Clémentine Célarié, à l’heure où je lui consacre ces lignes est une des comédiennes les plus actives et les plus populaires de France. Mais cela fait-il d’elle une icône incontournable du septième art? Elle même n’en est pas convaincue puisqu’elle dira « J’ai tourné bien trop de films pour être aussi peu célèbre ».
Meryem Célarié naît de parents français le 12Octobre 1957 à Dakar au Sénégal. Elle tient son prénom de sa grand’mère cantatrice.
Son père André est journaliste et deviendra rédacteur en chef pour France 3 puis Tf1. Sa maman Martine est également « du métier » puisqu’elle est secrétaire de production. La famille Célarié se complètera de deux garçons, Laurent et Loïc. L’enfance de Clémentine est une enfance voyageuse puisque son père qui est alors journaliste radio sera successivement envoyé au Cameroun, au Gabon et au Congo. Toute sa vie la comédienne restera proche de son enfance africaine et sensible à la culture du « continent noir ». Pourtant l’enfance africaine va se terminer plutôt sèchement. Clémentine n’est pas une petite fille modèle bien proprette et après une bagarre épique elle se fait renvoyer du collège. Elle se retrouve expédiée en droite ligne au couvent des ursulines de St Germain en Laye. Elle a 13 ans et en aura 16 lorsqu’elle retrouvera une vie de famille « normale ». Ses parents étant à leur tour rentrés d’Afrique pour s’installer à Lille. Ces trois années d’éloignement l’ont rendue plus indépendante encore et bac en poche, elle chante dans les rues avec un groupe pour se faire de l’argent de poche. Elle obtient de partir étudier un an aux USA. « J’avais 18 ans, j’étais en Amérique, je regardais la cérémonie des Oscar, je me suis juré qu’un jour j’y serais moi aussi. Tu parles!«
Rentrée avec la ferme intention de devenir comédienne, elle est recalée aux examens d’entrée du conservatoire. Elle a 19 ans. « C’est une épreuve terrible car non seulement on est recalée mais tout votre entourage, famille, amis, proches sont désormais convaincus que vous n’êtes pas faite pour ça. Et vous aussi du coup ».
Alors elle fait de la radio avec un copain Julien Delli-Fiori. Juste un prénom pour juste une voix. Elle est intervieweuse, rencontre des vedettes, des actrices. Une voix mais pas de visage pas de corps, pas encore. Momentanément sur scène avec la troupe du Splendid, elle s’oriente, comme papa vers la radio sans renoncer à sa vocation première de comédienne. Elle fait des débuts peu remarqués mais qui promettent, sous la direction de Claude Sautet face à Yves Montand s’il vous plaît dans « Garçon » en 1983. Deux jours de tournages qu’elle a littéralement arrachés à Dominique Besnéhard en charge du casting et qui n’était pas du tout convaincu.
Contrairement à ce qui s’écrit partout, Clémentine Célarié ne va pas « exploser » dans « 37°2 le Matin ». Elle n’ y tient qu’un rôle secondaire d’épicière qui se fait rejeter avec ses avances charnelles dans des cageots d’agrumes et primeurs.
Clémentine Célarié s’est déjà distinguée à l’époque et le public peut même s’étonner de la retrouver dans un rôle aussi court.
A l’heure du film de Beineix, elle a été dirigée par Elie Chouraki après Claude Sautet. Elle a donné la réplique à Coluche puis a su saisir sa chance avec « Les Nanas ». L’entreprise d’Annick Lanoë de réaliser un remake à la bonne franquette du mythique « Women » de Georges Cukor n’a pas révolutionné le septième art. Mais dans son rôle de « forte en gueule » en chemises de bûcheron, Clémentine a damé le pion à Dominique Lavanant, Marie France Pisier et Macha Méril. Et ce pour une raison fort simple: Elle était la seule surprise du film pour ne pas dire « la révélation » et tant pis pour Juliette Binoche. Elle va enchaîner aux côtés de Miou-Miou, Sandrine Bonnaire et Maria Casarès avec un joli film qui n’aura pas le succès mérité « Blanche et Marie ». Mais pour Clémentine Célarié, les deux films sortent à quelques semaines d’intervalle et elle est bel et bien une comédienne dont on parle et sur qui l’on peut fonder des espoirs de relève. Clémentine fait preuve de talent, d’abattage, de drôlerie. Le rendez-vous qu’elle propose au public marche tout de suite très bien. Peut-être même trop bien.
