Si le nom de Diana Lynn reste à jamais lié à la grande histoire du cinéma américain malgré la brièveté de sa carrière, c’est grâce à son rôle de petite peste jalouse de Ginger Rogers grimée en adolescente dans « Uniformes et Jupons Courts ». Ginger, actrice redoutable et alors au sommet de sa gloire comme de son art et de sa beauté est brillantissime dans un rôle taillé sur mesures pour elle. Elle devra pourtant batailler ferme pour exister dans les scènes qu’elle partage avec Diana Lynn qui n’a pourtant qu’un rôle conventionnel et des répliques assorties ! Ajoutons que la surprise fut d’autant plus complète que c’était un des premiers vrais rôle de Diana !
La future Diana Lynn naît le 7 Octobre 1926 à Los Angeles sous le patronyme de Dolorès Marie Loher. C’est sous son patronyme officiel qu’elle débutera chez Paramount. La jeune fille est une enfant prodige. Pianiste soliste elle s’est produite très jeune en concert et a participé dès l’âge de 13 ans à plusieurs films en tant que musicienne.
Mais ce ravissant minois au nez mutin et la mine espiègle hantant les plus grands studios hollywoodiens ses partitions sous le bras ne pouvait guère échapper aux sens toujours en éveil des dénicheurs de talents.
Elle va donc, dès 1942, faire partie de cette « nouvelle vague » hollywoodienne générée par la guerre en Europe qui va bientôt priver le cinéma de ses héros qui iront jouer à la guerre « pour de vrai » Ce sera le règne des trop jeunes ou des réformés, le règne de Peter Lawford ou Tom Drake et bien entendu de quelques jolies demoiselles de leur âge pour leur donner la réplique comme June Allyson, Elizabeth Taylor et Diana Lynn. Ce petit coup de pouce bien involontaire du destin dans ces carrières d’acteurs et d’actrices qui se seraient bien passés d’une guerre mondiale pour faire leurs preuves aura son revers
Le cinéma américain des années de guerre est un cinéma patriote et bon enfant destiné à distraire le soldat au front et sa fiancée restée au pays. L’ère n’est pas aux films d’auteurs torturés. On joue on danse on chante on fait les pitres et on séduit Dorothy Lamour, Veronica Lake et Betty Grable. Le mot d’ordre c’est distraire et comme la formule rapportera plus d’argent que jamais, elle durera bien plus longtemps que les hostilités mondiales. Il faut voir pour s’en convaincre « The Miracle of Morgan’s Creek » où Diana Lynn est la petite soeur de Betty Hutton qui ne se souvient ni de s’être mariée ni qui l’a mise enceinte après un coup de boule à facettes. Cette histoire stupide est émaillée de gags hilarants: Les personnages ne cessent de hurler que pour tomber. Diana qui avoue 14 ans s’en sort plutôt bien avec des dialogues d’un cynisme que l’on s’attendrait à trouver chez Stanwyck ou Davis!
Diana comme tant d’autres tournera nombre de ces films sans intérêts où elle donnera même la réplique au singe Bonzo dont le nom précédait le sien au générique ! Ce qui n’avait pas empêché Diana, il faut bien le reconnaître de donner la réplique à quelques mâles pointures humaines de son époque dont Ray Milland, Fred McMurray, Rock Hudson, Burt Lancaster, Glenn Ford, Robert Cummings et quelques autres tel Ronald Reagan.
Un autre handicap pour Diana Lynn était une ressemblance criante avec Janet Leigh dont l’ascension fut plus rapide que la sienne et qui était une actrice plus complète car si elle ne jouait pas du piano elle dansait magnifiquement, ce qui à Hollywood se porte mieux.
Diana connaîtra son premier petit revers de la gloire lors d’un week-end à Palm Springs. Voyant un joli sweater dans une vitrine, elle entre dans la boutique et la vendeuse qui la reconnaît immédiatement lui demande 80$ pour le sweater ce qui est énorme. Rentrée sans le pull qui lui faisait envie, toute éberluée des prix pratiqués à Palm Springs, elle raconte l’anecdote à sa mère. Celle-ci lui répond « La vendeuse t’a sûrement reconnue ! J’y vais ! » Elle reviendra triomphante avec le sweater payé…15$
La jeune actrice avait également trouvé un mari en la personne de John C. Lindsay dont elle divorça en 1953. Un mariage qui avait il faut bien le dire fait son petit tapage! John Lindsay, architecte très en vogue étant de surcroît l’héritier d’une fortune colossale à venir. Or, monsieur Lindsay était le très officiel fiancé d’une autre actrice: la blonde Jane Nigh qui s’affichait ouvertement avec Claude Cartier , le fils de l’illustre diamantaire à ses heures perdues. Diana de son côté était la fiancée relativement officielle de Bob Neal. Or, avec une soudaineté assez surprenante, Diana devenait la fiancée de monsieur Lindsay, Jane Nigh pour ne pas être en reste mettait le grappin sur Bob Neal! Echange de bons procédés jusqu’au mariage de Diana avec John Lindsay, jour fatidique où Jane Nigh l’accusa d’avoir brisé sa vie, mettant au moins trois semaines à se consoler!
