corinne marchand

Corinne Marchand restera pour toujours chère au coeur des cinéphiles pour avoir été la radieuse « Cléo de 5 à 7″ d’Agnès Varda. Fleuron d’un cinéma nouvelle vague. Nouvelle vague dont elle fut en un film l’égérie et qui ne fit bien entendu plus jamais appel à elle. Une nouvelle vague qui fit d’elle une icône bien éphémère. Et qui sait ce qu’il serait advenu de cette comédienne SANS la nouvelle vague en question.

Denise, Marie, Renée Marchand naît à Paris, au pied de la butte Montmartre le 4 Décembre 1937. C’est là qu’elle grandira, deviendra une petite fille secrète avant d’être une jeune femme discrète aimant la nature, les plats simples, les chansons douces mais surtout le cinéma. Devenue une altière parisienne d’un mètre 73, ce qui est gigantesque pour son époque, la future Corinne devient employée de bureau à l’âge de gagner sa vie. Le démon du spectacle et du cinéma en particulier la taraude. Nous sommes au début des années 50 et notre héroïne va en plus de son travail de bureaucrate suivre des cours de chant, de danse et de comédie chez Georges Vitaly où on lui fait travailler essentiellement les tragédies classiques. Son professeur Alic Roussel la rêve dans le rôle de la reine dans « L’Aigle à deux Têtes » pourtant propriété privée d’Edwige Feuillère!

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La jeune apprentie comédienne-employée de bureau connaîtra des débuts obscurs. Elle se faufile derrière Dany Robin dans « Cadet Rousselle », derrière Michèle Mercier dans « Donnez-moi ma Chance » ou se noie dans la figuration du « Napoléon » de Sacha Guitry ou du « Gigi » de Vincente Minnelli. Elle fera aussi un peu de cabaret, mode d’expression remis un temps à l’honneur par les existentialistes, du music-hall, de la revue, chantant et dansant dans ce que la presse de l’époque nomma pudiquement « Des revues dénudées dans des cabarets de Pigalle ».

Corinne Marchand

C’est là qu’elle se fera « débusquer ». On cherche une Marilyn Monroe sachant chanter et danser pour une opérette avec Georges Guétary. Elle se retrouve donc « vedette » à l’Alcazar de Marseille dans « Pacifico ». Elle a vingt ans. Elle reviendra à Paris suffisamment aguerrie pour mener la revue de « La Nouvelle Eve » avant de rejoindre Bourvil et Georges Guétary dans la reprise parisienne de « Pacifico ». Des débuts longs et laborieux, et comme on le voit, aux antipodes des préceptes de cette fameuse « nouvelle vague » qui va bientôt déferler sur les écrans et dans les esprits (à défaut de déferler dans les caisses des cinémas).

C’est Jacques Demy qui va le premier lui mettre le pied à l’étrier cinématographique de manière un peu plus probante en lui donnant un court rôle dans l’ombre d’Anouk Aimée et de sa guêpière de dentelle dans « Lola ». Agnès Varda, l’éternelle fiancée de Demy hante le plateau, « découvre » Corinne et déclare qu’elle a enfin déniché  »sa Cléo » qu’elle cherchait depuis belle lurette parmi les vendeuses des galeries Lafayette, je présume. Corinne Marchand enchaîne le film d’Agnès Varda après le film de Demy.

« Cléo de 5 à 7″ sera un succès et restera parmi les grandes réussites de la « nouvelle vague ». Même si Agnès Varda, in fine, n’en fait pas vraiment partie intégrante. Son film en a tous les symptômes. Dans la forme comme dans le fond. Le soir de la première, un cocktail est organisé après la projection dans un club à la mode. Surprise générale: On a amené un juke box qui non seulement diffusait les airs du film mais aussi les disques que Corinne avait déjà enregistrés!

corinne marchand

Mais Corinne va commettre un crime de lèse majesté aux yeux des nouveaux chantres de la pellicule: elle va profiter de sa célébrité toute fraîche et bien méritée après sept ans de dur et incessant labeur pour enchaîner avec des films « commerciaux » après avoir été sollicitée une nouvelle fois par Jacques Demy pour le film à sketches « Les Sept Péchés Capitaux » où on la retrouve dans « la luxure ».

