La charmante Christine Delaroche fut toujours pour moi une énigme.
Cette charmante parisienne qui naît sous le patronyme de Christine Paille le 24 Mai 1944 est une comédienne éclectique et à la formation solide. Elle suivit simultanément sa formation en sorbonne et les cours d’art dramatique de Tania Balachova avant d’entrer au conservatoire en 1963 à 19 ans. Jolie comme un coeur avec son physique qui la prédestine à jouer les Juliette, Christine Delaroche a un air candide de jeune fille de bonne famille dont elle ne se départira jamais quoi qu’elle fasse. L’imaginer à l’écran saoule ou blonde platine est aussi incohérent que de l’imaginer cosmonaute ou avec une cigarette à la main. Christine Delaroche a définitivement l’air, et une fois pour toutes, d’une vraie jeune fille. Une jeune fille surprise dans le salon d’essayage de chez Courrèges, un jour où, au mépris de tous les dangers, elle osait une robe au dessus du genou! C’est bien simple, à côté d’elle, Marie José Nat a l’air d’un baroudeur et Marie Laforêt d’un proxénète de Pigalle!
Ce petit air BCBG un rien mièvre lui permettra de démarrer en fanfare à la télévision dans le feuilleton culte « Belphégor » où elle se heurte sans cesse à la méchante Juliette Gréco qui l’a dans le collimateur du début à la fin de la série. Il serait presque mal élevé de rappeler le succès du feuilleton qui frôla le phénomène de société. Christine devint une créature de télévision, enchaînant les tournages de séries aussi diverses que « Allô Police » ou « Chapeau Melon et Botte de Cuir » où on toujours besoin d’une nunuche à terroriser. Vittorio de Sica lui-même remarquera la belle et son talent, lui confiant dès 1966 le premier rôle de son film « Un Monde Nouveau » face à Nino Castelnuovo, Pierre Brasseur et Madeleine Robinson. De là elle ne fera qu’un saut pour rejoindre, en couleurs cette fois, Adamo et Bourvil sur le plateau du film « Les « Arnaud » en ayant toutefois pris soin d’être une des ultimes partenaires de Montgomery Clift dans « L’Espion ».
Le plus curieux sans doute, c’est que ne se prenant ni pour la nouvelle Cendrillon ni pour la future Greta Garbo, Christine s’en était retournée, dès le film de Vittorio de Sica terminé, suivre les cours de l’excellent Fernand Ledoux
Plus tard elle fera collection, après Adamo, de chanteurs-partenaires en donnant la réplique à Claude François et surtout à Serge Lama avec qui elle promènera « Napoléon » en tournée durant plusieurs années.
Mais en cette fin des années 60, Christine qui s’est mariée à l’auteur-compositeur Guy Bontempelli s’attaque également au yéyé. Sans se départir bien entendu de son look « Courrèges collection jeune fille ». (Et ce même si elle est une inconditionnelle de Chanel) Son cher et tendre époux écrit et compose pour des talents aussi divers et aussi illustres que Brigitte Bardot, Françoise Hardy, Juliette Greco, Nicoletta, Mireille Mathieu, Nana Mouskouri ou Patachou. Bref tout le monde. Il semble hélas que le timbre un peu creux de sa tendre Christine ne l’inspire pas vraiment. A moins qu’il ne lui fourgue les rossignols dont personne n’a voulu, qui sait? Car enfin, ce n’est pas « Vamp de Poche » ou « Fais-Moi l’Amour l’après midi » qui lui feront commencer une collection de disques d’or!
N’ayons pas peur de dire que le yéyé néo pop va au teint de Christine Delaroche aussi bien qu’un rouge à lèvres vert pomme. Ses prestations musicales font impitoyablement penser à un accident génétique entre France Gall et Chantal Goya. Non que Christine soit une immonde passoire, mais enfin, elle est mal exploitée, et en un mot comme en cent elle n’est pas à sa place.
Mais au fait, où est sa vraie place? Depuis le film de Vittorio de Sica, elle a cumulé les disques, les tournages pour le petit écran, disparaissant du grand et elle s’est faite embringuer dans l’émission jeu « Le francophonissime » comme invitée récurrente entre Paule Herman, Micheline Dax et autre Evelyne Leclerc. Ceci amènera le public et les professionnels du cinéma à finalement considérer Christine Delaroche comme une potiche pour émissions télévisées plutôt que comme la délicieuse et frêle jeune fille que l’on aime à torturer dans les films pour mieux la sauver avant la fin. C’était un temps où l’on croyait en France que les acteurs passant à la télévision le faisaient faute d’engagement ailleurs.
Christine Delaroche malgré son talent, son art, sa beauté et sa voix ne trouvera finalement jamais sa vraie chance. Elle n’en délaisse pas pour autant un métier qu’elle adore et on est parfois surpris de la retrouver sur scène avec « Les Monologues du Vagin », à la télévision dans « Plus Belle la Vie » ou au cinéma, servant de secrétaire à André Dussolier dans « Un Crime au Paradis » en 2001.
Christine Delaroche a également créé son « seul en scène » sous un titre qui la résume magnifiquement « Sensualité bien Elevée »!
Celine Colassin.
QUE VOIR?
1966: Un Monde Nouveau: Avec Nino Castelnuovo, Jean-Pierre Darras, Pierre Brasseur, Madeleine Robinson et Tanya Lopert
1966: L’Espion: Avec Macha Méril, Montgomery Clift et Hardy Krüger
1967: Les Arnaud: Avec Bourvil et Adamo
1989: Comédie d’Amour: Avec Annie Girardot, Michel Serrault et Aurore Clément.
2001: Un Crime au Paradis: Avec André Dussolier et Jacques Villeret