cet ouragan blond sur talons aiguilles aimant la bière, la danse et surtout rire jusqu’à l’aube. Elle fut la tendre cavalière de Gary Cooper égaré à Paris le temps d’un tournage. Celui d’Ariane avec Audrey Hepburn. Puis le Shah d’Iran succéda à l’acteur avant que ne vint le tour de Gilbert Bécaud toujours friand de beautés blondes. La légende voudrait d’ailleurs qu’il ait composé « Et maintenant » après que la blonde Allemande lui ait signifié son congé et l’ait laissé aux bons soins de Brigitte Bardot.
Que la belle Elga ne crut pas un instant en sa beauté et en son talent lui fit commettre des erreurs à commencer par le choix de ses films. Puisqu’elle faisait du cinéma en dilettante momentanée, pourquoi s’inquiéter de la consistance intellectuelle de l’oeuvre? Elle passa donc de « Ascenseur pour l’échafaud » à « La Polka des Menottes » sans sourcilier le moins du monde.
Quand son pays natal ayant eu vent de cette réussite patriotique à l’étranger, la belle Elga accepta le pont d’or qui lui fut fait pour rentrer au pays tourner des films en vedette qui n’eurent d’ailleurs aucun autre intérêt que sa blonde présence.
La carrière de la belle aurait pu s’enliser complètement si en 1960 elle n’avait pas pris conscience de son potentiel et enfin traité son métier et sa carrière au sérieux. C’est à Marcel Camus qu’elle dut cette révélation lorsqu’il emmena Elga et son équipe à Bahia pour « Os Bandeirantes ». Elga y était une chanteuse de cabaret parachutée au Brésil et répondant au fier patronyme de « Bibi-Pigalle ».
La manière dont elle décrocha le rôle fait partie de sa légende. Une légende qui souvent fait commencer la carrière d’Elga avec le film de Camus. Marcel Camus était donc à la recherche de son actrice idéale et trimbalait partout le portrait dessiné du personnage selon ses vues. La presse mondiale avait publié le croquis et Elke Sommer en personne s’était présentée sans succès au réalisateur. C’est une amie d’Elga, elle aussi refoulée qui lui conseilla de se présenter car elle était la réincarnation du portrait. L’amie avait vu juste. Camus faillit s’en étouffer de bonheur. La chasse avait duré huit mois. Si malheureusement le film de Camus n’eut pas le succès espéré, Elga devint avec son film suivant une incontournable du cinéma Français, car « Le Monocle Noir » porté par ce bon Paul Meurisse fit un triomphe colossal!
Elga resta donc définitivement dans son cher Paris et réalisa le plus beau de ses rêves. Cherchant à acheter un petit studio, elle mit la main à Montmartre sur celui de Matisse en personne. Elga avait de ses fenêtres une des plus belles vues qui soit sur Paris. Elle devint l’éphémère épouse d’un architecte coté et mena une carrière de blonde éblouissante qui s’internationalisa de plus en plus. Après la France et l’Allemagne, bientôt l’Italie et l’Amérique firent appel aux services de la belle qui s’était crue laide. Et si Elga Andersen ne laissa pas dans le cinéma une trace bien plus éblouissante, c’est qu’en 1962, Surgissant de la mer des Caraïbes apparut Ursula Andress dans « Docteur No ». Ursula Andress qui accusait une furieuse ressemblance avec Elga et qui marqua dès sa première apparition nautique les cœurs mâles au fer rouge!
La carrière d’Elga déclina irrésistiblement et elle déserta complètement les écrans dès le début des années 70.
Elle épouse en 1978 le producteur Américain Peter Gimbel et s’installe avec lui à New-York bien qu’elle gardât son pied à terre adoré à Paris. Elle cesse définitivement d’être une actrice après avoir participé à plusieurs épisodes de la série « Aux Frontières du Réel ».
Elle sera la veuve de Gimbel en 1987 et elle-même décède à New-York après une longue lutte acharnée et vaine contre le cancer le 7 Décembre 1994. Elga n’a jamais fêté ses 60 ans.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1957: Les Collégiennes: Avec Christine Carere, Estella Blain et Gaby Morlay.
1957: La Polka des Menottes: Avec Pascale Audret, Mischa Hauer et Gaby Basset.
1958: Bonjour Tristesse: Avec Jean Seberg, Deborah Kerr, Davis Niven et Mylène Demongeot
1958: Ist Mama Nicht Fabelhaft?: Avec Luise Ullrich
1959: Asensceur pour l’Echaffaud: Avec Georges Poujouly et Yori Bertin
1960: La Mort a les Yeux Bleus: Avec Mireille Darc, Nadia Gray et Paul Guers.
1960: Os Bandeirantes: Avec Raymond Loyer et Lourdes de Oliveira
1961: Le Monocle Noir: Avec Paul Meurisse et Bernard Blier.
1961: Mourir d’Amour: Avec Paul Guers et Nadia Gray
1962: L’Oeil du Monocle: Avec Paul Meurisse, Robert Dalban et Olivier Despax.
1962: Le Scorpion: Avec Daniel Sorano et Lutz Gabor.
1962: L’empire de la nuit: Avec Eddie Constantine et Geneviève Grad
1963: A Toi de Faire, Mignonne: Avec Eddie Constantine, Philippe Lemaire et Noël Roquevert
1964: A Global Affair: Avec Michèle Mercier et Bob Hope
1965: D-M Killer: Avec Curd Jurgens et Daliah Lavi.
1966: La Battaglia dei Mods: Avec Joachim Fuchsberger
1970: Sex Power: Avec Alain Noury, Jane Birkin et Bernadette Laffont.
1971: Le Mans: Avec Steve MacQueen
1973: Le Serpent: Avec Yul Brynner, Philippe Noiret et Henri Fonda