Corinne se justifie en marge du festival de Cannes « Je ne pense pas être une comédienne intellectuelle. J’ai eu la chance de tourner dan sun film intéressant. C’est tout! Ce n’est pas moi l’intellectuelle dans cette histoire, c’est Agnès Varda. D’ailleurs j’avais débuté au cinéma avant de tourner Cléo mais je trouvais ça très compliqué et je préférais nettement mener la revue au cabaret où on ne se pose pas tant de questions! » Corinne va tourner pour Delannoy, pour Calef, pour Clouzot, pour René Clément mais ne retrouvera plus jamais un rôle aussi porteur que celui de la belle Cléo.

En 1962, dans la foulée et la notoriété du film d’Agnès Varda, Corinne eut la grande surprise et la grande fierté d’être choisie pour interpréter au théâtre des Mathurins le rôle principal de la pièce posthume de Malaparte « Les Femmes aussi ont perdu la Guerre ». Les héritiers de l’auteur eux-mêmes validèrent à l’unanimité le choix de la blonde comédienne. Mais estampillée « nouvelle vague », le monde du théâtre et ses critiques en particulier n’apprécièrent que peu ce transfuge. Pièce et actrice furent éreintés dans la presse à un point tel que la salle se vida malgré un bouche à oreille très louangeur. L’actrice avait mis sept ans à prouver sa valeur, sa carrière était son sacerdoce, tout fut anéanti dans le fracas de plumes vengeresses crachotant des critiques nauséabondes sur la femme, sur l’actrice, sur son jeu, sur son talent, sur sa beauté, sur tout.

Corinne Marchand

Corinne Marchand reconnut en avoir été profondément affectée et réagit comme elle le put pour défendre la pièce et se défendre. Elle ne fit que s’enliser, en pleine conscience puisqu’elle disait en toute franchise « Je sais que j’ai tort de me défendre et de défendre mon travail comme cela, mais l’injustice me révolte, cette pièce est magnifique, elle est bouleversante et je sais que j’y tiens parfaitement mon rôle, ce lynchage est indigne de professionnels du journalisme comme de critiques éclairés, c’est une violence qui est faite à l’auteur et aux interprètes« 

Alors elle abandonna le combat sans abandonner ce métier qu’elle aimait.

Dans une période de doute, aimant la nature, le miel et les abeilles, elle avait passé son brevet d’apicultrice. Elle s’en souvint, s’acheta des terrains en bordure de Seine, y installa ses ruches qui furent longtemps sa grande joie et son seul bien matériel. On la revit au cinéma, elle tourna pour quelques grands dont Cukor ou Lelouch, on la compara parfois à Jean Seberg dont elle avait le sourire mélancolique ou à Delphine Seyrig dont elle avait la grâce.

Je l’ai revue en 2005, dans « Innocence » entre Marion Cotillard et Hélène de Fougerolles, toujours sobre, toujours belle, toujours secrète.

Celine Colassin.

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QUE VOIR?

1954: Cadet Rousselle: Avec Dany Robin, François Périer et Bourvil.

1959: Arrêtez le Massacre: Avec Jean Richard

1961: Lola: Avec Anouk Aimée, Marc Michel, Elina Labourdette et Margo Lion

1962: Cléo de Cinq à Sept: Avec Michel Legrand

1962: Les Sept Péchés Capitaux: Avec Jean Desailly, Micheline Presle, Laurent Terzieff et Jean-Louis Trintignant.

1965: L’Heure de la Vérité: Avec Karlheinz Böhm,  Daniel Gélin et Michèle Girardon.

1966: Les Sultans: Avec Gina Lollobrigida et Louis Jourdan.

1967: Du Mou dans la Gâchette: Avec Bernard Blier et Jean Lefèbvre.

1967: Le Canard en Fer Blanc: Avec Roger Hanin et Francis Blanche.

1970: Borsalino: Avec Alain Delon, Jean-Paul Belmondo et Catherine Rouvel.

1972: Travels With My Aunt: Avec Maggie Smith

1979: Coup de Tête: Avec Patrick Dewaere, France Dougnac et Dorothée Jemma.

1982: Nestor Burma, Détective de Choc: Avec Jane Birkin, Guy Marchand et Michel Serrault

1986: Attention, Bandits: Avec Jean Yanne, Patrick Bruel et Marie Sophie L.

1997: Les Palmes de Mr Chutz: Avec Isabelle Huppert et Philippe Noiret.

2005: Innocence: Avec Marion Cotillard et Hélène de Fougerolles.

 

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