Très vite c’est elle qui se colle à la promo des films ce qui lui fera dire qu’elle passe plu de temps à les promouvoir qu’à les tourner!
Il faudrait en cette fin d’année 1985 le beau grand rôle qui lancerait la carrière de Clémentine Célarié. Il ne viendra pas et on peut maintenant rejoindre l’avis général car « Les Nanas » et « Blanche et Marie » sont bien oubliés et on ne peut guère sortir du lot que son rôle dans 37°2 le Matin. Rôle qui lui vaudra sa première nomination aux Césars. César qui lui échappera au profit d’Emmanuelle Béart pour « Manon des Sources ». Clémentine sera nommée une seconde fois dans la catégorie « seconds rôles » pour « Nocturne Indien » en 1990 mais cette fois c’est Suzanne Flon qui rafle la mise pour « La Vouivre ».
Estampillée actrice de comédie, les films que tourne Clémentine Célarié ne sont pas inoubliables, loin s’en faut. Si elle ponctue sa carrière de quelques tentatives plus risquées, elle ne porte pas de film d’auteur sur ses épaules. Alors l’actrice, dès le début des années 90 se laisse tenter par le pont d’or que lui offre la télévision et inverse le cours des choses. Elle n’est plus une actrice de cinéma que l’on voit parfois à la télévision, elle est une star du petit écran que l’on voit parfois au cinéma. Et loin de moi l’idée de dire que c’est moins bien.
Sa franchise fait plaisir à voir. Elle revendique haut et fort son passage au bistouri pour se débarrasser d’un nez qui ressemblait à une patate qu’on lui aurait lancée à la figure et qui serait restée accrochée. Elle revendique aussi les nuits passées à faire la fête en boîte ou ailleurs, les hommes qu’elle a collectionnés ou sa joie d’être une femme avec des seins, avec des fesses. Si elle accepte de faire la campagne publicitaire de Slim Fast c’est parce que son père lui a dit « Pour une fois qu’on te propose de vraiment gagner du fric! Pense à tes gosses! » Clémentine y réfléchit, elle accepte. Après tout, les régimes ça la connaît, elle les a tous essayés.
Lorsqu’elle sera maman de trois enfants elle affirmera avoir hâte qu’ils grandissent pour retourner faire la fête et la tournée des boîtes!
Clémentine Célarié fait aussi de la musique, fait du théâtre, elle connaîtra un succès colossal avec sa version de « Madame Sans-Gêne », performance qui lui vaudra d’être nommée aux Molières.
Et puis elle a une vie privée. Elle aura une longue relation avec le bassiste franco-malien-guinéen Henri Diallo, père de son fils Abraham Diallo né le 24 avril 1985. Le réalisateur Christophe Reichert sera le père de ses deux autres fils, Gustave et Balthazar nés respectivement en 1989 et 1991.
En 2017, son compagnon de vie se donne la mort par pendaison dans son appartement en la rendant responsable de son geste dans une longue lettre où il ne lui reproche pourtant que ses craintes infondées de la voir le quitter.
Clémentine poursuit sa carrière de vedette populaire française. Denrée qui se raréfie au fil du temps. Elle est devenue la femme la plus mal coiffée du monde, s’obstinant dieu sait pourquoi en crêpages hasardeux qui lui donne souvent l’air d’un cocker qui aurait violé un sèche cheveux. Ajoutons à celà une prédilection pour les robes moulantes et nous nous éloignons définitivement du style Hedy Lamarr.