En 1956, Diana Lynn se remariait avec un éditeur New-yorkais, Mortimer Hall. Et s’il y avait maintenant plus de dix ans qu’elle tournait régulièrement à Hollywood, elle ne trouvait pas dans le matériau qu’on lui proposait le film qui aurait pu faire d’elle une star au lieu de la « vedette appréciée » qu’elle était. Elle avait même songé à reprendre sa carrière de soliste et enregistré quelques morceaux pour Capitol.
Mariée à un homme dont la vie était à New-York, elle quittera Hollywood sans regrets et n’aura qu’à s’en féliciter. Son mariage tiendra jusqu’à ce que la mort sépare les tourtereaux, ils auront eu quatre beaux enfants, et cerise sur le gâteau, si le cinéma se faisait à Hollywood, la télévision se faisait à New-York et Diana Lynn y sera présente et comblée durant près de trente belles années de succès télévisés
On ne l’avait plus vue au cinéma depuis « The Kentuckien » sorti en 1955, elle tournerait pour la télévision jusqu’en 1971.
En cette même année 1971, Diana Lynn a fêté ses 45 ans lorsque Hollywood se rappelle à son bon souvenir et lui propose de revenir pour un film dont le scénario et le rôle qu’on lui réserve l’enchantent.
L’actrice hésite. Il y a son mari, ses enfants et puis son agence de voyage qu’elle a ouverte et dont elle s’occupe elle-même quand elle ne tourne pas. Mais sa famille l’incite à accepter. Après tout ce n’est que quelques semaines d’absence, ce serait l’occasion de terminer sa carrière Hollywoodienne en beauté ou qui sait poser le jalon d’une nouvelle carrière de femme mature. Et puis surtout elle en a tellement envie.
Diana Lynn prit dont l’avion pour Hollywood, toute à la joie de son film à venir. Elle ignorait que non seulement elle ne le tournerait pas mais qu’elle ne reverrait plus jamais ni New-York ni les siens. Quelques jours après son arrivée à Los Angeles, Diana Lynn est frappée d’un accident vasculaire cérébral massif et décède sans avoir repris connaissance après neuf jours de coma. Elle n’avait que 45 ans et laissait quatre enfants derrière elle.
C’était le 13 Décembre 1971
Quelques semaines après sa mort, la télévision diffusait le dernier téléfilm qu’elle avait tourné « Company of Killers » avec Van Johnson et l’acteur qui avait présidé à son premier triomphe Ray Milland
Celine Colassin
QUE VOIR ?
1939: They Shall Have Music (comme pianiste) avec Andrea Leeds et Joel McCrea
1941 : The Hard Boiled Canari: Avec Susanna Foster, Margaret Lindsay et Allan jones
1942: The Major and the Minor (Uniformes et Jupons courts) Avec Ginger Rogers et Ray Milland
1943: Paramount Victory Short No. T2-4: The Aldrich Family Gets in the Scrap (Court métrage)
1943: Henry Aldrich Gets Glamour: Avec Jimmy Lyndon
1943: The Miracle of Morgan’s Creek: Avec Betty Hutton et Eddie Bracken
1944: And the Angels Sings (Quatre flirts et un Cœur) : Avec Dorothy Lamour et Betty Hutton
1944: Our Hearts were Young and Gay: Avec Gail Russell et Dorothy Gish
1945: Duffy’s Tavern: Avec Betty Hutton, Gail Russell et Bing Crosby
1947: Variety Girl: Avec Mary Hatcher
1948: Texas, Brooklyn and Heaven: Avec Guy Madison
1948: Ruthless: Avec Zachary Scott et Louis Hayward
1948 : Every Girl Should Be Married :Avec Betsy Drake, Cary Grant et Franchot Tone
1949: My Friend Irma: Avec Marie Wilson, Dean Martin et Jerry Lewis
1950: Paid in Full: Avec Lizabeth Scott et Robert Cummins
1950: My Friend Irma Goes West: Avec Marie Wilson, Dean Martin et Jerry Lewis
1950: Peggy: Avec Rock Hudson, Charles Coburn et Charlotte Greenwood
1950: Rogues of Sherwood Forest: Avec John Derek
1951: Bedtime for Bonzo: Avec Ronald Reagan
1953: Plunder of the Sun: Avec Glenn Ford et Patricia Medina
1953: Meet Me at the Fair (Le Joyeux Charlatan): Avec Dan Dailey
1954: Track of the Cat: Avec Tab Hunter, Robert Mitchum et Teresa Wright
1955: The Kentuckian: Avec Burt Lancaster
1955: An Annapolis Story: Avec John Derek
1955: You’re Never Too Young (Martin et lewis au collège) : Avec Jerry Lewis et Dean Martin