Il n’est pas possible de trouver une actrice plus éphémère que la très allurale Dovima. D’ailleurs elle n’était pas une actrice, enfin pas officiellement. Pourtant, la seule prestation dont elle daigna nous honorer au grand écran démontre non seulement un talent certain mais un sens de l’humour assez décalé! Dovima, comme je l’ai dit, ne parut qu’une fois sur grand écran, mais attention! Quelle fois! En technicolor de luxe, panavision et budgets colossaux, entre Audrey Hepburn et Fred Astaire!
Dovima joue Dovima dans « Drôle de Frimousse »!
Celle qui allait connaître la gloire sous le nom de Dovima et faire naître le culte du « Top Model » naît le 11 Décembre 1927 à New-York sous le nom de Dorothy, Virginia, Margaret Juba. Son destin allait se déclencher comme par magie et qui de plus est, le plus naturellement du monde. Un rédacteur de VOGUE la croise en rue, lui remet sa carte, lui demande de passer au bureau du magazine dès le lendemain. Dorothy accepte, elle est une abonnée!
Dès le lendemain elle posait pour Irving Penn, le pape de la photo mode des années 50. Les lectrices s’entichèrent d’elle, se ruèrent sur les modèles qu’elle avait présentés. Dorothy s’imagina un « nom de guerre », devint Dovima, se créa un look et la première légende de la mode était née! Le plus simplement du monde! Elle fut la première à porter du Saint Laurent! Elle fut la première à être scandaleusement payée! Elle fut la première à être connue même par les fermiers du Wisconsin! Elle fut la première en tout! Et dans la foulée, elle donna son image à la femme des années 50, mieux, elle donna à la décennie sa signature!
Il était rigoureusement impensable que Stanley Donen fasse appel à qui que ce soit d’autre pour personnifier l’archétype du mannequin haute couture dans son « Drôle de Frimousse ». D’abord il n’y avait personne d’autre d’aussi célèbre! Et ensuite elle fut sublime et se moqua d’elle-même et de son univers avec un art consommé. Il faut la voir arriver en robe noire Dior, affichant une maigritude cadavérique mais sublime dans cette robe resserrée par des pinces à linge dans le dos! Il faut la voir lire avec application ses bandes dessinées de martiens! Il faut la voir poser sans écouter la moindre indication de travail, bref il faut la voir!
Dovima fait plus qu’une apparition, elle fait un numéro!
Nous étions en 1957, en 1958, Dovima devenait la maman d’une petite Allyson. Elle ne revint jamais au cinéma. Mais elle se frotta à la télévision, se retrouvant même dans « Mon martien préféré ».
Le temps passant, on le sait, a pour habitude d’emporter avec lui les icônes de la mode qui s’oublient d’une saison à l’autre, aussi adulées fussent-elles en attendant leur remplaçante. Dovima s’effaça, elle aussi mais ne fut pas oubliée.
Richard Avedon lui rendit hommage comme à »la plus grande beauté aristocratique du siècle » lorsqu’un cancer du foie emporta Dovima à 62 ans, le 31 Mai 1990.
Ce printemps là, tous les plus prestigieux magazines de mode du monde entier évoquèrent son souvenir. Ils nous remontrèrent une fois encore ses plus célèbres photos qui aujourd’hui portent des titres comme des tableaux de maîtres »Dovima et les éléphants » et « Dovima en Balenciaga dans un bistrot des Halles » et tous mirent pour un mois leurs pimpants colifichets sur papier glacé en berne.
C’est que voyez-vous, leur reine n’était plus!
D’autres lui succèderaient, aucune ne la remplacerait.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1957: Drôle de Frimousse: Avec Fred Astaire, Audrey Hepburn et Kay Thompson