Clémentine Célarié semblait s’être un peu endormie sur les lauriers de la popularité et elle semblait s’éteindre au fil des séries télé, ne donnant que du Clémentine entrée de gamme et sans surprises.
Heureusement qu’en 2018 elle surgit en Sarah Bernhard survoltée et drôlissime dans « Edmond ». Vive Clémentine le retour!
Malheureusement, le destin rattrape la comédienne. A l’aube des années 2020 elle est terrassée en scène devant un public médusé. Hospitalisée d’urgence, le couperet tombe. Cancer du colon. L’actrice ne se montre pas bouleversée outre mesure « ah bon? » Elle suivra sa thérapie avec beaucoup de discipline, feignant toujours la même boulimie de vivre et de rire lors de ses apparitions. Elle porte une perruque qu’elle prend soin de coiffer aussi mal que sa propre tignasse. Elle n’évoque pas son combat. Pas même à ses proches ni à ses enfants. Elle préfère attendre d’être guérie pour en parler et ajouter vivement « Mais c’est du passé ». Comme un cri de victoire, comme un chant d’espoir elle fera un livre de son expérience.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1983: Garçon: Avec Nicole Garcia et Yves Montand
1984: La vengeance du serpent à plumes: Avec Maruschka Detmers, Coluche et Luis Rego
1984: Paroles et musique: Avec Catherine Deneuve, Christophe Lambert et Richard Anconina
1985: Le téléphone sonne toujours deux fois: Avec Didier Bourdon, Pascal Légitimus et Bernard Campan
1985: Les Nanas: Avec Marie-France Pisier, Dominique Lavanant et Macha Méril
1985: Blanche et Marie: Avec Miou-Miou et Sandrine Bonnaire
1985: Moi vouloir Toi: Avec Jennifer et Gérard Lanvin
1986: La femme secrète: Avec Philippe Noiret
1986: Le complexe du kangourou: Avec Zabou Breitman et Roland Giraud
1986: La Gitane: Avec Valérie Kaprisky et Claude Brasseur
1986: 37°2 le Matin: Avec Béatrice Dalle et Jean-Hugues Anglade
1987: La vie dissolue de Gérard Floque: Avec Marie-Anne Chazel et Roland Giraud
1988: De sable et de sang: Avec Sami Frey et André Dussolier
1988: Sanguines: Avec Mathieu Carrière
1989: Nocturne indien: Avec Jean-Hugues Anglade
1990: Le silence d’ailleurs: Avec Michel Galabru
1991: Génial, mes parents divorcent! Avec Gianni Gardinelli
1992: Les Nuits Fauves: Avec Romane Bohringer et Cyril Collard
1993: Toxic Affair: Avec Isabelle Adjani
1993: Abracadabra: Avec Philippe Volter et Thierry Frémont
1994: Les braqueuses: Avec Catherine Jacob et Annie Girardot
1994: La Vengeance d’une Blonde: Avec Marie-Anne Chazel
1995: Les Misérables: Avec Jean-Paul Belmondo
1996: X,Y: Avec Patrick Braoudé et Jean-François Balmer
1997: Les Sœurs Soleil: Avec Marie-Anne Chazel et Thierry Lhermitte
2000: Room to Rent: Avec Flaminia Cinque
2009: La différence, c’est que c’est pas pareil: Avec Audrey Dana et François Berléand
2009: Victor: Avec Sara Forestier, Pierre Richard et Lambert Wilson
2011: Les adoptés: De et avec Mélanie Laurent.
2016: Demain tout Commence: Avec Clémence Poesy et Omar Sy
2013: Amour & turbulences: Avec Ludivine Sagnier et Nicolas Bedos
2018: Edmond: Avec Olivier Gourmet et Thomas Solivérès
2020: Boutchou: Avec Carole Bouquet et Gerard Darmon